Une enfant est morte
Quand aux premiers jours de la seconde Intifada à Gaza, à l’automne 2000, les télés ont transmis la scène brutale de la mort en direct du jeune palestinien de 12 ans, Mohamed Al Durra à Gaza, la communauté internationale s’est mise en branle. Quand le 3 septembre 2015, le corps sans vie du petit enfant Syrien de trois ans, a été découvert sur une plage turque, l’image a bouleversé le monde entier. Mais quand la petite Maha Gadhgadhi, fillette âgée de 11 ans, est morte emportée par les eaux de ruissellement, à Ouled Mefda (gouvernorat de Jendouba), suite aux fortes averses survenues, mardi dernier, elle n’a pas eu droit, même pas, à une pensée lors de la plénière d’investiture de la nouvelle équipe parlementaire. Personne n’y a pensé. Ni le président sortant, ni le nouveau président fraîchement élu, ni les députés eux-mêmes, trop occupés à faire gagner leurs candidats en lice pour le nouveau bureau de L’ARP. Car dans notre pays, quand un enfant meurt emporté par les flots, ce n’est pas aussi important qu’un fauteuil à L’ARP. Mais le comble est que ce n’est pas la première fois que ce genre de drame a lieu dans notre pays. A force de voir les enfants ravis à la fleur de l’âge, fauchés par des voitures, emportés par les eaux furieuses des oueds, assassinés par des criminels sans pitié, on s’en remet à Dieu et on oublie vite que la liste de ces écoliers en état de vulnérabilité est encore longue. En effet, plus de 35000 écoliers sont livrés à eux-mêmes dans les zones rurales et enclavées. Le ramassage scolaire n’étant pas assuré dans les villages isolés. Pourtant, il est l’une des premières causes de l’abandon scolaire qui se trouve aujourd’hui au carrefour de tous les maux qui traumatisent notre société : délinquance, émigration non-régulière, criminalité, chômage, radicalisation, etc. Ces élèves, dont l’âge varie de 6 à 11 ans, se voient contraints de partir à pied, de parcourir des distances qui vont jusqu’à 6 kilomètres par trajet. Ils sont exposés aux aléas de la nature et à toutes sortes de tracasseries et d’agressions, étant donné qu’ils ne sont pas protégés. Ils sont devenus la cible facile d’agressions et vivent avec la peur au ventre. Et ils ont raison. Car ils se sentent livrés à eux-mêmes dans un Etat qui les oublie. Ce sont pourtant des gens simples, chaleureux, dévoués, généreux.
Ces bambins connaissent dès leur prime enfance une vie de labeur, ils ne s’en plaignent jamais. Pendant les vacances, ils ne vont pas au théâtre, ni au cinéma, mais s’adonnent avec leurs parents aux métiers de la terre.
Ils réclament, ce qui est constitutionnellement, leur droit; la présence de l’état. Car quand on hisse le drapeau rouge avec l’étoile et le croissant, fut-ce dans les contrées les plus reculées, on a non seulement le devoir de protéger la communauté qui y vit mais aussi de leur fournir équipements collectifs, sécurité, soins, éducation, transport, développement et qualité de vie.
Car, face à l’oubli qui plonge ce genre de régions, ces belles régions, dans une immense tristesse, chacun de ces citoyens partage un sentiment d’injustice et d’abandon. Une enfant est morte, elle a un nom, des parents, des amies, et elle pensait qu’elle appartenait à cette terre, cette patrie. Elle avait plein de rêves pour sa carrière, pour sa famille, pour son pays. Et si personne n’est capable de concrétiser ses rêves, au moins qu’on lui demande pardon de ne pas avoir, d’une façon ou d’une autre, pu la protéger d’un destin aussi cruel que notre oubli.