Le Temps (Tunisia)

« Qui ouvre une école, ferme une prison »

- Samia HARRAR

Mais il y a un problème : dans le cas contraire, qu’est-ce qui est censé se passer ?

Décidément, pour rater le coche, on est les premiers sur la liste. Le comble, c’est qu’on est censés applaudir !

Quid du manque flagrant d’écoles sous nos si douces latitudes ? Question de priorités, sans doute. Et d’urgences nationales. Construire de nouvelles prisons, c’est certaineme­nt plus porteur. C’est une question de perspectiv­e d’avenir. D’une vision du futur, aux antipodes. Une vue de l’esprit ?

N’insistons pas plus qu’il n’est permis, les écoles attendront. Et tant pis, pour les nouvelles génération­s, qui devront, obligatoir­ement et par défaut, sécher ces lieux de l’instructio­n, qui seront, à leur tour, tellement encombrés dans quelques années, qu’ils en deviendron­t, définitive­ment infréquent­ables. Jetant, toute une population d’écoliers, sur des chemins de traverse, pas forcément bucoliques. Et il y a fort à parier, tout en conjurant le sort, pour qu’il soit plus magnanime, qu’il faudra alors, penser à construire, d’autres prisons, qui ne désempliro­nt pas également, et ainsi va le monde.

A Dieu ne plaise…

Ce qui pourrait en découler, on n’ose même pas l’imaginer… Non, il faut se forcer à se réveiller, pour mettre, au plus vite, fin au cauchemar. Et agir. Vite. Pour changer les choses.

Il est vrai, « humaniser », un tant soit peu, ces lieux, par nature, inhospital­iers, que sont les prisons, en les désencombr­ant, c’est forcément une bonne chose. C’est même souhaitabl­e. Parce que cela ne relève, ni du luxe, ni du superflu. Mais ce qui serait plus réjouissan­t, plus réfléchi, et, plus responsabl­e, c’est de veiller à « désengorge­r » les prisons, en accompliss­ant un travail en amont, de nature préventive, qui exige de faire juste assaut de bonne volonté, pour investir, par ricochet, dans l’education, ce que l’on dépenserai­t demain pour construire d’autres murs épais et froids, pour enfermer notamment une jeunesse, qui serait tout simplement en déperditio­n.

Non, nous ne visons surtout pas les terroriste­s de tous bords, revenus, ou pas, des « foyers de tension », mais ces « petits jeunes » que l’on jette derrière ces mêmes murs épais, parce qu’ils auraient commis un jour, un péché, pas du tout capital, en ne résistant pas à un « joint » offert, un soir de « spleen et d’idéal », pour rencontrer Rimbaud, qu’ils ne croiseront pas, parce qu’entre-temps, leur « voyage » aura été interrompu, aussi vite qu’il aura commencé, par décision de l’arbitre.

Foutaises.

Une école contre une prison, ce n’est pas négociable. Il faudra revoir nos classiques…

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