Attendons le gouvernement « du Président »
Depuis la fin des élections législatives, où il n’y a pas eu de vainqueur au sens constitutionnel du terme, les partis en course ont déchainé leurs machines de propagande de quartiers dans le dessein bien avoué de se soustraire à l’oubli dont les menace le cours normal de l’histoire. Tous gagnants, mais tous sur la défensive, craignant un faux pas qui leur sera fatal, à terme.
Depuis la fin des élections législatives, où il n’y a pas eu de vainqueur au sens constitutionnel du terme, les partis en course ont déchainé leurs machines de propagande de quartiers dans le dessein bien avoué de se soustraire à l’oubli dont les menace le cours normal de l’histoire. Tous gagnants, mais tous sur la défensive, craignant un faux pas qui leur sera fatal, à terme.
Quand on passe en revue les déclarations, émanant des chefs de ces partis, on remarque qu’ils admettent déjà mal de considérer Ennahdha comme parti majoritaire ayant le droit de prendre le devant de la scène, et de « patronner » l’édification du quinquennat entamé.
Le discours du parti Ennahdha, quant à lui, a changé à mesure que s’égrènent les journées à partir desquelles il reviendra au président de la république de former un gouvernement… à sa discrétion, c’est-à-dire loin de toute emprise partisane sur ses décisions. Au lendemain de la proclamation des résultats, Rached Ghannouchi se pavanait dans son discours hautain et anachronique d’un chef de parti unique « providentiel » à qui revient l’allégeance de tous les autres. Le terrain n’étant plus propice à ce genre de ridicules assertions, le chef tenta un moment d’arrondir les « angles », en multipliant les contacts « secrets » avec les « non décideurs » des partis de la prochaine ARP. Dans une déclaration à notre consoeur Assabah, Salem Labiadh, du parti Echaâb, a fait mention de tels contacts où Ennahdha tentait de nourrir la dissidence chez les partis supposés être ses prochains partenaires (encore hésitants, euphémisme d’opposants ou de fortement critiques) à toute alliance avec le politiquement religieux. Curieuse mystification, Ennahdha propose à ses cibles élues des postes de gouvernements qu’il ne possède pas, ou pas encore au moins. Non moins curieux que ces efforts de mystification sont restés infructueux voire même vains. Les réactions des partis et des groupes parlementaires n’en étaient pas moins significatives. Les supposés partis les plus proches d’ennahdha, théoriquement les plus faciles à séduire, ont été les plus réticents et les plus virulents face à cette manière de faire des islamistes, un totalitarisme mégalomane qui ne dit pas son nom. Seifeddine Makhlouf par exemple, assis sur un groupe de deux dizaines de députés est allé jusqu’à condamner Ennahdha pour avoir été complice et partenaire de Nida Tounes quand il s’est agi de la justice transitionnelle. Un grief plus grave qu’une simple rixe électorale. Mohamed Abbou d’ettayyar, est resté fidèle à l’image qu’il se veut de sa personne, à travers celle de son parti. Il tient toujours à conditionner sa participation au gouvernement patronné par Ennahdha par l’accès d’ettayyar aux postes des ministres de l’intérieur, de la Justice et de la Réforme Administrative.
La fin d’une « école »…
Devant ce mur de refus tous azimuts, Ghannouchi, fidèle à sa culture de la guerre froide a trouvé bon de marquer sa « supériorité » politique en appelant à l’aide étrangère. Tout en étant chef d’un parti politique, avec aucune autre qualité l’habilitant à le faire, il a profité de la fête de la télévision de propagande turque TRT, pour aller serrer la main au président turc Erdogan, devant les caméras des médias intéressés des Frères musulmans, qui étaient à Istanbul, appuyer le frère turc embourbé en territoire syrien, à quelques jours de l’abattage du chef de Daech, Baghdadi, par les Américains.
Et si tout le monde en fait autant ?
Bien qu’il était un peu plus avare en déclarations sur cette entrevue « anarchique » ou parallèle avec un chef d’etat étranger, apparemment dans le dos du chef de l’etat fraichement élu, sa visite à Istanbul ne devrait pas passer inaperçue. A-t -il voulu jeter ainsi les contours de sa domination sur le président de la république Kaïs Saïed ? Etait-ce une manière « canine » de marquer « son territoire » en faisant fi de la Constitution et les lois tunisiennes ? L’absence de réaction, ou de rappel à l’ordre de la part de la présidence de la république laisse rêveur. Ce qui est plus navrant, c’est que Ghannouchi a réussi à glisser ces errements graves comme des non-événements, dans l’entendement des médias main Stream tunisiens. Aucune réaction. Pourtant la règle morale d’auguste Comte est toujours aussi vivace. Et si tous les chefs de partis se dirigeaient, chacun chez ses « amis » et proches parmi les gouvernements voisins, à la recherche d’un appui, même du bout des lèvres ? Même en tant que levier médiatique.
Le contact anarchique avec l’étranger, une tare
La Tunisie, en admettant cette pratique serait en position d’attendre, au terme de chaque marathon électoral, en bon Liban des années 1976, les résultats des tractations des élus avec les forces régionales et internationales, avant d’asseoir l’image fidèle d’un pays qui cristallise les tensions extraterritoriales de la région.
Avec une culture et une pratique politique aussi anachronique et arriérée, Ghannouchi est-il en mesure de fouler du pied le seuil du parlement ou de la primature d’un pays somme toute indépendant comme la Tunisie ? Les hésitations et refus opposés par les forces politiques qui sont dans la ligne de mire d’ennahdha garderont-elles leur vigueur jusqu’à l’amorce de la période du gouvernement « du président » ?
Autant de mauvais comportements des islamistes qui étaient salutaires – pour eux seulement- en 2012-2013 sont devenus, par les temps qui courent, de graves griefs que Ghannouchi et son parti accumulent ces derniers jours, et qu’ils ne tarderont pas à payer, en nature et en espèce.
En plus des dossiers de « l’appareil secret » présumé, Ennahdha ne tardera pas à faire face, sous peu, à un second dossier encore plus lourd. Celui instruit depuis une semaine par la Brigade de Gorjani, avec une sombre cache suspecte de documents, découverte à Mégrine début octobre, par la police judiciaire, chez un député nouvellement élu. Une affaire qui a toute l’apparence d’un dossier d’espionnage, et pas moins que ça. Non seulement aucune force, publique ou occulte n’acceptera Ennahdha ou Ghannouchi au gouvernement avec cette énième casserole qui se joue contre la sécurité et la souveraineté du pays. Le débat sur l’immunité sera, avec la Cour Constitutionnelle, les premiers points à l’ordre du jour de la nouvelle ARP. Avec beaucoup moins de cadeaux et de complaisances par rapport à L’ARP de 2014.
Si le nouveau président y ajoute le problème du tourisme parlementaire au sein de L’ARP, on peut dire que « le quinquennat Kaïs Saïed » commence de plus belle. Et la carte politique s’en sera profondément modifiée. A défaut, attendons le gouvernement du président, en préparation de nouvelles législatives moins compromettantes.