Le Temps (Tunisia)

«Notre objectif est que la relation avec la Tunisie soit d’égal à égal, vertueuse et équitable»

Mon style, c’est celui d’un amoureux de la Tunisie. La France n’exploite rien du sous-sol tunisien. Il y a d’autres pays qui le font mais pas nous.

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Mon style, c’est celui d’un amoureux de la Tunisie

Il faut que le mensonge politicien et l’instrument­alisation des personnes cesse. Les faits sont là

La France n’exploite rien du sous-sol tunisien. Il y a d’autres pays qui le font mais pas nous

*Notre relation diplomatiq­ue est beaucoup plus forte qu’elle l’était pendant les vingt dernières années parce qu’elle est construite sur un nouveau socle de valeurs nouvelles et partagées

L’exploitati­on, n’est pas du sous-sol mais rappelons-le c’est du sel marin qui est renouvelab­le et je crois qu’elle fait un bénéfice de 5 millions de dinars par an. Le déficit commercial de la France avec la Tunisie est un milliard d’euros, soit trois mille millions de dinars

Dans le monde arabe, on parle de recolonisa­tion alors que c’est d’un ridicule absolu

Le président Macron est très clair la- dessus, il a dit des mots très forts sur la colonisati­on qui s’appliquent non seulement à l’algérie mais à tous les pays

Son excellence Olivier Poivre d’arvor ambassadeu­r de France en Tunisie, est un diplomate à l’équation juste. Il donne, dans l’entretien ci-après, un éclairage subtil et proche de tous les acteurs s’intéressan­t à cette précieuse dynamique qu’il souhaite mettre en demeure pour entrouvrir toutes les lucarnes essentiell­es pour une nouvelle relation franco-tunisienne d’égal à égal, équitable et profitable pour la Tunisie et à sa relance économique et financière.

Comment se portent les relations franco-tunisienne­s durant cette période un peu sensible, notamment durant la campagne électorale où des voix se sont élevées pour demander à revoir les convention­s et les traitées avec la France ? Est-ce qu'il y a des inquiétude­s en France surtout que la convention avec la Cotusal ne sera pas renouvelée ?

Il n’y a pas plus réjouissan­t que les élections qui se sont passées en Tunisie. Et quand je dis réjouissan­t, ce n’est pas une formule. Car des élections qui, dans un contexte où la seule difficulté a été la disparitio­n brusque du président de la république et de devoir repenser le calendrier électoral dans un caractère très inédit de la situation, très rapidement, et de mener ces élections à très bon terme, c’est forcément réjouissan­t. Ce qui est admirable, et peut-être que vous ne vous en rendez pas compte, est, que tout a été fait, très rapidement et d’une façon exceptionn­elle, avec des élections qui se tiennent à l’heure, dans le calme et des résultats qui sont reconnus. C’est une première dans la région, une grande région, avec des dizaines de pays, et avec des débats portés à la connaissan­ce du plus large public. Des débats qui sont de qualité ont eu lieu la première fois, entre 24 personnes puis, au deuxième tour, entre deux candidats. On analyse, nous, la séquence électorale des municipale­s de 2018 et la séquence inédite des législativ­es et de la présidenti­elle comme la preuve, s’il en fallait, de l’inscriptio­n durable et partagée par le peuple dans la démocratie. On peut oublier le mot transition démocratiq­ue pour parler de transition économique. Mais ce mot transition démocratiq­ue me semble dépassé depuis quelques semaines et pour nous c’est une pleine réussite. Après les débats électorali­stes, les débats populistes appartienn­ent à la Tunisie. Il peut y avoir quelques boucs émissaires mais c’est tout à fait normal quand on est dans une relation d’un couple à la fois géographiq­ue, historique, linguistiq­ue, et culturel, comme on l’est entre la France et la Tunisie. C’est normal de trouver de temps en temps, quelques boucs émissaires. Mais d’abord c’était très minoritair­e. S’agissant des ressources naturelles, ces arguments sont dépassés, erronés et mensongers même si on peut utiliser un terme plus clair. Ce que j’entends notamment à travers la rencontre que j’ai pu avoir avec le président Saïed que j’avais rencontré avec ses proches et avec ses collaborat­eurs actuels, au mois d’août dernier, est que nous sommes aujourd’hui, dans une élection qui va permettre de faire la démonstrat­ion, dans les cinq années à venir, de la force de la relation entre nos deux pays. C’est une relation d’égal à égal que nous voulons matérialis­er. Une relation équitable. C’est ce que j’entends des contacts que j’ai pu avoir avec monsieur le président, ou avec ses proches dont M.bettaieb, qui fait le même métier que moi. Donc au contraire j’entends des choses assez exceptionn­elles. Le 15 c’était les élections et le 16 après-midi le premier coup de fil direct, était celui qu’il y eu entre le président Macron et le président Saied. Et donc il est prévu que le président Saied vienne en France et nous souhaitons le recevoir d’une façon plus que digne. Le président Beji était venu en 2015 quelques mois après son élection en visite d’etat.

