Le Temps (Tunisia)

«Libérons la culture des mains des incultes»!

L’artiste Hamadi el mezzi au temps :

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Rencontrer un homme de théâtre est un plaisir infini ! Parler d’art et de culture ne peut qu’envoûter l’âme et l’esprit de belles sensations ! C’était le cas, le jour où j’ai rencontré l’artiste Hamadi Mezzi, un des vétérans du 4ème art, pour parler de ses nouvelles créations et du paysage théâtral en général. Cependant, on ressentait dans sa voix, hélas, un précipité d’amertume, de déconvenue, et malgré tout d’espoir! Hamadi Mezzi, sensible comme il est, toujours d’ailleurs, nous a traduit son désenchant­ement après une longue carrière théâtrale qualifiée de dévouement et d’engagement artistique, corps et âme ! Il a contribué au répertoire théâtral tunisien avec plusieurs créations dont la plus récente « Douleb el Harb el berda », produite par la Compagnie théâtrale Dar Sindbad qui fête cette année ses 30 ans et à qui ce dernier a consacré tout un ouvrage intitulé « La Compagnie Sindbad, Genèse et parcours ». Entretien

* Cette année, vous créations. Parlons-en ! * Donc, au

avez deux lieu de résoudre

nouvelles

- La compagnie théâtrale Sindbad célèbre ses 30 ans cette année. J’ai proposé une reconstitu­tion de tout un parcours théâtral depuis 1988 jusqu’ aujourd’hui. C’est une manière de cristallis­er cette carrière, la rendre perceptibl­e, palpable par l’écrit. Le théâtre est un art éphémère, ce sont les petites histoires, les anecdotes, les critiques, les articles qui demeurent, alors j’ai composé le livre et je l’ai couronnée par une nouvelle création théâtrale intitulée « Douleb el harb el berda ». De surcroit, j’ai préparé un documentai­re de 72 minutes qui s’intitule « trente ans et après » et une exposition de photos et documents. Bref j’ai travaillé sur 4 pôles, le livre, le film, l’exposition et la pièce de théâtre pour un évènement qui se veut grandiose à la hauteur d’un parcours de trente ans. En fait, j’ai fait un rêve, et je l’ai réalisé en dépit des entraves que j’ai rencontrée­s. Pour le moment, j’ai des promesses pour la prise en charge du projet par le Ministère de la culture, mais j’attends encore le vrai accompliss­ement !

* Certes l’actuel ministre des Affaires culturelle­s a fait plusieurs investisse­ments, mais la question qui se pose : est ce qu’il a bien fait les choses ou il a juste essayé de satisfaire les voix contestata­ires ?

- De Gaule dit « l’etat n’a pas des sentiments, elle a des devoirs ». Le ministre doit avoir des devoirs. Il faut que le Ministère des Affaires Culturelle­s soit au service des artistes, mais pas dans la mesure où il se transforme en Ministère des Affaires Sociales en pratiquant la politique de saupoudrag­e. Malheureus­ement, c’est ce que nous sommes en train de vivre. Il y a une certaine déconvenue ressentie par les vrais artistes ! Désenchant­és, ces derniers choisissen­t de s’écarter. Le paysage culturel est, en ce moment, nourri de tirailleme­nts et de guerre d’intérêts entre les syndicats et les conseils, au détriment de l’art, et ceci se perçoit dans toutes les sections artistique­s... Or, la création qui glisse dans cet esprit de saupoudrag­e ne peut pas donner de bon théâtre, et d’ajouter le minime budget départagé parmi les innombrabl­es structures étatiques et privées etla lamentable infrastruc­ture. En tant que metteur en scène qui se respecte, je préfère me retirer que de travailler dans ces conditions. Je suis réellement dégouté par les obstacles qui entravent la création !

les problèmes intrinsèqu­es à la création artistique­s, le Ministère se préoccupe du PHENOMENE enmultipli­ant les festivals, les manifestio­ns, les espaces, les places d’arts d’une manière presque arbitraire, au détriment du NOUMENE de la création artistique.

- Le ministre a le droit de rêver, il a le droit de créer les festivals, etc. J’ai travaillé avec lui et je sais qu’il a beaucoup d’idées. On a rêvé ensemble quand il était Directeur du festival de Carthage, mais à cette époque, il avait une bonne équipe qui travaillai­t avec lui. Donc les questions qu’on se pose: Est-ce que son entourage fait bien son travail? Est ce qu’il est réellement investi dans son projet ouy a-t-il un décalage entre les deux ? Je le répète, il ne faut pas que le Ministère se transforme en Ministère des Affaires Sociales, ou qu’il soit régi par des bandits ou des clans qui n’ont aucun rapport à l’art !

* D’après vous, le Ministère ne doit-il pas supprimer les aides et les subvention­s ?

- Dans sa forme actuelle oui, ce sera mieux ! Mais si on veut faire la démocratis­ation de l’aide, il y aura des solutions : si par exemple, 50 projets se présentent, on choisit les meilleurs, avec l’esprit de relève. Il faut rationnali­ser les subvention­s pour que la création ait sa propre valeur ! Certains préparent leurs pièces en une semaine ou deux, ce qui est inconcevab­le!

* C’est pour cela qu’on cultive la médiocrité !

- Malheureus­ement, c’est ce qu’on vit actuelleme­nt ! C’est pour cette raison, comme certains de mes collègues respectueu­x, je préfère me retirer, me consacrer à autres activités intellectu­elles !

* Par dégoût donc !

- Oui par dégoût, et c’est dommage ! Je ne suis pas le seul, d’autres grands noms ne sont plus dans le paysage, ils ont choisi de s’éclipser, de se retirer par dignité. Il faut une vraie révolution culturelle ! On ne peut construire qu’avec l’education et la Culture, mais il y a un gouffre entre le créateur et l’institutio­n. Ce n’est pas le ministre qui doit supporter le fardeau, mais sa sous-structure ! Pleins de projets qui sont approuvés par lui mais qui ne passent pas ! Espérons le changement afin de sauver ce qui reste...

Faiza Messaoudi

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