Dénigrer n’est pas synonyme de liberté !
«Les Pastèques Du Cheikh» de Kaouther Ben Hénia en humeur
L’article premier du chapitre premier de la Constitution tunisienne (inscrite au Journal officiel du 20 avril 2015) dit : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. Le présent article ne peut faire l’objet de révision ». Alors pourquoi certains artistes dénigrent l’islam à travers leurs oeuvres, comme si dénigrer était synonyme de liberté ? Le cas de Kaouther Ben Hénia et son court « Les pastèque du cheikh »...
Une comparaison résume tout l’écart qui caractérise la vie culturelle dans le centre-ville de Tunis. A la rue Radhia Haddad, la plus grande des bibliothèques publiques de la capitale, celle qui possède un statut historique incontestable, se morfond dans l’anonymat et le manque flagrant d’équipements.
Le marasme du réseau du service public de la culture
Au lieu d’être un facteur de progrès, les quarante dernières années ont plongé cette bibliothèque dans un marasme palpable, aisément perceptible à l’oeil nu. Il ne reste plus grand chose du fonds de cette bibliothèque de l’ex-rue de Yougoslavie. En y entrant, on semble projeté dans un temps arrêté sur lequel la modernité n’a plus prise. Pourquoi aucun investissement n’a-t-il été fait pour mettre en valeur cette bibliothèque? Pour quelles raisons cette vitrine de la culture au centre-ville est-elle délaissée? Et si c’est au profit de la Cité de la culture, finira-t-on par se souvenir un jour que la culture véritable, c’est aussi la proximité?
Quelle tristesse de constater jour après jour que le réseau fabuleux du ministère des Affaires culturelles en matière d’animation culturelle et de lecture publique, se dégrade sans cesse sans que les responsables ne lèvent le petit doigt. Cet effondrement de l’essaimage de la culture, cette disparition de la proximité et de l’éducation populaire sont un fait politique qu’il ne convient pas de négliger. Car la politique culturelle actuelle semble tout investir sur les festivals dont on sait qu’ils sont plus d’un millier à se dérouler chaque année avec l’appui du ministère des Affaires culturelles. Alors que la culture est désormais circonscrite dans le périmètre étriqué du ludique et celui exclusif d’une cité gigantesque mais moyennement attractive, les medersas coraniques et les associations à caractère religieux occupent le terrain laissé libre et pollinisent à leur manière le champ social, jadis rebuté par toute emprise obscurantiste.
Nous en sommes arrivés à cette situation pour plusieurs raisons dont les principales sont l’actuelle doctrine qui prévaut dans notre vie culturelle et sa conséquence matérialisée par la raréfaction des budgets. La réalité du terrain est absolument dramatique et laisse les rares acteurs culturels encore énergiques dans un désarroi total. A elle seule, cette bibliothèque de la rue Radhia Haddad résume une situation qui a besoin d’être reprise en main après des années de gabegie parfois provoquée par les animateurs culturels eux-mêmes.. Comment ne pas déplorer que ces dernières années, les bibliothèques publiques et les maisons de la culture aient été astreintes à n’ouvrir que durant les horaires administratifs? Cette décision absurde prise par les travailleurs culturels sur fond de contestation et de revendications a entraîné pour une grande part la crise actuelle qui, il faut le reconnaître, est par ailleurs structurelle.
Une locomotive pour l’offre culturelle dans le centre de Tunis
Heureusement qu’il existe encore quelques îlots culturels au centre-ville. A ce titre, il est indéniable que le plus gros investissement sur la culture à avoir été fait au coeur du centre-ville de Tunis, n’est autre que la rénovation de l’institut français. Etalée sur plusieurs années, cette rénovation vient de s’enrichir de nouveaux aménagements qui concernent la médiathèque et la dynamisation du fonds disponible.
L’institut français est à mille lieux de la bibliothèque de la rue Radhia Haddad. Il s’agit non seulement d’un lieu de vie et de convivialité mais aussi d’un espace de partage du savoir. Tout est au service de l’usager et les services offerts sont remarquables et vont de l’auditorium aux salles de rencontres en passant par un café-restaurant branché. L’institut français est aussi à mille lieux de l’atmosphère parfois bien triste de la Cité de la culture où malgré la pléthore de personnel d’accueil, la convivialité et la joie manquent cruellement.
Ces constats se veulent objectifs et ne sont pas fait de gaieté de coeur, car comment accepter qu’aucun espace culturel du service public n’offre les services attendus? Ni la maison Ibn Rachiq ni la Maison Ibn Khaldoun ne parviennent à tirer leur épingle du jeu dans un centre-ville déserté par les galeries d’art. Seul le Théâtre national fait de la résistance en s’ouvrant au public même si la nature de ses activités le tourne vers la création. Quant aux espaces privés comme Le Rio, le Mondial ou El Hamra, ils ne peuvent que vivre selon leurs maigres moyens. Au final, du côté de l’hyper-centre de la capitale, seul l’institut français est un pôle de rayonnement culturel au plein et moderne sens du terme.
Que cet Institut français ait une nouvelle fois investi pour s’ouvrir davantage est une bonne nouvelle en soi. C’est d’ailleurs là l’un des faits culturels à relever pour cette rentrée de septembre qui est placée sous le signe du nouveau visage de ce pôle culturel. Un peu plus loin, vers l’avenue Mohamed V, autour de la Cité de la culture, rayonnent aussi avec des moyens moindres plusieurs espaces culturels internationaux qui restent très fréquentés. C’est le cas du British Council, d’amideast, du Goetheinstitut, de l’institut Younous Emre et aussi du Centre Cervantès qui tous contribuent à la vie culturelle dans la capitale, avec une prédilection pour les cours de langues.
Polyvalent, ouvert et efficace, l’institut français s’insère dans ce réseau tout en constituant l’incontestable locomotive.