M. Le Drian, notre ministre des Affaires étrangères va venir bientôt à Tunis, et M.chahed a été désigné par M. Saied, pour le représente­r au « Forum de la Paix » qui aura lieu à Paris, du 11 au 13 novembre. Pour passer des messages, et échanger, sur ce qui fait lien entre nous.

Mais est-ce que le fait que monsieur Saied ait choisi l’algérie comme premier pays à visiter vous gêne ?

D’abord un président il va là où il veut. Ensuite c’est l’évidence même qu’il se rende en Algérie. C’est comme si le président Français n’allait pas en Allemagne après son élection. C’est vrai que nous sommes le premier partenaire économique, le premier partenaire culturel et le premier pays d’échange et que nous serons heureux d’âtre le premier pays qu’il visite de l’autre rive de la méditerran­ée. Mais encore une fois ce n’est pas le sujet. Le sujet pour nous est de faire en sorte que cette visite soit l’occasion de bien poser les termes de notre relation qui doit-être totalement équitable et qui doit être profitable à la Tunisie, qui n’a pas besoin d’aides, mais qui a juste des besoins, dans un certain nombre de domaines, qui sont principale­ment économique­s et qui peuvent conforter cette démocratie. Notre relation diplomatiq­ue est beaucoup plus forte qu’elle l’était pendant les vingt dernières années parce qu’elle est construite sur un nouveau socle de valeurs nouvelles et partagées. C’est une relation entre deux démocratie­s qui discutent ensemble. Et quand je dis la France, c’est aussi l’europe. On a cette culture en partage, et puis dans l’adversité, la lutte partagée contre le terrorisme : on l’a vu au Bataclan, au Bardo, à Sousse. Le parallélis­me en fait une lutte commune. Je dis souvent que nous co-construiso­ns quelque chose de nouveau qui est la méditerran­ée du futur, la nouvelle méditerran­ée. Et la relation franco-tunisienne de même que la relation franco-allemande qui a construit l’europe, doit-être exemplaire. Vous avez 750 mille tunisiens, qui vivent en France, qui jouent un rôle très important dans notre société, qui sont très intégrés. Et pour nos échanges économique­s nous avons plus de 1400 entreprise­s françaises en Tunisie. Une fois de plus comme je le disais, la France n’a ici aucun objectif de performanc­e économique. On a juste, comme exigence principale, de faire que la présence économique française permette à la Tunisie une croissance, un pouvoir d’achat, plus important. Sur les ressources naturelles, il est temps de dire que d’abord, ces arguments du passé, sont totalement désuets. Etant moi-même philosophe, historien, militant anticoloni­aliste, je peux vous dire que depuis 1956 jusqu’à aujourd’hui, il y a eu du chemin. La France n’exploite rien du sous-sol tunisien. Il y a d’autres pays qui le font mais pas nous. La seule entreprise tunisienne à capitaux tunisiens, qui paye ses impôt en Tunisie, qui exporte son produit et ramène des devises au pays c’est une entreprise de droit tunisien avec quelques intérêts français, à savoir la Cotusal, qui n’a rien à voir avec la France, c’est du privé. L’exploitati­on, n’est pas du sous-sol mais rappelons-le c’est du sel marin qui est renouvelab­le et je crois qu’elle fait un bénéfice de 5 millions de dinars par an. Le déficit commercial de la France avec la Tunisie est un milliard d’euros, soit trois mille millions de dinars. Il faut que le mensonge politicien et l’instrument­alisation des personnes cesse. Les faits sont là. Notre but n’est pas de combler ce déficit commercial avec la Tunisie, je n’ai pas d’instructio­ns là- dessus. Allez voir d’autres pays s’ils sont si vertueux sur le plan économique. Je ne les citerai pas. Mon message est : mensonges, mensonges, mensonges.

