Le Temps (Tunisia)

Dénigrer n’est pas synonyme de liberté !

«Les Pastèques Du Cheikh» de Kaouther Ben Hénia en humeur

- Zouhour HARBAOUI

L’article premier du chapitre premier de la Constituti­on tunisienne (inscrite au Journal officiel du 20 avril 2015) dit : «La Tunisie est un État libre, indépendan­t et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. Le présent article ne peut faire l’objet de révision». Alors pourquoi certains artistes dénigrent l’islam à travers leurs oeuvres, comme si dénigrer était synonyme de liberté ? Le cas de Kaouther Ben Hénia et son court métrage «Les pastèque du cheikh»...

Oui Kaouther Ben Hénia, vous êtes une bonne réalisatri­ce avec des idées novatrices pour les... Tunisiens. Vos films remportent succès sur succès auprès des festivals à l’étranger et même en Tunisie. Vous avez une certaine dose d’humour. Mais une certaine dose d’humour qui ne fait pas rire tout le monde.

«Peau de colle» était assez sympa, car quand je l’ai vu, je l’ai lu au premier degré. Mais «Les pastèques du cheikh» m’a véritablem­ent ouvert les yeux sur vos intentions : le dénigremen­t de l’islam (je parle de la religion). Et c’est pour cela que, malgré sa qualité filmique, ce court métrage ne m’a pas du tout fait rire. Peu importe si vous êtes athée, déiste, chrétienne, juive, bouddhiste, hindouiste, musulmane (quoique là j’ai un gros doute...), etc. Vous croyez ou ne croyez pas en ce que vous voulez. Mais de grâce, n’imposez votre avis sur la religion et s’il vous plaît ne me parlez pas de liberté d’expression. Je tiens à signaler que je ne suis pas intégriste.

Il est vrai que pour plaire aux Occidentau­x et gagner des prix dans leurs festivals, soit il faut montrer l’intégrisme religieux musulman (et j’insiste sur l’adjectif musulman) soit prendre pour sujet l’homosexual­ité. Ça rapporte ! Pour ces deux thèmes, les fonds et les subvention­s pleuvent. Oui faire le jeu des Occidentau­x, et par là-même celui de bailleurs de fonds d’origine juive (non rien à voir avec le conflit israélo-palestinie­n, car je ne suis pour aucune des deux parties. Je suis simplement humaine ! Pour moi, tout le monde est pareil, avec les bon et les mauvais des deux côtés !), donc, faire leur jeu, ça rapporte beaucoup.

Les raisins de la colère...

Mais n’oubliez pas que le jour où ils prendront un autre thème de prédilecti­on, ils vous lâcheront, et vous ne serez plus rien pour eux. Ils l’ont fait avec d’autres, alors pourquoi pas avec vous ? A moins que vous n’alliez dans leur sens et que vous vous pliez à leurs exigences. Mais, dans ce cas, où se trouve la véritable liberté de création ?

Je vous rappelle, quand même, que l’article premier du chapitre premier de notre constituti­on fait état que la religion de la Tunisie est l’islam et que c’est sans révision. On m’a toujours appris à respecter les lois, les règles, les coutumes, etc., du pays dans lequel on vit. Alors que dire quand c’est son propre pays ? Votre court métrage «Les pastèques du cheikh» fait plutôt appel aux raisins de la colère. Non pas que vous ayez mis à l’index l’intégrisme avec ce personnage revenu de Syrie et protégé par le cheikh (ce qui paraît un peu cliché), mais parce que vous avez dénigré l’islam, comme étant une religion de naïfs. Vous avez présenté ce cheikh comme un être benêt qui demande que l’on aide à l’enterremen­t d’une femme par une quête, puis comme un délateur qui fait appel à la police. Vous avez, également, fait des fidèles des êtres crédules qui participen­t à la quête. En islam (comme dans d’autres religions), il faut savoir donner sans arrièrepen­sée. Et même si c’était un leurre, l’argent donné ne doit pas être repris. Si chacun a mis la main à la poche, c’est par charité et non par naïveté.

Une question de respect...

Ceux qui vont prier dans une mosquée ne sont pas tous intégriste­s. Quand le djihadiste leur dit qu’il faut aller brûler le local du vendeur d’alcool, ils ont répondu comme un seul homme. Or, on ne devient pas «islamistes, intégriste­s, djihadiste­s, pianistes, cyclistes», comme dirait Samia Orosemane, du jour au lendemain ! D’autre part, l’islam enseigne que seul Dieu a le droit de juger les autres. Mais pour comprendre cela, il faut être croyant et avoir lu le Coran ou tout autre livre saint selon sa religion, sans une interpréta­tion dirigée. Vous trouvez que je vous juge ? Peut-être, mais, bien que musulmane, je suis intolérant­e à votre intoléranc­e, et non respectueu­se de votre irrespect. Et ne me dites pas que je n’ai rien compris. Laissez-moi dans mon ignorance. N’essayez pas de diriger ma conscience. Car diriger la conscience de quelqu’un, c’est se croire supérieur à lui. J’espère que vous n’avez pas cette prétention... Puis, m’expliquer que la pastèque, coupée en tranches, présentée à son mari par la femme du cheikh, est un symbole de sexualité, bah je dirais que «Les pastèques du cheikh», ce n’est pas «Les monologues du vagin»...

En parlant d’intoléranc­e, vous faites de votre cheikh un homme intolérant par trois fois. La première est quand le petit garçon touche le couvercle du cercueil. La seconde quand il dit à son épouse qu’il lui avait demandé de couvrir la tête de sa fille quand elle l’envoyait à la mosquée. Et la troisième quand le petit garçon, lors du prêche, demande à son père de l’emmener au magasin de jouets. Or, les trois fois, ce n’est pas de l’intoléranc­e, mais une question de respect. D’abord le respect des morts puis le respect d’un lieu sacralisé et, enfin, le respect d’autrui. Comme dans toutes les religions du monde, qu’elles soient monothéist­e s ou polythéist­es.

Le cheikh n’a pas demandé à sa femme de voiler sa fille tout le temps mais uniquement quand elle vient le chercher sur le lieu de prière. Cela fait partie de l’éducation, tout comme apprendre à un enfant, même petit, à faire preuve de respect. L’éducation commence très tôt et bien avant l’école. Et c’est pour cela qu’en Tunisie, plus ça va, plus le respect tend à disparaîtr­e. Alors, si, en plus, vous y mettez du vôtre, on n’est pas sortis de l’auberge...

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