Et si c’était un imbroglio «trop» bien orchestré !
Curieux tout de même : ce qu’on nous donne à voir et à ingurgiter ressemble à un enchainement de coïncidences (nous en avions parlé dans une précédente livraison) et ces coïncidences sont comme rythmées, assemblées, programmées même dans des arcanes occultes où triomphent les bonnes vieilles recettes des techniques des coulisses, celles du clientélisme, celles des arrangements, comme on en voit même dans les démocraties évoluées. Sauf qu’il y a un pas, celui de l’effronterie, dont la frêle démocratie tunisienne pouvait se faire l’économie.
Tout au long de ces derniers jours avant l’annonce officielle des résultats (avant-hier soir), Nabil Baffoun et son équipe nous auront bassinés à coups d’annonces tenant à la découverte de «graves» entorses à la règle du jeu électorale. On nous a fait croire que des «listes-mastodontes» allaient tomber.
Curieux tout de même : ce qu’on nous donne à voir et à ingurgiter ressemble à un enchainement de coïncidences (nous en avions parlé dans une précédente livraison) et ces coïncidences sont comme rythmées, assemblées, programmées même dans des arcanes occultes où triomphent les bonnes vieilles recettes des techniques des coulisses, celles du clientélisme, celles des arrangements, comme on en voit même dans les démocraties évoluées. Sauf qu’il y a un pas, celui de l’effronterie, dont la frêle démocratie tunisienne pouvait se faire l’économie.
Tout au long de ces derniers jours avant l’annonce officielle des résultats (avant-hier soir), Nabil Baffoun et son équipe nous auront bassinés à coups d’annonces tenant à la découverte de «graves» entorses à la règle du jeu électorale. On nous a fait croire que des «listes-mastodontes» allaient tomber. On nous a aussi parlé de transfert de dossiers frauduleux à la justice pénale, comme pour dégager sa responsabilité par rapport à ce qui s’est fait en dessous de table, par rapport à toutes les manigances et, lâchons le mot, au flux d’argent sale qui aurait inondé ces législatives. On nous a parlé de trafic d’influence visant les âmes faibles, sans boussole et aux poches vides. Il n’ ya pas que le blanchiment d’argent dans les moeurs politiques en général. Il y a aussi le blanchiment des âmes, en effet.
Tout ça pour ça ?
Mais voilà qu’après des séances et des séances à huis-clos, Nabil Baffoun et ses pairs de L’ISIE nous annoncent cette montagne qui accouche d’une souris. Tout ça pour ça ? Juste deux listes qui tombent, deux sièges reniés à 9ich Tounsi d’olfa Tarres et à ce parti surgi d’un autre âge : « Errahma » dont le concepteur, Saïd Jaziri, aura eu des centaines d’heures sur une radio qui profane Le Coran, à coups de diatribes choraïques et rédemptrices. Rien que ces deux mouvements ? Rien que ça ? Et le reste ? Peut-être qu’au fond, L’ISIE a évité de remuer un tas de pus pour sauver les apparences d’une démocratie désormais biaisée. Question d’équilibre. Et, finalement, il est vrai que comme le dit l’adage « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». L’ISIE jouait sa tête : elle l’a momentanément sauvée. Elle a joué aux funambules, parlant tantôt équité, tantôt technique, tantôt éthique, égalité des chances (pour la présidentielle) et tous ces épanchements qui l’ont mise dans une sale posture : machine à comptabiliser les voix et à attribuer les sièges au parlement d’un côté et, de l’autre, juge d’opportunité. Schizophrénie pure et simple.
