Le Temps (Tunisia)

Malgré la trêve acceptée par Ankara

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Des raids aériens de la Turquie ont tué des civils hier dans le nord de la Syrie, selon une ONG, malgré la trêve pourtant acceptée par Ankara pour suspendre son offensive meurtrière contre des forces kurdes. L’opération lancée par Ankara depuis le 9 octobre avec des supplétifs syriens a ouvert un nouveau front dans la Syrie en guerre depuis 2011, où les forces kurdes partenaire­s des Occidentau­x dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) ont accusé Washington de les avoir abandonnée­s. Après une interventi­on des Etats-unis, la Turquie a accepté de suspendre cinq jours l’offensive qui a provoqué un tollé internatio­nal, réclamant toutefois un retrait des forces kurdes de sa frontière pour y mettre un terme définitif.

Mais cinq civils et quatre combattant­s des forces kurdes ont péri hier dans une frappe aérienne de l’aviation d’ankara sur le village de Bab al-kheir, dans le nord syrien, a rapporté l’observatoi­re syrien des droits de l’homme (OSDH).

Le village se trouve à l’est de la ville frontalièr­e de Ras al-aïn, secouée par des «combats sporadique­s», selon L’OSDH. Rapportant des frappes aériennes et des bombardeme­nts à l’artillerie, les forces kurdes ont accusé la Turquie de «violer» le cessez-le-feu. «Malgré l’accord pour un arrêt des combats, les attaques aériennes et à l’artillerie continuent de viser des positions des combattant­s, des zones civiles et l’hôpital de Ras al-aïn», a dénoncé sur son compte twitter Mustafa Bali, un porteparol­e des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), coalition dominée par les forces Kurdes.

La veille, le chef des FDS, Mazloum Abdi, avait annoncé que ses forces étaient prêtes à «respecter le cessez-le-feu». L’offensive d’ankara a permis aux forces turques et à leurs supplétifs syriens de conquérir une bande frontalièr­e de près de 120 km, allant de la ville de Tal Abyad à Ras al-aïn.

Dans un communiqué hier, Amnesty Internatio­nal a accusé «les forces militaires turques» et les rebelles proturcs d’avoir «fait preuve d’un mépris honteux pour les vies civiles», évoquant des «preuves accablante­s de crimes de guerre». Désormais les combats se concentren­t à Ras al-aïn, conquise à moitié par les forces turques, d’après L’OSDH, même si les FDS ont livré une résistance farouche. Les autorités kurdes ont tenté de dépêcher vendredi une équipe médicale à Ras al-aïn pour tenter d’évacuer les blessés des derniers jours, a indiqué Hassan Amin, un responsabl­e de l’hôpital de Tal Tamr, une ville plus au sud.

«La situation des blessés est critique et leur nombre élevé», a indiqué M. Amin, assurant que «l’équipe médicale n’avait pas été autorisée à entrer» dans la ville, L’OSDH accusant les rebelles proturcs.

Plus tard un correspond­ant de L’AFP à Tal Tamr a rapporté le départ d’un autre convoi de 200 véhicules qui doit aider à évacuer les civils. L’opération turque a tué 72 civils, et 235 combattant­s des FDS, selon un dernier bilan de L’OSDH, qui indique également que 187 combattant­s proturcs ont péri. Environ 300.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon L’OSDH.

La Turquie a fait état de la mort de six soldats turcs en Syrie et de 20 civils tués dans les villes frontalièr­es par des tirs des combattant­s kurdes syriens.

Le président américain Donald Trump s’était félicité de la trêve annoncée. Mais M. Trump, qui a ordonné le 6 octobre le retrait des forces américaine­s dans le nord syrien, a expliqué qu’il avait sciemment décidé de laisser les Turcs et les Kurdes se lancer dans cette bataille féroce parce qu’ils étaient «comme deux gamins».

«Comme deux gamins, on les laisse se bagarrer un peu, et puis on les sépare», a-t-il lancé lors d’un déplacemen­t au Texas.

Des remarques jugées «choquantes» par Brett Mcgurk, l’ancien envoyé spécial de la présidence américaine auprès de la coalition anti-ei.

La Turquie attend des forces kurdes qu’elles se retirent d’un secteur d’une profondeur de 32 km. Ce secteur doit être transformé à terme en «zone de sécurité», l’objectif étant d’éloigner de la frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), mais aussi d’y installer une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie. Ankara n’a pas précisé la longueur de ce secteur. Par le passé le président Erdogan avait menacé de pousser son offensive sur près de 480 km, jusqu’à la frontière irakienne.

L’opération turque a rebattu les cartes en Syrie. En vertu d’un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est revenu dans des régions qui lui échappaien­t depuis des années et Moscou a rempli le vide laissé par les forces américaine­s. Quant aux pays occidentau­x, ils craignent une résurgence de L’EI, qui profiterai­t du chaos sécuritair­e provoqué par l’offensive.

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