La Justice crée le précédent
Affaire El Hiwar Ettounsi :
En l’espace de quelques mois, nous avons eu droit à deux expériences inédites quant à la relation de la Justice avec les médias, quand bien même les médias se trouvent au centre de dossiers judiciaires lourds. Dans les deux cas, nous avons découvert des pratiques médiatiques qui ne vont pas nécessairement avec la sérénité vitale à une Justice équitable.
Dans le chapitre de la corruption, nous avons suivi avec un intérêt accru les péripéties de «l’affaire Nessma» mettant en cause la personne de M. Nabil Karoui, candidat malheureux à la présidentielle. Les réactions de la chaine étaient pour le moins inquiétantes. Le clivage était franchement politique, sur un sujet de délits financiers.
En l’espace de quelques mois, nous avons eu droit à deux expériences inédites quant à la relation de la Justice avec les médias, quand bien même les médias se trouvent au centre de dossiers judiciaires lourds. Dans les deux cas, nous avons découvert des pratiques médiatiques qui ne vont pas nécessairement avec la sérénité vitale à une Justice équitable.
Dans le chapitre de la corruption, nous avons suivi avec un intérêt accru les péripéties de «l’affaire Nessma» mettant en cause la personne de M. Nabil Karoui, candidat malheureux à la présidentielle. Les réactions de la chaine étaient pour le moins inquiétantes. Le clivage était franchement politique, sur un sujet de délits financiers.
Aujourd’hui, nous assistons à de nouveaux rebondissements tout aussi graves d’une affaire de délits documentaires et de gestion concernant la chaine El Hiwar Ettounsi. Bien que l’affaire soit encore en sa phase d’instruction, un tollé a été soulevé contre la Justice que les écrans de fumée n’ont pas réussi à estomper.
Par respect à cette Justice tant décriée de toute part, dès qu’elle s’est saisie de la plainte du Directeur général du Contentieux de l’etat, les réactions ont été intenses, voire passionnées, et ressemblent moins à l’expression délibérée d’une opinion citoyenne qu’à une campagne bien orchestrée contre la traque des crimes économiques et délits financiers de tous genres, qui minent la société et son économie en berne. Aussitôt arrêtés, les accusés ont cessé de parler. Ce sont leurs avocats qui ont naturellement pris la parole. Non aux prétoires ou dans les bureaux de l’instruction ou du procureur de la république. Mais sur les médias ! Une situation bizarroïde où certains juristes semblent avoir définitivement perdu la maitrise du verbe.
Finie la politisation de la Justice
L’arrestation a été toutefois politisée avant même d’avoir lieu. Depuis deux semaines « s’est » déclenchée une bataille rangée entre la chaine El Hiwar Ettounsi et le parti du mouvement Ennahdha. Par un spot annonçant l’imminence de l’émission par la chaine d’un doc sur les sources de financement « occultes » de ce parti. Ennahdha riposte par une mise garde ferme à la chaine. Le spot disparait aussitôt, quelques jours seulement avant le déclenchement de l’affaire que plusieurs milieux attendaient depuis des mois. M. Sofiane Selliti, porte-parole du Pôle judiciaire, rend public le mercredi 6 novembre un communiqué dans lequel il annonce l’arrestation de Semi Fehri, du gérant d’une société de sous-traitance et de l’administrateur judiciaire de Cactus Prod, confisquée par l’etat depuis 2011.
Selliti a parlé de détention provisoire et non d’incarcération. Pour une série de délits financiers et d’abus de gestion. La mystification est aussitôt tombée dans l’eau, et la querelle avec Ennahdha semble n’avoir été d’aucun secours, pour l’une et l’autre partie. Actuellement, la chaine est libre de programmer ou pas son doc, tandis que la Justice a repris son cours. Quant aux avocats des accusés, ils n’ont rien dit sur la véracité des accusations à la charge de leurs clients respectifs, se suffisant parfois à des propos « droit de l’hommistes » de circonstance, fustigeant les conditions de détention des personnes arrêtées, bref un non alibi qui ne pèsera d’aucun poids sur le contenu du dossier.
Les réactions, sur les réseaux sociaux et même les médias, restent individuelles, balançant entre une certaine satisfaction cynique et un regret béat de ces arrestations.
Durant cette semaine, nous avons pu relever certains traits de caractères de notre démocratie sélective sur le terrain, et utopique dans les textes.
Pour la première fois, la Justice se saisit d’un dossier qui implique l’un des siens, en la personne de l’administrateur judiciaire de Cactus. Une première reconnaissance sans ambages des abus qui gangrènent l’un des pouvoir vitaux fondant la république. Un message fort et inédit sur la détermination de l’etat à traquer les abus quel qu’en soient les auteurs, de par leurs charges ou attributs. Un précédent qui aura des suites, en particulier dans le paysage audiovisuel tunisien, où la liberté d’expression épouse le crime organisé.
A l’heure qu’il est, il serait hasardeux, voire malvenu d’émettre le moindre jugement sur le cours décidé par la Justice. Le temps n’est plus aux humeurs changeantes au gré des alliances faites et défaites selon les intérêts claniques, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux.
Plusieurs commentateurs ont vu dans cet enchainement le début d’un coup de karcher dans la fourmilière de la corruption à tous les étages. L’enjeu est de taille, puisqu’il touche désormais sans discrimination tous les rouages de l’etat. D’où les menaces qu’il fait peser sur la sécurité du pays. Le silence des organisations sociales comme L’UGTT et L’UTICA en dit long sur l’orientation que les choses ont prise en ce début de quinquennat. La Justice ne sera pas d’un grand secours sans un climat social serein et bien sécurisé, puisque l’enjeu est tout simplement national. C’est justement à ce titre que les choses semblent bien corsées.
Il est donc grand temps de laisser la Justice trancher sereinement ces dossiers dans l’indépendance totale. Il y va du salut d’un pays où la loi est devenue prisonnière du jeu politique.