Panorama hétéroclite et avenir incertain
Aujourd’hui jour du silence électoral, prend ses quartiers jusqu’à demain, à la fermeture du dernier bureau de vote de la circonscription électorale et ce, conformément à la loi organique relative aux élections et aux référendums du 26 mai 2014. Cela nous donnera à réfléchir sur ces élections qui se déroulent pour la deuxième fois depuis l’avènement de la deuxième République, et de faire le point sur l’impact de ses élections sur le processus démocratique. Celui-ci a été engagé depuis la mise en échec d’un régime qui a bafoué les droits et les libertés par les mêmes mécanismes, consacrés pourtant par la Constitution de 1959, et utilisés pour mieux sévir. Ce fut d’ailleurs en vertu de cette même Constitution, que l’accession au pouvoir de l’ex-président de la République a été largement approuvée et applaudie. Les mécanismes électoraux étaient à peu près les mêmes sur la forme bien sûr, car sur le fond c’est une autre paire de manches, avec les partis d’opposition qui jouaient un rôle purement de façade. Cependant, les discours, les campagnes électorales et les promesses ne manquaient pas. Le silence électoral était à l’époque, d’un tout autre genre. On savait qu’aucune de ces promesses n’a pu être tenue, mais nous ne pouvions pas le dire ouvertement, avec les procédés d’exactions, qui se multipliaient au fur et à mesure que le régime évoluait dans le temps et dans les méthodes dictatoriales.
Après 2011 et surtout après que le pays se dota d’une nouvelle Constitution, et face à la pléthore des partis politiques qui s’étaient constitués au fur et à mesure, les élections législatives de 2014 étaient pleines de promesses par les multiples candidats. Les deux partis qui avaient émergé du lot étaient, le parti de Nidaa Tounes et le mouvement Ennahdha. Ce dernier qui avait remporté les élections à l’assemblée constituante en 2011, termina deuxième derrière Nidaa Tounes qui arriva en tête, avec une majorité relative.
Est-il nécessaire de rappeler qu’aucun des leaders de ces partis n’avait tenu les promesses faites aux citoyens, concernant tout ce qui a trait au développement du pays tant sur le plan économique que social, et les droits et les libertés d’une manière générale. Les problèmes s’étaient multipliés et aggravés, notamment en ce qui concerne la corruption et le blanchiment d’argent qui sert à financer le terrorisme. Sans parler des dossiers pendants devant la justice, et qui ne trouvent d’issue jusqu’à présent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, l’indépendance de la magistrature est mise sur la sellette surtout avec les derniers évènements relatifs à l’affaire de l’appareil secret liée à l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ainsi qu’à l’affaire Karoui. Cela amène à dire que ce jour de silence électoral, nous prête à cogiter sur le sort de ces élections législatives, avec un Panorama électoral hétéroclite et flou, et des candidats qui, pour la plupart, sont très peu connus. Ils ont, au cours de la campagne électorale, tenu à peu près le même langage, toute proportion gardée bien sûr, selon l’idéologie et l’orientation de chaque parti que représentent ces candidats. Le problème de chômage et des régions marginalisées fut leur cheval de bataille par excellence. Ils ont abordé également le problème de l’endettement du pays et de ses relations économiques avec les pays amis et frères. Ils ont tous évoqué le problème de la corruption, du blanchiment d’argent, de la menace terroriste.
Toutefois, il n’y a pas de programme qui soit probant à cent pour cent. Ils ont tous abordé les problèmes qui préoccupent les citoyens, dont une grande partie vit dans l’indigence et n’arrive pas à joindre les deux bouts pour subvenir à leurs familles et à ceux qui sont à leurs charges, dont des mineurs, des personnes âgées ou handicapées.
Or on constate que les candidats tiennent un langage commun et stérile, pareil à celui que véhiculaient naguère leurs prédécesseurs pendant les élections de 2014, face à des électeurs perplexes voire tiraillés entre extrémistes, radicalisés ou conservateurs, qui promettaient tous le changement pour une Tunisie meilleure où sera mis fin à toutes les pratiques malsaines, et de nature à porter atteinte à ses acquis. Car depuis 2014, bien de l’eau a coulé sous les ponts, mais le bilan est plutôt pessimiste à cause de tous les dépassements, le laxisme, voire les négligences, et la mauvaise application de la loi, et dont les auteurs ne sont pas inquiétés pour autant.
C’est justement aux députés, chacun en ce qui concerne la région qu’il représente, de soulever ces problèmes, et d’inciter à trouver les mécanismes nécessaires afin d’y sévir, en appelant à la réforme de certaines lois laxistes et permissives.
Pour cela, il faut une certaine assiduité de la part des députés, car la députation n’est pas une sinécure dans le but de profiter des avantages y afférents, dont notamment en plus de l’indemnité mensuelle, l’immunité. Celle-ci est justement, pour l’élu du peuple, dans le but de pouvoir mener sa mission dans les meilleures conditions afin de ne pas trahir la confiance de ceux qui l’ont mandaté pour défendre leurs droits. Or les négligences viennent d’abord du manque d’assiduité de certains députés, qui s’absentent, de manière récurrente ; ce qui entrave la bonne marche des travaux de cette institution, surtout quand il s’agit de voter un projet de loi important. Beaucoup de députés, il faut le dire, ont dénoncé ce phénomène, mais il n’y a pas eu vraiment de résolutions fermes de manière à dissuader les absentéistes afin de faire cesser ce phénomène devenu presque une pratique courante, usitée parfois à dessein lorsqu’il s’agit de voter une loi qui touche surtout à des intérêts particuliers, faisant fi par là même à l’intérêt du contribuable.
Le député qui daigne se rendre sur place, en homme de terrain, et qui reste en contact permanent avec ses électeurs, en écoutant leurs doléances et en se rendant compte de visu de leur train de vie, pour en référer à l’hémicycle, afin de réfléchir aux solutions idoines, aura satisfait sa conscience et accompli sa mission sinon pleinement, en tout cas pour une grande part. Cela éviterait de tomber dans les querelles partisanes et les tergiversations qui ne servent aucunement l’intérêt général.
Plus de 7 millions d’électeurs tunisiens iront demain aux urnes pour élire ceux qui sont censés défendre leurs droits et préserver leurs intérêts, à la prochaine Assemblée des représentants du peuple. Face à ces 722 listes électorales, une certaine hésitation se fait sentir, voire un manque de motivation électorale, due à une certaine déception, voire une amertume de constater que les choses restent au même point ou presque, quant aux problèmes cruciaux qui constituent un obstacle dans la voie du processus démocratique, dont notamment, le respect de la légalité, la justice et la répartition équitable des richesses.
Nos prochains élus parviendront-ils enfin à réaliser ce que leurs prédécesseurs ont omis, ou négligé à dessein, à savoir les mécanismes tendant à consolider un Etat de droit où seront respectés les droits et les libertés ? Inchaallah!