Le Temps (Tunisia)

Le 4ème pouvoir voit rouge !

- Melek LAKDAR

Avant l’avènement de la nouvelle ère du 14 janvier 2011, le climat médiatique était tellement opprimant que la Tunisie était l’un des plus grands geôliers des journalist­es dans le monde. Les instrument­s d’intimidati­ons allaient de l’emprisonne­ment, des persécutio­ns, des harcèlemen­ts à la restrictio­n d’accès à Internet. Avec le soulèvemen­t populaire du 17 décembre 2010, le 4ème pouvoir s’est affranchi des bâillons d’antan et les langues se délièrent. La Tunisie s’est vue monter en flèche dans le classement des pays respectueu­x de la liberté de la presse. Pourtant, les tentatives de la museler et les dépassemen­ts commis à l’encontre des journalist­es de terrain ou d’investigat­ion ne cessent de croitre.

Avant l’avènement de la nouvelle ère du 14 janvier 2011, le climat médiatique était tellement opprimant que la Tunisie était l’un des plus grands geôliers des journalist­es dans le monde. Les instrument­s d’intimidati­ons allaient de l’emprisonne­ment, des persécutio­ns, des harcèlemen­ts à la restrictio­n d’accès à Internet. Avec le soulèvemen­t populaire du 17 décembre 2010, le 4ème pouvoir s’est affranchi des bâillons d’antan et les langues se délièrent. La Tunisie s’est vue monter en flèche dans le classement des pays respectueu­x de la liberté de la presse. Pourtant, les tentatives de la museler et les dépassemen­ts commis à l’encontre des journalist­es de terrain ou d’investigat­ion ne cessent de croitre. Le 3ème rapport annuel du Centre de la Sécurité Profession­nelle des journalist­es relevant du Syndicat National des Journalist­es Tunisiens (SNJT) atteste et signe : les violences à l’égard de la presse tunisienne ont doublé en 2019 en comparaiso­n avant l’année 2018. Le nombre des agressions est passé de 136 pour atteindre les 208 cette année. Notons que sur la totalité de ces agressions, 86 des cas devraient impliquer une poursuite judiciaire.

Impunité et lenteur face aux plaintes

Le rapport précise que sur ces 86 cas, uniquement 27 plaintes ont été déposées par les journalist­es vu la gravité des violations, réparties comme suit : 20 auprès du Procureur de la République, 4 auprès de postes de police, 2 auprès du ministère de l’intérieur et une plainte auprès de l’inspection de la police.

Le périmètre du Grand Tunis détient la première place en tête du classement, avec 69 agressions.

Rendu public le 7 novembre 2019, le rapport sonne le tocsin quant au nombre grandissan­t d’agressions et d’intimidati­ons dont furent victimes les journalist­es tunisiens pendant l’exercice de leur devoir. Selon le SNJT, les agressions peuvent revêtir plusieurs formes. Cela va de l’agression physique (30 cas recensés) à celle morale (18), la menace (15 cas enregistré­s), l’incitation à la haine (20 cas) voire la disparitio­n forcée (le dossier des deux confrères Sofiane Chourabi et Nadhir Gtari).

Face à la lourdeur ancestrale et la lenteur exacerbée de la machine judiciaire, sur les 208 cas d’agressions, sur les 110 journalist­es ayant été victimes de dangereuse­s agressions, 21 uniquement ont porté 27 plaintes auprès de la justice. Un nombre dérisoire qui cache un phénomène encore plus dangereux : le laxisme des autorités concernées et la propagatio­n de l’impunité.

En termes de genre, sur les 29 journalist­es-femmes, 8 uniquement ont intenté des procès. Du côté des journalist­es-hommes, sur les 81 victimes, à peine 13 ont porté plainte.

Le président du SNJT, Néji Boughouri a d’ailleurs dénoncé la comparutio­n des journalist­es sur la base du Code pénal au lieu des articles 115 et 116 et critiqué la lenteur de la Justice dans le traitement des plaintes déposées par les journalist­es.

Pour un arsenal juridique plus performant

Pour en finir avec ces agissement­s et exhorter les journalist­es à demander leur dû en cas d’agressions, le SNJT s’adresse directemen­t aux autorités concernées et impliquées dans la protection de la liberté d’expression et de la protection des journalist­es.

Le président du SNJT a appelé les autorités tunisienne­s à garantir un climat de travail serein pour les médias, à assurer leur protection et enfin à mettre fin à l’impunité face aux agressions dont sont victimes les journalist­es. S’adressant au pouvoir exécutif, le rapport appelle le gouverneme­nt tunisien à mettre en place un mécanisme national pérenne de recensemen­t des agressions contre la liberté de la presse, la liberté d’expression, à l’équité et la justice.

Le rapport va plus, il incite le gouverneme­nt à publier les résultats des enquêtes administra­tives concernant les fonctionna­ires de l’etat et des sécuritair­es qui sont impliqués dans des affaires d’agressions contre les journalist­es.

En s’adressant au pouvoir judiciaire, l’observatoi­re appelle à la neutralité et la rapidité des enquêtes judiciaire­s qui concerne les plaintes déposées par les journalist­es ayant été victimes d’agressions. L’objectif est de faire face à l’impunité qui permet aux agresseurs de récidiver et qui condamnent les journalist­es à travailler dans un climat d’insécurité.

Le SNJT signe et persiste sur l’obligation d’appliquer les articles 115 et 116 au moment de l’arrestatio­n des journalist­es.

Sur le plan législatif, le rapport incite le législateu­r à mettre en place un arsenal juridique plus efficace et concret afin de garantir la sécurité des journalist­es et de les protéger en cas d’agressions.

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