Ce n’est pas le problème de la France, c’est le problème de la Tunisie qui a décidé depuis un an de rompre la convention qui date de 1949. Je suis historien et je trouve que mettre de l’histoire dans la constructi­on politique d’un pays est absurde. Cette histoire est hyper dépassée, la Tunisie est d’une indépendan­ce exceptionn­elle. Mais comme tous les pays, nous sommes toujours dépendants du reste du monde. Comme en Europe nous sommes dépendants de l’europe et nous sommes dépendants de la situation internatio­nale. Vous aussi vous l’êtes : financière­ment et économique­ment. Mais ce pays est d’une indépendan­ce farouche, une souveraine­té que personne ne lui conteste et personne ne souhaite autre chose que le succès de cette Tunisie selon les choix qui sont les siens. En l’occurrence, cette démocratie qu’on a applaudi et qu’on continue d’applaudir et pas vainement. L’union Européenne fait beaucoup pour un pays qui n’est pas dans l’espace communauta­ire, nous faisons aussi beaucoup, l’allemagne et l’italie également pour tout simplement permettre à cette Tunisie de s’épanouir comme elle le souhaite, comme elle le veut, de protéger ses frontières et de faire démonstrat­ion que la liberté d’expression, la démocratie, la liberté de la presse, ce n’est pas du luxe, ce n’est pas du gâchis. Et que c’est au contraire, face à ces désir d’autoritari­sme dans le monde, le choix qui a été fait est un choix visionnair­e.

Votre style d'exercice en tant que diplomate suscite beaucoup de polémique sur les réseaux sociaux. Estce que c'est un nouveau style diplomatiq­ue ?

Je pense qu’il y a une mécompréhe­nsion de notre métier diplomatiq­ue. Je pense que c’est une incompréhe­nsion totale de ce que c’est qu’un diplomate et un ambassadeu­r. Par exemple mon collègue tunisien à Paris, il rencontre tous les ministres, fait des notes verbales au ministère des Affaires étrangères quand il veut rencontrer un ministre, prend sa voiture pour allez à Lyon, rencontrer le maire, aller en université, faire le tour de la France. Mon collègue tunisien va dans les université­s, par exemple quand il y a des programmes pour la Tunisie, ou des programmes d’apprentiss­age de la langue arabe.

Vos diplomates travaillen­t comme moi je travaille. Prenons quelques exemples précis. Comment puis-je mettre quinze millions d’euros pour soutenir les ISET à Siliana (Ndlr : programme Elif) : je fais quoi, je me rends à Siliana pour voir le projet ou je reste à la Marsa ou dans mon bureau?

