Les deux lignes parallèles se sont rencontrées !
En Tunisie, la politique n’obéit pas aux lois de la géométrie. Elle ne jure que par l’arithmétique. Ainsi, deux lignes parallèles censées ne jamais se rencontrer se sont finalement rejointes à l’intersection de l’intérêt partisan et des promesses non tenues.
En Tunisie, la politique n'obéit pas aux lois de la géométrie. Elle ne jure que par l'arithmétique. Ainsi, deux lignes parallèles censées ne jamais se rencontrer se sont finalement rejointes à l'intersection de l'intérêt partisan et des promesses non tenues. L'addition des voix d'ennahdha (52), de la Coalition Al-karama (21) et de Qalb Tounes (38) et de quelques élus indépendants et députés appartenant à d'autres blocs ont permis au chef historique du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, d'accéder au perchoir.
L’alliance entre Ennahdha et la coalition Al-karama n’a rien d’étonnant. Plusieurs analystes n’hésitent pas d’ailleurs de qualifier la coalition conduite par l’avocat controversé Seifeddine Makhlouf d’être une succursale d’ennahdha.
L’alliance entre Ennahdha et Qalb Tounes est cependant qualifié par les observateurs de contre-nature. Un accord secret a été conclu dans la nuit de mardi à mercredi entre le parti d’inspiration islamiste et le parti libéral pour élire le très clivant cheikh au perchoir, la politicienne «nomade», Samira Chouachi au poste de premier, viceprésident de l’assemblée des représentants du peuple. L’accord concernerait également le vote de confiance au prochain gouvernement, et plus si affinités.
«Nous sommes en pourparlers avec Ennahdha en ce qui concerne l’élection des dirigeants de L’ARP et formation du gouvernement et nous ferons tout ce qui est dans l’intérêt de la Tunisie », a lâché le député de Qalb Tounes, Oussama Khélifi, en marge de la plénière tenue mercredi. «L’alliance entre Ennahdha et Qalb Tounes était prévisible. L’argument qu’ennahdha va désormais mettre en avant est prêt : Attayar et le mouvement Echaâb nous ont poussés à cette alliance», souligne Khaled Krichi, un dirigeant du mouvement Echaâb. Et d’ajouter : «Pour ce qui est de l’élection des membres des commissions parlementaires et de la formation du gouvernement, le même scénario va se répéter. C’est une nouvelle Troïka (Ennahdha, Qalb Tounes et Al Karama) dont les traits commencent à se distinguer».
Modus vivendi
Candidat malheureux au second tour de la présidentielle, Nabil Karoui, s’était posé tout au long de la campagne électorale en tant que rempart contre l'islamisme. Son parti avait exclu avec véhémence jusqu'à la dernière minute tout accord avec la première force du Parlement. Et c’est pour cette raison d’ailleurs que l’écrivain et éditeur Abdelaziz Belkhodja a annoncé hier sa démission de toutes les structures du parti de Qalb Tounes.
«Suite au choix de plusieurs députés de 9alb Tounes de voter pour Rached Ghannouchi, chef de l’organisation secrète et principal responsable de tous les maux de la Tunisie, je ne me considère plus lié, de quelque sorte que ce soit, envers ce parti. Je m’excuse platement envers ceux qui ont été influencés par mon engagement», a-t-il noté dans un post publié sur sa page Facebook. Le mouvement Ennahdha n’avait pas, quant à lui, cessé de diaboliser le parti Qalb Tounes et ses dirigeants qu’il a accusé de traîner des casseroles de tout genre. Le parti d’inspiration islamiste a également s’était aussi présenté durant la campagne électorale comme étant le fer de lance des idéaux de la révolution de 2011, promettant une guerre sans merci contre la corruption et une rupture avec le passé, notamment incarné, selon lui, par le parti de Nabil Karoui. Mais les scènes de ménage des périodes électorales ne sont désormais qu’un mauvais souvenir. Les deux partis avancent désormais main dans la main. Les deux partis étaient en quelque sorte obligés de trouver un modus vivendi pour éviter le pire. La Constitution stipule en effet que le Président de la République pourrait nommer un chef du gouvernement au cas où le premier parti de l’assemblée n’arrive pas à former un gouvernement. Un autre scénario prévoit la dissolution du Parlement et la tenue de nouvelles élections législatives au cas où le chef du «gouvernement du Président» n’obtient pas la confiance de l’assemblée. Un risque qu’ennahdha et Qalb Tounes n’acceptent pas de prendre. Selon certains analystes, Nabil Karoui chercherait à en finir avec ses démêlés judiciaires. Il ne pouvait pas, d’après la même source, refuser la main tendue d’ennahdha qui contrôlerait l’appareil judiciaire.