La lourde facture des prévarications de l’etat
Deux « événements » ont marqué la semaine dernière : Les déclarations de Seifeddine Makhlouf insultant la personne et le personnage de Habib Bourguiba, et celles de M. Chawki Tabib, président de L’INLUCC sur les débâcles que la Tunisie accumule dans ses dossiers juridiques portant sur la restitution des biens usurpés de l’etat auprès des juridictions étrangères.
Le dénominateur commun aux deux événements est le fait que la situation politique dans le pays évolue non pas selon les règles du droit et des procédures, mais au gré des humeurs, des complaisances et des calculs politiques.
Deux « événements » ont marqué la semaine dernière : Les déclarations de Seifeddine Makhlouf insultant la personne et le personnage de Habib Bourguiba, et celles de M. Chawki Tabib, président de L’INLUCC sur les débâcles que la Tunisie accumule dans ses dossiers juridiques portant sur la restitution des biens usurpés de l’etat auprès des juridictions étrangères. Le dénominateur commun aux deux événements est le fait que la situation politique dans le pays évolue non pas selon les règles du droit et des procédures, mais au gré des humeurs, des complaisances et des calculs politiques.
Depuis 2011, la situation « révolutionnaire en Tunisie » a été vite récupérée par une classe politique dominée à 90% de juristes. Avocats, juges démissionnaires et huissiers de tout poil nous avaient promis que la loi et le droit seul étaient capables de mettre fin à la nuit sociale et économique du pays. Dix ans après, les résultats sont là : Une Constitution bricolée sur un panachage hypocrite et anachronique des valeurs universelles et de celles d’une secte religieuse que le monde est en train de liquider devant nos yeux. A la parcourir, on reste pantois sur une question de base : On ne sait pas si cette Constitution consacre la citoyenneté du Tunisien, ou bien sa dimension de sujet à mater à tous les étages de la vie sociale, économique, et culturelle. Grâce au droit seul, ces juristes nous ont installés dans un flou qui se prête à tous les excès, parfois même des excès plus sordides que ceux d’avant la révolution.
Un déficit de volonté, avec préméditation
Dans ce contexte, les propos tenus par Chawki Tabib à Sfax, sur les vicissitudes du traitement « tunisien » des dossiers de la corruption auprès des juridictions de pays tiers, donnent froid dans le dos. Que de mauvais souvenirs ! La perte, bêtement, du dossier du Plateau continental à la Cour de La Haye devant la Libye vers la fin des années 1970. Aujourd’hui, les raisons invoquées par le président de L’INLUCC s’avèrent plus graves, pour ne pas dire cyniques. Car, que signifie la présentation de documents en arabe, non traduits, à des juridictions non arabophones, ou qui ne commercent pas avec la langue arabe. La primitivité de cette « erreur » de procédure s’assimile plus à la complicité active et agissante qu’à la bonne foi de levantins stagiaires. Pire encore, le gouvernement tunisien lui-même est « intervenu » en faveur d’un ou de plusieurs accusés auprès de juridictions étrangères afin de libérer une partie de leur patrimoine confisqué, sur demande du même gouvernement ! Entretemps, la question qui reste suspendue aux lèvres de la Justice tunisienne et suisse : Sur quelle base la plainte a été présentée, et sur lesquelles elle a été annulée (implicitement) par le plaignant ?
Un cas flagrant de manipulation de la Justice. Plus grave parce qu’il présente la Justice du pays sous son pire jour, à l’étranger, avec son lot de conséquences que nos politiciens de la dernière heure ne semblent pas mesurer jusqu’à nos jours. Cette procédure à elle seule est venue faire voler en éclat le concept même de « lutte contre la corruption » tel que commercialisé en Tunisie, et par la Tunisie à l’étranger. A ce rythme, et avec ces pratiques, il est fort probable que l’argent usurpé et transféré illégalement à l’étranger ne tardera pas à regagner les poches des héritiers des voleurs, morts ou vifs. Avec l’hémorragie des coûts et des honoraires des procès en sus ! Et personne ne semble s’en offusquer. Mystifications d’un autre âge
Le deuxième événement est cette rafale de déclarations que Seifeddine Makhlouf, député fraichement élu, a réservé à l’ancien chef d’etat Habib Bourguiba, allant jusqu’à demander d'enlever ses portraits des murs du Palais de Carthage, sous prétexte que l’homme nous a laissé un pays « sous-développé » ! Intrépidité de jeune ou acte prémédité, cette vague mérite méditation. Sur quels critères la chaine Hannibal s’est basée afin de remplir ses plateaux par des gens se réclamant d’une littérature foncièrement antirépublicaine ? En choisissant de créer le buzz ou le sensas avec des personnes aussi folkloriques, la chaine est-elle en train de jouer un rôle suspect dans cette conjoncture faite d’incertitudes et de propos passionnés et provocants pour une large frange de la population. Nos chaines publiques et privées ontelles un quelconque tableau des politiciens actifs, leur permettant un tant soit peu de justice entre les différents acteurs politiques ? La HAICA s’accommode-t-elle si bien de cette répartition des supports médiatiques entre les différentes mafias tenant en laisse la liberté d’expression dans le pays. Les exemples fusent sur ce phénomène qui semble passer dans les moeurs de la démocratie à la tunisienne. Vous êtes sujet Khwenji de deuxième rang, vous avez Ezzitouna, Al Insen. Vous êtes dirigeant nahdhaoui, vous avez autant de chances que d’argent déboursé chez les chaines « séculaires et modernistes » comme El Hiwar Ettounsi ou Attassia ou Carthage Plus. Idem pour les radios.
A la faveur des élections et de leurs résultats plus que mitigés, certaines chaines comme Hannibal, se sont mis à un travail très peu catho. Ils entendent faire assimiler au public une nouvelle définition de la « majorité ». En présentant Ennahdha comme le parti « majoritaire » à qui revient de droit la formation du prochain gouvernement. Or, étymologiquement, en dehors des jeux de mots de notre Constitution, et en l’absence de la Cour Constitutionnelle, le mot « majorité » renvoie à 51% des voix. Ennahdha n’a pourtant eu que 51 députés, dont la majorité doit son accession aux restes. Ce qui revient à 23% des suffrages, à peine 6,5% des inscrits. Et c’est à ce titre qu’ennahdha ne peut prétendre « acheter » le titre de « majoritaire » là où toutes les formations gagnantes, décomplexées à l’égard de l’islam politique en berne, lui tiennent toujours la dragée haute. Une carence incommensurable que les insultes contre Bourguiba ne peuvent juguler de toute évidence. A angle plus ouvert, on peut même comprendre que Karama, en tant que satellite islamiste, tente de faire oublier des dossiers autrement plus lourds. Comme celui du conteneur de documents secrets découvert récemment par la police judiciaire à Megrine, chez l’un des députés de Karama nouvellement élu.
Reste que cette manière de faire de la politique est pour le moins... sale.