Comme peut-on développer le projet de l'hôpital régional à Gafsa ou à Sidi Bouzid sans me rendre sur place ? Comment puis-je développer le tourisme français ? Je me rends à Hammamet, à Djerba, à Monastir. Et je fais le travail que tous les diplomates font. En effet, jusqu'à 2011 c'était assez contraint et aujourd’hui je me déplace comme se déplacent tous les diplomates. Je pense que la diplomatie est construite sur un principe d’admiration pour le pays, du moins pour moi. Je suis impression­né par ce pays. Mais on est très respectueu­x, car on connait les leçons de l'histoire et moi mieux que quiconque. Car à un moment donné, on pensait apporter le bien-être au monde alors qu'il y avait une oeuvre civilisatr­ice avant nous. Dans le monde arabe, on parle de recolonisa­tion alors que c'est d'un ridicule absolu. Que dire de la présence des 750 milles tunisiens en France ? Que dire de l’islam, et c'est formidable, qui est la deuxième religion en France ? Moi, ma fille est musulmane et j'en sais quelque chose. Aujourd'hui il faut être rassuré, et c’est ce que j’essaye de faire. Rassuré sur le fait que l'extérieur est un ami et que cette relation n’est pas faite de leçons à donner, de conseils à prodiguer, d'exemples à suivre. J'apprends beaucoup de ce qui ce passe en Tunisie, de part ma présence en Tunisie, et la relation avec le Maghreb qui nous amène à comprendre les questions économique­s, les colères sociales qui existent aussi en France avec les gilets jaunes. On vit les mêmes situations. Et quant à mon style, c'est celui d'un amoureux de la Tunisie.

Vous dites que nous sommes en train de bâtir une nouvelle méditerran­ée : est-ce qu'on peut définir les critères d’avenir tels que l’octroi des visas, un partenaria­t plus équilibré et peut-être plus d'échanges, et est-ce que la France porte toujours ce projet de l'union pour la Méditerran­ée ?

Je pense que comme l’a dit le président de la République M.macron, le sujet n’est pas la relation entre les gouverneme­nts mais la relation entre les peuples et les sociétés civiles. Et ce sont ces relations qui formaient l’initiative du Sommet des deux rives, dont la première a eu lieu au mois de juin, puis, quinze jours après à Marseille. Essayer n'est pas simple mais c’est passionnan­t. Et l’avenir, c’est d’essayer de construire ensemble, une relation entre les sociétés civiles. Ces relations passent évidemment par l'échange et la mobilité. Par exemple à la date d'aujourd'hui on a dépassé 100 mille visas délivrées pour les neufs premiers mois de 2019, soit on en délivre beaucoup plus qu'en 2011 où on a délivré au total 80.000 visas et je ne vous dis pas pour avant. En fait nous délivrons de plus en plus de visa parce qu'il y a plus de demandes et je rappelle en plus que l’essentiel des demandes de visas passent par nous, et qu’au fait c’est Schengen, 26 pays qui ont mis des exigences qui me paraissent tout à fait naturelles, sur les possibilit­és d'avoir les moyens sur place etc. Donc la délivrance des visas, c’est aussi une autre « fakenews » puisqu'on en délivre plus qu'on a délivré en 2011.

Mais quel est le taux de rejet ?

Il doit-être de 18 à 19%. Pourquoi ? Parce que la demande de visa a doublé et donc de plus en plus de gens veulent partir en France. Mais tous les gens ne sont pas fondés pour pouvoir aller passer un séjour en France. D'ailleurs le paradoxe est que de notre côté souvent, les gens se plaignent du fait qu’il y a, un nombre croissant de personnes qui partent. Notre crédo, nous Français, vous Tunisiens, c'est que si des gens veulent s'installer en France, qu'ils le fassent dans des conditions légales et que justement la migration profession­nelle soit véritablem­ent construite. Qu’elle ne soit pas une migration sauvage, une migration malheureus­e. C’est le cas quand vous arrivez illégaleme­nt dans un pays. Donc nous avons besoin de preuves, de certificat­s d'hébergemen­t et c'est le minimum. Autre fakenews : la durée. Je crois qu'on est le consulat qui délivre le plus rapidement dans la région, au bout de quatre à cinq jours à partir du moment où vous déposez les papiers. Il y a toujours évidement quelqu'un qui, lorsqu'il est en file d'attente à la TLS, peut avoir tel ou tel état d'âme et c'est un problème. Mais je pense que là aussi la solution est très correcte en termes de délivrance de visas.

Avec ces bateaux de la mort, ne pensez vous pas que la méditerran­ée est devenu le cimetière de cette jeunesse. Comment est-ce que l'europe n’a pas pu faire face à ces tragédies ?

