Le Temps (Tunisia)

Une invitation à la liberté !

- Zouhour HARBAOUI

Le premier long métrage du réalisateu­r soudanais Amjad Abu Alala « You will die at twenty » (« Tu mourras à 20 ans ») a vraiment été une surprise aux Journées cinématogr­aphiques de Carthage. Une surprise agréable de la part d’un cinéma que l’on croyait disparu depuis une vingtaine d’années.

« You will die at twenty » commence quand Sakina et Alnoor emmènent leur nouveau-né, Muzamil, au cheikh local pour une bénédictio­n. Or, l’un des disciples du cheikh, qui égrenait le nom d’allah suivi de nombres, s’évanouit à 20, au moment où le cheikh bénit le nourrisson. Cet événement met tout le monde en émotion et surtout les parents. La sentence est tombée : Muzamil mourra le jour de sa vingtième année.

Le premier long métrage du réalisateu­r soudanais Amjad Abu Alala, «You will die at twenty» («Tu mourras à 20 ans») a vraiment été une surprise aux Journées cinématogr­aphiques de Carthage. Une surprise agréable de la part d’un cinéma que l’on croyait disparu depuis une vingtaine d’années.

«You will die at twenty» commence quand Sakina et Alnoor emmènent leur nouveau-né, Muzamil, au cheikh local pour une bénédictio­n. Or, l’un des disciples du cheikh, qui égrenait le nom d’allah suivi de nombres, s’évanouit à 20, au moment où le cheikh bénit le nourrisson. Cet événement met tout le monde en émotion et surtout les parents. La sentence est tombée : Muzamil mourra le jour de sa vingtième année.

Le père fuit ses obligation­s en prétextant se rendre à Khartoum pour y travailler, un an ou deux, et envoyer de l’argent à sa famille, laissant sa femme face à la prédiction et son fils face aux regards des gens. Un an ou deux s’est transformé en six ans puis en dix-neuf ans. Sakina, telle une prisonnièr­e, compte le nombre de jours, puis d’années, d’absence de son époux, sur la paroi en terre de leur demeure, et couvant son Muzamil comme une maman-poule. Sa vie est trop courte, elle doit le protéger. Mais l’imam convainc la mère de laisser le petit venir à l’école coranique avec les autres enfants. Ces derniers l’appellent «Muzamil, fils de la mort !». Un petit groupe d’entre eux va même jusqu’à l’envelopper dans un linceul et l’enfermer dans un coffre en lui disant : «Si tu ne meurs pas maintenant, tu ne mourras jamais !». Jeu cruel d’enfants influencés par les croyances et les traditions de leurs parents. Heureuseme­nt pour Muzamil qu’il y a des personnes qui l’aiment outre sa mère, comme Naima. A l’approche de sa vingtième année, Muzamil est devenu un fin connaisseu­r du Coran, partage sa vie entre sa maison, la mosquée, la petite boutique où il sert d’apprenti, et l’amour de Naima, acceptant la fatalité, jusqu’au jour où sa rencontre avec Sulaiman qui va l’ébranler. «Métaphores» Le scénario de «You will die at twenty», écrit par Amjad Abu Alala et Yousef Ibrahim, a été inspiré au premier après qu’il ait lu une courte nouvelle de l’écrivain et activiste soudanais, qui s’est exilé en Egypte après avoir été banni du Soudan pour dix ans, Hammour Ziada, mais aussi de l’expérience du réalisateu­r (Amjad Abu Alala). Enfant, il était joyeux, aimait la vie, parlait beaucoup. Puis, il s’est retrouvé face à la mort de mon meilleur ami et d’une de ses propres tantes. Ces deux décès l’ont marqué : il ne parla plus pendant des semaines, devint un enfant calme, jusqu’à son entrée à l’université où il découvrit le théâtre et le cinéma.

Ceci se retrouve dans le film à travers Muzamil adolescent. Taciturne, souriant peu, parlant peu, le seul moment où il se sent heureux c’est quand il est avec Naima. Puis, c’est la découverte du cinéma grâce à Sulaiman qui lui ouvre une fenêtre sur un autre monde que celui de son village. D’autre part, «You will die at twenty» montre à quel point une croyance peut être forte auprès des gens et peut affecter leur vie. Le film est également une mise à l’index de l’utilisatio­n de la religion en politique. Le gouverneme­nt soudanais d’omar El Béchir a souvent utilisé l’islam pour manipuler le peuple. Il faut comprendre que, pour des gens très croyants mais dont la plus grande composante est «illettrée» et n’ayant pas les moyens d’une réflexion propre, il suffit de dire «Dieu dit» pour leur faire accepter n’importe quoi sans broncher. Interchang­eabilité Le film est une invitation à la liberté personnell­e, individuel­le, mais, également, collective. Personne ne peut dire que ceci ou cela est le destin et qu’il est écrit. Personne ne connaît l’heure de sa mort. Seul Dieu connaît le destin des gens. Dans ce sens, le personnage de Sulaiman est un détonateur. Il éduque Muzamil et lui enseigne les maths. Il veut que l’adolescent vive sa vie sans que personne ne lui dise quelle est la bonne façon de la vivre. Il fait comprendre au gamin que seules les expérience­s propres lui feront prendre conscience du bien et du mal, mais, surtout, lui apprendron­t qui il est vraiment. Il lui montre un film documentai­re où l’on voit une partie de la population soudanaise avant le régime islamique, dansant, s’amusant, libre. Ces images sont tirées de «Khartoum», un documentai­re du réalisateu­r Jadallah Jubarra.

Sulaiman offre cette liberté à Muzamil non seulement par les films qu’il lui montre mais aussi d’une façon inattendue. Il le délivre de la prédiction en mourant, si l’on peut l’écrire, à sa place, et est enterré à l’endroit où devait être enterré Muzamil au moment de son décès. Il y a eu comme une interchang­eabilité. La mort de Sulaiman, que l’adolescent considérai­t comme le «remplaçant» de son père absent, est la touche finale à la prise de conscience du jeune homme. Il se rendra chez l’amie de l’homme et se déniaisera auprès d’elle. Au matin de son vingtième anniversai­re, se voyant toujours vivant, Muzamil court derrière un camion, symbole d’une liberté trouvée.

Côté technique, «You will die at twenty» est filmé avec lenteur, se calquant à la lenteur de la vie de Muzamil et, surtout, son absence de rébellion.

Il est à noter que seuls deux acteurs sont des acteurs profession­nels, à savoir Islam Mubarak (Sakina) et Mahmoud Elsaraj (Sulaiman), et que ce film est une coproducti­on soudano-égypto-franco-germano-norvégienn­e et qu’il a été supporté, entre autres, par le Doha Film Institute.

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