A trop charger la barque, elle finira par couler
Selon les «Résultats provisoires de l’exécution du Budget de l’etat», publiés par le ministère des Finances, les recettes propres ont évolué de 17%, en raison de la hausse des recettes fiscales de 15,8%, à 18,6 milliards de dinars, et des recettes non fiscales de 26,5%, à 2,4 milliards de dinars. L’accroissement des recettes fiscales est le fruit de la hausse des impôts directs de 33,4%, et plus précisément de l’impôt sur le revenu (+34%, à 5,8 milliards de dinars), générés surtout des impôts sur les salaires (+42,6%), et de l’impôt sur les sociétés (+31%). Donc au lieu de chercher à faire augmenter la part des recettes non fiscales, la pression sera maintenue sur les salariés et les entreprises.
On l’oublie souvent mais le bras armé du développement régional, c’est l’entreprise. Or, même si le principe de la discrimination positive est retenu pour favoriser le développement économique des régions, il ne doit nullement servir de prétexte pour prendre en otage entreprise et investisseur. En effet, l’emploi ne vient qu’avec la croissance et la croissance ne peut résulter que de l’investissement. Et l’investissement ne croitra que si l’entreprise pourra souffler.
De même pour les salariés qui vont demeurer la principale source des recettes fiscales. On gardera en mémoire la notable érosion du pouvoir d’achat du consommateur tunisien, estimée à 40% et qui continue à galoper à 10% par an, creusant davantage le lit des disparités pour étaler la pauvreté à 21% de la population. La classe moyenne, ce principal rempart de la société tunisienne et un des principaux facteurs de stabilité dans le pays, s’est également réduite de 80 à 67% de la population au cours des quatre dernières années, selon une enquête de l’institut National de la Consommation.
Selon une lecture hâtive de ce projet de loi de finances, la situation de l’économie nationale poursuivra son repli à un rythme plus accentué qu’au cours de l’année 2019, marquée d’une baisse de l’activité dans les principaux secteurs, notamment ceux de l’industrie et des services. Sur le plan des finances, les besoins des banques en liquidité vont poursuivre leur contraction avec un net ralentissement du rythme d’évolution de l’encours des dépôts bancaires.
L’effet de ciseaux se fera rapidement sentir suite aux actes terroristes qu’à connu notre pays durant 2019. En effet, les dépenses pour renforcement de l’appareil sécuritaire et de défense vont atteindre des seuils jamais dépassés.
En même temps, cette augmentation a été faite au détriment du développement économique et social puisque la part des investissements publics s’est réduite comme une peau de chagrin.
Ceci dit, nous ne voilons pas la face. Une perception positive de cette loi est loin d’être envisagée. Et ceux qui pensent, que la stabilité politique et le parachèvement des institutions de l’etat, serait telle une pluie d’or qui déversera ses bienfaits sur notre économie, se mettent le doigt dans l’oeil.
De ce fait, les illusions faites par les nouveaux élus quant à vouloir tambouriner un refus à L’ALECA, serait un acte suicidaire. Mais transformer un accord qui masque un système qui ne roule que dans l’intérêt des entreprises européennes en un levier de croissance juste et équilibré à même de jeter les bases d’un futur espace économique commun entre l’union européenne, est un exercice difficile mais exaltant. Pour nos négociateurs ce sera une danse...avec les loups, qui en vaut le risque. Mais si l’on s’obstinera à charger la barque des salariés et de la classe moyenne nous allons immanquablement entrer dans une zone de turbulence.