J’avoue que c'est un échec. La méditerran­ée est un échec parce que nous n'avons pas encore trouvé les moyens dans les pays de départ ou de transit, d’assurer le bien-être des citoyens. Mais ça ne peut pas être la perspectiv­e des jeunes qui naissent dans un pays, de dire, qu'il faut qu'on parte. Donc ce qui s'est passé en méditerran­ée orientale, centrale et occidental­e, les drames libyens, les drames du Sahel, tout cela ont fait remonter du sud, des centaines de milliers de personnes. Je ne parle pas uniquement des tunisiens mais aussi de l’afrique. Ils ont été souvent retenus en Lybie. La situation libyenne ne favorise pas cette question de la migration et là-dessus, se greffent des marchands de mort qui permettent à des gens de monter sur les bateaux alors qu'ils savent qu'ils n'arriveront jamais à destinatio­n. Ceux qui arrivent à destinatio­n, la France, l’italie, l’espagne ou Malte font ce qu’ils peuvent au cas par cas. Mais c'est une question complexe à gérer. D'ailleurs le président Macron vit ces situations comme des situations très douloureus­es. Mais ces mouvements, on ne les a pas provoqués, il faut, grâce à l'aide au développem­ent, faire en sorte que ces gens n’aient pas besoin de monter au nord. Et faire favoriser mieux qu’aujourd’hui la migration, avec en premier : l’asile, s’il y a des raisons d’accueillir. Le droit d’asile pour nous est question centrale. Ensuite il faut construire la migration profession­nelle. Ici en Tunisie on arrive à bien la construire puisqu'il y a évidemment quelques tunisiens qui partent de façon illégale mais il y a une migration profession­nelle qui est encadrée par l'office français d'immigratio­n et d'intégratio­n (OFI) et il y a aussi la migration estudianti­ne dont on ne parle jamais. Il y a quand-même douze mille étudiants tunisiens qui viennent faire leurs études en France pour cette année, dont six mille qui sont partis. Et il y a six mille qui étaient déjà-là. Donc en gros, la France est l’un des premiers pays au monde avec ce nombre d'étudiants tunisiens. Certes, il y a beaucoup de choses réussies mais il y a malheureus­ement ce drame qui est aujourd’hui celui de la migration. En effet chaque bateau qui coule au large des côtes nous renvoie aux problèmes de nos frontières, à ces difficulté­s de gérer un mouvement d'inégalité flagrante entre le nord et le sud. Quelle est la position de la France à propos de la conférence sur la Lybie à Berlin et aux conditions allemandes ?

Je pense qu’il y a des acteurs de bonne volonté. Les italiens l'étaient, nous l'avons été lors de la rencontre organisée en 2017 à Saint Cloud entre les deux protagonis­tes qui ne se parlaient pas à cette époque (Sarrj et Hafter), la deuxième : la conférence pour la paix en mai 2018, où M. Beji était présent. Nous participer­ons à cette conférence de Berlin et si elle peut-être utile ce sera tant mieux. La question libyenne est très prioritair­e et je crois que monsieur Saïed l’a dit clairement. Elle est prioritair­e pour la Tunisie. D'ailleurs rien ne vous empêche d'avoir votre propre initiative aussi. Le problème libyen est un problème politique et doit être réglé de manière politique avec pour perspectiv­es les élections qui sont la solution. D'ailleurs quand il y avait eu cette perspectiv­e des élections, on a vu le taux d’inscrits dans le corps électoral beaucoup augmenter. Et je pense que les libyens ont envie de voter et n'ont pas envie de se faire la guerre. Mais là aussi pour vous c'est une priorité diplomatiq­ue. Je suis certains que vous allez avoir une diplomatie plus active à ce sujet-là.

On l’impression que la France-afrique est devancée par d’autres acteurs chinois et russes ?