Pour autant, l’architecture qui s’en dégage au sein de l’assemblée est tellement composite, tellement contrastée que des scenarii catastrophe paraissent vraisemblables et potentiellement explosifs. Les deux forces principales, Ennahdha et Qalb Tounes, annoncent déjà, chacun de son côté, qu’elles ne pactiseront pas. Samir Dilou déclare que son parti ne s’alliera pas à un «parti sur lequel pèsent des présomptions d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent». Il fait bien sûr référence à Qalb Tounes. De son côté, ce dernier, encore hier matin et au lendemain de la libération de Nabil Karoui, annonce qu’il ne pactisera jamais avec le mouvement islamiste. Tahya Tounes, dont le conseil national se tient à l’heure où ce journal est livré à l’impression, déclare pour sa part qu’il ne fera pas partie du prochain gouvernement. Attayar, dont on connait la sainte horreur qu’il voue autant aux islamistes qu’aux partis au référentiel destourien, a des exigences qui ne seront en aucun cas satisfaites : personne ne lui cèdera la Justice, l’intérieur et la réforme administrative. Trois portefeuilles lourds et qui représentent certains enjeux périlleux. Doit-on veiller à leur assurer une indépendance absolue ou les confondre dans les calculs partisans et, finalement, clientélistes et politiciens ? D’autant que le verdict de la Cour de cassation décrétant la libération de Nabil Karoui, hormis toutes les tribulations des chambres de mise en accusation et celles de l’inspection générale, lance un signal fort : les juges tiennent à leur indépendance. Sinon, pour rester dans l’architecture de la prochaine assemblée, il faudra bien aussi compter avec Seifeddine Makhlouf dont la motivation première est de repartir par là où s’est arrêtée la révolution. Il faudra compter aussi avec Abir Moussi qui fait d’ennahdha son obsession et de l’ancien RCD habilement drapé des fondements bourguibiens (simple subterfuge pour vendre une image passéiste) tout simplement son fantasme.
Le scénario-catastrophe
L’imbroglio est là donc. Tout maintenant tient aux marchandages et aux échanges de bons procédés. Et c’est quand même une situation tout à fait inédite, imprévue et, pour le moins, singulière.
Car, ce dimanche, nous aurons un Président. Le 25 octobre, Mohamed Ennaceur en aura fini avec son intérim, lui consignera les clés de Carthage (soit le temps de voir de quelles couleurs seront faits les recours), et ce même Mohamed Ennaceur siègera encore pour quelques semaines (deux) du haut de la tribune de L’ARP. Après, il prononcera une déclaration de principe et lèguera la tribune au plus âgé des élus et au plus jeune. Là on élira le nouveau président de L’ARP et son premier et son deuxième vice-présidents. On formera les blocs parlementaires dont se dégagera une majorité. Le Président élu chargera alors le parti vainqueur (Ennahdha) de former le futur gouvernement. Si cela échoue, il désignera la personne la plus compétente pour former un gouvernement. Délai d’un mois là aussi. Mais si rien ne se fait au bout de quatre mois, le Président élu dissoudra L’ARP et de nouvelles élections législatives auront lieu dans un délai de 45 jours. Et si l’on y ajoute de surcroit les délais de recours, l’opération pourrait s’étendre sur quelques mois (on parle techniquement de six mois) …Entretemps qui continuera à diriger la Kasbah et qui votera la loi de finances avant le fatidique 10 décembre. Youssef Chahed, bien sûr. Faut-il vraiment lui faire courir ce péril ? Pourra-t-on humainement, logiquement, lui faire assumer la responsabilité d’éventuelles dérives en tous genre, dans un tel contexte socio-économique marqué par la grogne et par une tension extrêmes ?
Plus qu’un imbroglio, ce serait une situation inextricable, avec des responsabilités diluées et difficiles à circonscrire. Il y a néanmoins une lueur d’espoir. Ennahdha affirme, toujours par la voix de Samir Dilou qui sait peser ses mots, que le futur chef du gouvernement que proposera son parti ne sera pas forcément partisan, mais possiblement un technocrate politisé et qui maitrise les dossiers économiques et sociaux. Elle l’a peut-être identifié. Ce serait déjà là un début de sortie de crise. Parce que la crise est là. Et qui peut vraiment parier que les lignes parallèles qui ne se croisent jamais ne finiront pas par se croiser. Ennahdha/ Qalb Tounes, remake de Nida/ Ennahdha de 2014 ? Face à un danger commun, les ennemis finissent souvent par s’allier… Et, puis, la Tunisie a toujours su s’arrêter un moment avant de rebondir. Pourquoi démentir l’histoire ?