Quand l’instinct de la meute ressurgit…
La violence s’installe dans tous les étages de la société. La violence physique bien sûr. Une violence qui ronge désormais tout ce qui fonde la vie commune en société. Une culture presque bien ancrée dans les moeurs d’un peuple que l’on dit pacifique et paisible à souhait.
La violence s’installe dans tous les étages de la société. La violence physique bien sûr. Une violence qui ronge désormais tout ce qui fonde la vie commune en société. Une culture presque bien ancrée dans les moeurs d’un peuple que l’on dit pacifique et paisible à souhait. Le nombre de crimes violents n’a jamais été aussi élevé, même dans les périodes les plus critiques que le pays a traversées, comme les années soixante où la misère et la disette ont durement frappé, en particulier dans les régions les plus reculées du pays.
Fait nouveau, la violence de nos jours se conjugue désormais à des « droits » nouveaux nés dans un contexte révolutionnaire qui tutoie toutes les formes de transgression, lesquelles font le terreau à une nouvelle société mafieuse, clanique, corporatiste, anarchique etc. Une violence qui exacerbe chez l’individu l’instinct de la meute, contre lequel l’humanité a consacré toutes ses sciences, exactes et humaines. Dans un lieu public, un groupe de personnes entourent un individu, le tuent sur le coup, blessant au passage son père. Un grand moment d’émotion que la société s’impose en pareils moments comme catharsis, et le dossier prend son cours bureaucratique dans les couloirs de la police et de la Justice.
Pourtant, la société civile et ses associations et organisations savent mieux que quiconque que la violence physique est le corollaire d’une série de violences morales, politiques, économiques, culturelles et sociales que l’on rechigne à nommer par peur ou par hypocrisie, si ce n’est par conformisme au politiquement correct.
Pour les violences morales, il suffit de regarder d’un peu plus près le dossier de l’héritage, dans une société qui aligne plus de femmes que d’hommes dans des secteurs névralgiques de la société et de l’économie. Une injustice criarde consacrée sur fond religieux. Un franc déni de droit qui ne peut émaner que d’un ennemi que le pays peine à juguler. Contre le mouvement de l’histoire, L’ARP élit à sa tête un chef religieux qui ne rebute pas à assimiler la réflexion, la culture et le mouvement de l’histoire à une simple volonté céleste qu’il prétend représenter sur terre, en particulier sous l’hémicycle de la Tunisie révolutionnaire.
Violence morale aussi, quand la vie politique se résume, loin des réalités du moment à des guerres identitaires et confessionnelles d’un autre temps, au moment où le pays périclite économiquement à tous les niveaux. Au moment où des politiciens et partisans, sans parler des courtisans, plaident ouvertement sur les médias, le droit à l’hégémonie de l’économie parallèle, euphémisme de la contrebande sans limite, non sans pomper dans les deniers de l’etat.
Violence morale aussi, quand la Justice se trouve acculée à sacrifier la vérité à un labyrinthe procédural sans fin, fait de textes alambiqués, à se demander si le législateur s’emploie réellement à combattre ou à consacrer en la protégeant, toutes les formes de délinquance qui écartèlent une économie déjà minée par les privilèges indus, le corporatisme le plus sordide et les monopoles mafieux de toute sorte.
Violence morale aussi, quand le « système » se défend en embastillant à tour de bras tout individu qui s’avise à rapporter aux différentes sphères du pouvoir quelques bribes de faits de délinquance sur l’intérêt public ou la propriété de l’etat.
Violence morale aussi, quand les législateurs confectionnent une Constitution où ils stipulent délibérément que la Cour Constitutionnelle est seule habilitée à en trancher les conflits d’interprétation, et que cette institution ne voit pas le jour pendant plus de cinq ans. Or la Cour Constitutionnelle est le complément vital à la Constitution. Ce qui revient à dire que la Tunisie se fait guider actuellement par l’humeur changeante de septuagénaires d’avant l’ère du clavier, à la barbe de cinq millions de jeunes nés à deux mètres de l’ordinateur.
Violence morale quand des minus minables commencent sur les médias à trainer dans la boue les précurseurs d’un pays qui a toujours forcé l’estime de son environnement régional et international, avec une indigence culturelle insultante, lâchées sans brides afin de miner la conscience collective et venir à bout de tout ce qui constitue ou peut constituer le socle d’une unité nationale moins vulnérable.
Violence morale encore, quand des « partis » politiques réduisent l’exercice public à une série de chamailleries de marché de quartier, consacrant les charges de l’etat comme un privilège générateur de privilèges et d’impunité, sur un mandat de cinq ans, tandis que le pays, à l’unanimité, la seule, sombre chaque jour un peu plus dans l’ingouvernable.
Violence morale encore, quand un parti se voit ravir un ou plusieurs sièges avec un score supérieur à son adversaire, grâce à une loi électorale scélérate, de l’avis de tous les constitutionnalistes de la place, une loi qui a démontré ses limites pendant cinq échéances électorales. Et on continue à faire avec, moyennant des parodies d’arrangements appelées parfois « tawafok », parfois ententes, alors qu’en réalité il s’agit de simple répartition des dividendes d’un pouvoir corrompu par les lobbies et les groupes de pression qui se partagent le pays depuis son indépendance.
Violence morale quand la société vit dans sa chair et voit dans la rue les injustices grandeur nature qui minent jusqu’aux rapports interindividuels dans la même famille, multipliant les crimes de sang à des niveaux jamais atteints.
Bref, l’injustice est la pire des violences morales faites à notre peuple. Erigée comme on le voit en choix politiques reposant sur des fuites en avant préférant l’endettement à la production, l’importation à la création, la Tunisie amorce vraisemblablement la phase la plus critique de son histoire contemporaine. Il va sans dire que la sagesse des vieux n’est plus d’aucun secours pour calmer les ardeurs d’une jeunesse qui commence peu à peu à réfléchir, afin de remettre, de force s’il le faut, les pendules à l’heure… de la reconstruction des valeurs. Trouveront-ils un vieux sage pour les « encadrer » ? Je ne l’espère pas !