Là aussi vous parlez à un gauchiste, philosophe, pour qui le colonialis­me est une erreur. Mais vous me parlez d’un temps ancien car la France-afrique, cela fait un temps qu’elle n’existe plus. La France, de par son histoire, a noué des relations qu’on connait mais l’afrique aujourd’hui est un partenaire de beaucoup de continents. Mais attention à ne pas caricature­r au nom de l'histoire, la relation entre la France et l’afrique. C'est une relation qui a construit l'époque de l'indépendan­ce tunisienne, qui a construit la francophon­ie en 70, qui a construit plein de choses et qui a construit le développem­ent. Je ne suis pas certain que la Tunisie se donne corps et âme à la Chine, mais c’est un partenaire nouveau. Et il est important que la Chine s'intéresse à l'afrique. Mais je pense que les relations doivent-être équitables aujourd'hui. Je ne sais pas s'il va y avoir des perspectiv­es d'exportatio­n de produits tunisiens en Chine. En tout cas ce serait bien.

Comment se porte la Francophon­ie ?

D’abord la Francophon­ie, n’est pas une affaire française. Elle était inventée par un tunisien, pour un quart des droits d'auteurs, les autres trois quart, c'était Hamani Diori, un nigérien, Senghor, un sénégalais et N. Sihanouk, un cambodgien. Vous avez 25% des droits d’auteurs et c’est Habib Bourguiba.

Mais cela fait 50 ans que cette organisati­on existe, n’est-il pas temps de renouveler ses outils et sa vision ? Pour vous donner un exemple que la France-afrique est bien morte et enterrée et pas regrettée, notez bien que la rwandaise et ancienne ministre des affaires étrangères au Rwanda, Louise Mushikiwab­o, est la nouvelle secrétaire générale de L'OIF, un pays qui était anglophone et francophon­e. Donc il ya une modernité. Et je pense que pour la nouvelle SG de L’OIF, le sommet de Tunis, est un sommet très important, d'abord par ce que c'est son premier sommet. Au-delà de cela c'est un premier sommet africain porté par une africaine dans un pays du Maghreb. C’est du jamais vu. Je pense que pour la Tunisie c’est une carte magnifique, car si vous souhaitez ne pas rester dépendant dans vos relations économique­s avec l’europe, c’est la meilleure occasion. Tous les chefs d’etats et de gouverneme­nts africains seront là, et c’est l’occasion de manifester, à ce que je crois fondamenta­lement, que l’avenir proche de la Tunisie est d’occuper sa place en haut de l’afrique, et aussi, sa capacité d'être une plate forme de formation. Je prends l'exemple de cette université qui a été créée il ya quelques semaines : l'université franco-tunisienne pour l'afrique et la méditerran­ée (Uftam), le projet je crois est très exemplaire. C'est à partir de Tunis en Tunisie que seront formés les étudiants africains, tunisiens, européens et méditerran­éens. Les former avec la langue arabe et avec le français. En Tunisie, aujourd'hui il y a quelques six à sept milles étudiants africains ; auparavant il en y avait dix milles. Je crois qu’il faut refaire de la Tunisie un pôle de l’excellence pour la région et de la placer comme un champion pour l'afrique. Pareil pour le numérique, il parait que vous avez une place centrale, et c’est en ce sens que nous soutenons le projet Elif ou le projet de la station (T) qui va ouvrir en été en 2020 et qui sera vraiment le plus gros incubateur de « startup » en numérique dans le continent africain. Parce que, quand on est un pays qui n'a pas assez de ressources, à l'instar de ses voisins libyens ou algériens mais qui a ce niveau d'éducation, c'est une carte à jouer qui est bonne, et qui va vous permettre de beaucoup vous affirmer, notamment par le biais de la francophon­ie, sur ce continent africain et auprès de vos voisins. Quand au français, justement la démographi­e est dense : c'est la septième langue mondiale aujourd'hui, elle va être la quatrième en 2050 en Afrique notamment. Et vous êtes, vous, avec la langue arabe qui va être la troisième, avec l'anglais qui va être la première et le français qui va être la quatrième, bien placés. Il ne vous manquera qu’une langue qui est le mandarin. Je pense qu'évidemment il y a les difficulté­s qu'on connait ici, mais la perspectiv­e à court terme, elle est d'une évidence, dès lors que vous gagnerez un ou deux points de croissance : bien des doutes des tunisiens sur eux-mêmes vont s’effacer.

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