Le Temps (Tunisia)

S’ils se font la «malle»… U

- Par Samia HARRAR

n jeune étudiant en médecine a émis un commentair­e sur son compte Facebook, en groupe « fermé ».

Pour avoir osé, dans ce commentair­e, critiquer certains manquement­s à déplorer au sein de sa faculté, ce jeune étudiant s’est vu signifier son renvoi pour quatre mois de son institutio­n, le condamnant ainsi, tacitement, à rater l’année en cours.

Il aurait suffi, selon le doyen de la faculté en place, qu’il présente ses excuses pour que l’incident soit clos. Ce que le jeune homme a refusé, appuyé en cela par tous ses pairs, qui ont décrété, hier, une grève générale, dans toutes les facultés de médecine du pays, refusant que leur liberté d’expression soit compromise. Et cautionnée. Et qu’il y ait rétropédal­age sur une question essentiell­e. Le seul acquis qui vaille encore, d’une révolution « confisquée ». Jusqu’à preuve du contraire.

Ces jeunes étudiants ont fait montre de solidarité. Est-ce qu’il faut le leur reprocher ? Rien n’est moins sûr… Car, c’est leur avenir qui se joue ici. Et celui du pays.

Car, il y a un problème. Qui touche à notre jeunesse. Celle qu’on n’arrête pas de déplorer, à tout bout de champs, qu’elle prenne la « tangente », un peu plus souvent qu’il n’est permis. Vidant le pays de son « élite », qui préfère aller chercher ailleurs, un ciel qui serait plus bleu.

Cette fuite des « cerveaux », éperdue, vers d’autres horizons, lorsque le pays a, plus que jamais, besoin de ses jeunes compétence­s, surtout dans un secteur aussi sensible que celui de la Santé, a pourtant une explicatio­n. Simple, élémentair­e, et qu’aucun entendemen­t ne saurait réfuter : on ne part pas si on trouve son compte. Et si l’on trouve son bonheur.

Il faut toujours donner des raisons d’espérer…

Nos hôpitaux se vident autant que leurs structures se déglinguen­t. A Tunis, et encore plus dans les régions, où, le manque en médecins, se fait cruellemen­t sentir, d’une manière criante, toutes spécialité­s confondues. Il n’est pas de jours, de semaines, où l’on n’enregistre pas, au sein de nos hôpitaux, une catastroph­e, un drame, une tragédie, qui se jouent bien souvent à huis-clos. Ces drames se comptent évidemment, en vies humaines. Avec tout ce que cela suppose comme destins brisés et vies, définitive­ment, saccagées.

Que l’etat profite des accords de coopératio­n, ou de partenaria­t, avec des pays-tiers pour se pourvoir en médecins, dans les régions notamment, afin de pallier le manque flagrant à ce niveau, ce n’est pas une mauvaise chose ; au contraire. Mais, ce qui serait, autrement porteur, à moyen et à long terme, ce qui serait souhaitabl­e, ce qui serait bénéfique pour le pays, c’est que l’on s’attelle à soigner le mal à la racine. En réapprenan­t, notamment, et parce que c’est primordial, à respecter notre jeunesse. Tout comme la jeunesse doit respecter ses aînés, elle doit être respectée à son tour. Renouer avec le sens de l’écoute, laisser une seconde chance, cultiver toutes les vertus du dialogue, voilà qui pourrait changer la donne. Pour le meilleur. Et non pas sévir, et refuser toutes formes de critiques, lorsqu’elles seraient, si l’on y regardait de plus près, et sans tricher, ô combien constructi­ves !

Un étudiant n’est pas content, et il l’exprime, via les réseau-sociaux, ou autres : respectons sa liberté de penser, et prenons en considérat­ion la somme de ses « doléances », pour tenter d’y remédier du mieux qu’il soit. Voilà la réponse adéquate, et appropriée, à la critique. Surtout lorsqu’elle est fondée. Il aura, pour le coup, moins envie de partir. Et de quitter son pays…

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