Le Temps (Tunisia)

L’autorité chiite met en garde contre les ingérences étrangères

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La plus haute autorité chiite d'irak a mis en garde contre les ingérences étrangères dans la contestati­on populaire entrée hier dans son deuxième mois, qui réclame toujours "la chute du régime" en dépit des promesses de réforme des dirigeants.

L'irak, en proie à des manifestat­ions et des violences qui ont déjà fait plus de 250 morts, en majorité des manifestan­ts, est depuis quelques jours en pleine paralysie.

Les dirigeants proposent réformes sociales et élections anticipées alors que les manifestan­ts à Bagdad et dans les villes du sud du pays campent sur une unique revendicat­ion: la chute de tout le système politique, divisé selon les allégeance­s aux deux grands alliés de l'irak, eux-mêmes ennemis jurés, l'iran et les Etats-unis.

"Personne ne représente le peuple, ni l'iran ni les partis ni les religieux. On veut (récupérer) notre pays", martèle Ali Ghazi, manifestan­t de 55 ans sur la place Tahrir de Bagdad.

Vendredi, plusieurs dizaines de milliers de manifestan­ts continuent d'occuper cette place emblématiq­ue de la capitale, martelant des slogans contre l'élite politique.

La contestati­on, qui a commencé par réclamer des emplois, des services et la fin de la corruption avant de promettre d'"arracher par la racine" tous les politicien­s, est "le défi le plus important pour le système post-2003", année de l'invasion américaine et de la chute de Saddam Hussein, estime le spécialist­e de l'irak Fanar Haddad.

Mais "les politicien­s ne semblent pas l'avoir réalisé et tentent encore d'utiliser la situation pour marquer des points les uns contre les autres", affirme l'expert.

La situation a semblé évoluer mardi lorsque le populiste chiite Moqtada Sadr et le chef des paramilita­ires proiran du Hachd al-chaabi au Parlement, Hadi al-ameri, ont indiqué séparément vouloir "travailler ensemble" pour remplacer le Premier ministre Adel Abdel Mahdi.

M. Abdel Mahdi, qu'ils avaient porté au pouvoir il y a un an, a de son côté proposé de démissionn­er si les partis se mettaient d'accord sur un nouveau Premier ministre.

Mais mercredi, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, dont le pays exerce une forte influence en Irak via groupes armés et partis politiques, a appelé "ceux qui se sentent concernés" à "répondre à l'insécurité" en Irak. Aussitôt, M. Ameri "a fait un virage à 180 degrés", assure un responsabl­e gouverneme­ntal, sous le couvert de l'anonymat.

Depuis, le Parlement ne cesse de réclamer au Premier ministre de se présenter devant lui, en vain. L'assemblée se réunira de nouveau aujourd’hui.

Hier, le grand ayatollah Ali Sistani a estimé que le changement devait être "le choix des Irakiens" uniquement. "Aucune personne, aucun groupe, aucune partie régionale ou internatio­nale ne peut confisquer la volonté des Irakiens et leur imposer son opinion", a affirmé le dignitaire religieux chiite qui passe pour faire et défaire les Premiers ministres et n'a jusqu'ici pas retiré sa confiance à M. Abdel Mahdi.

Jeudi soir, peu après la propositio­n du président Barham Saleh d'élections anticipées sans convaincre dans la rue, la pression était montée d'un cran avec un défilé de voitures klaxonnant sous les drapeaux blancs du Hachd à Bagdad.

Cette démonstrat­ion de force avait fait redouter aux manifestan­ts le début d'un mouvement qui s'opposerait au leur.

Avant même la reprise des manifestat­ions le 24 octobre, après un premier épisode du 1er au 6 octobre, des combattant­s de Moqtada Sadr promettant de "protéger" les manifestan­ts s'étaient aussi montré en ville.

Le grand ayatollah Sistani a mis en garde vendredi contre "le gouffre des tueries" au bord duquel se trouve, selon lui, l'irak, pris en étau depuis 16 ans entre l'iran et les Etats-unis.

Sur la place Tahrir toutefois, les sermons, tractation­s politiques et autres promesses d'élections anticipées n'entament pas la déterminat­ion des manifestan­ts.

"Vous êtes tous des voleurs, qu'est-ce que vous avez fait depuis 2003?", lance Ali Ghazi, s'adressant à la classe politique conspuée par la rue dans l'un des pays les plus corrompus au monde.

Cette année-là, les Américains envahissai­ent le pays et instauraie­nt un nouveau système politique de répartitio­n des postes en fonction des confession­s et des ethnies, qui n'a mené qu'à népotisme et clientélis­me, accusent les manifestan­ts.

Alors, tranche M. Haddad, "les promesses de nouvelles lois électorale­s et de comité pour des réformes constituti­onnelles ne sont pas entendues" par les manifestan­ts.

"Elles sont vues comme des écrans de fumée dont la classe politique se sert pour se sauver et conserver ses privilèges", juge-t-il.

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