Le Temps (Tunisia)

L'accord de partage du pouvoir au Yémen reste lettre morte

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Le chef des séparatist­es dans le sud du Yémen, Aidarous al-zoubeïdi, met en garde contre l'"effondreme­nt" de l'accord de partage du pouvoir avec le gouverneme­nt, lettre morte depuis sa signature il y a plus de deux mois à Ryad. Dans un entretien à Aden, l'homme fort du sud du Yémen, à la tête du Conseil de transition du sud (STC), affirme que l'accord est menacé par l'action des islamistes et la crise économique.

Il s'agit d'une des rares interviews accordées à un média internatio­nal par M. Zoubeïdi, qui a reçu à Aden dans son bureau décoré du drapeau de l'ancien Yémen du sud, un Etat indépendan­t avant 1990.

L'accord, parrainé par l'arabie saoudite, a été signé le 5 novembre avec un calendrier d'applicatio­n de 90 jours, et a mis fin aux affronteme­nts armés de l'été 2019 entre les forces du STC et celles du gouverneme­nt.

Il prévoit notamment un gouverneme­nt national de 24 membres dont la moitié reviendrai­t aux séparatist­es, qui ne sont pas représenté­s dans l'actuel cabinet.

"Le retard (dans l'applicatio­n de l'accord) est le fait de ceux qui au gouverneme­nt n'en veulent pas: les Frères musulmans du parti alislah", accuse M. Zoubeïdi, qui porte des lunettes à fine monture et une barbichett­e.

Le STC est faroucheme­nt hostile aux Frères musulmans du parti alislah, associé au gouverneme­nt du président Abd Rabo Mansour Hadi, qui vit en exil à Ryad et qui est soutenu par l'arabie saoudite.

"Les menaces (pesant sur l'accord) sont nombreuses et la plus importante est l'activité des organisati­ons terroriste­s, notamment celles des Frères musulmans", accuse-t-il.

L'hostilité entre le STC et le parti al-islah explique la proximité du STC avec les Emirats arabes unis, qui pratiquent une politique de tolérance zéro à l'égard de la confrérie à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.

Les Emirats ont formé et équipé militairem­ent les forces du STC connues sous le nom des unités du "Cordon de sécurité".

"Ces organisati­ons (islamistes) menacent l'accord de Ryad parce qu'elles sont des organisati­ons terroriste­s qui vont commettre des actes terroriste­s, ce qui peut conduire à l'effondreme­nt de l'accord", insiste-t-il.

La mauvaise situation économique dans le Sud est l'autre facteur qui pèse, selon lui, sur la bonne mise en oeuvre de l'accord de Ryad. "La monnaie yéménite (le riyal) souffre d'une forte dépréciati­on, ce qui pourrait nous conduire à adopter dans quelques mois la monnaie saoudienne ou le dollar", prédit M. Zoubeïdi.

Selon lui, résoudre "la situation humanitair­e est très important" pour le STC, alors que le Yémen est dévasté par cinq ans de conflit, qui a entraîné la pire crise humanitair­e au monde actuelleme­nt, selon L'ONU.

"Il y a une pénurie des produits alimentair­es, les dépôts sont vides et les stocks ne couvrent pas les besoins pour dix jours, en plus du retard pris dans le versement des salaires", regrette-t-il.

Il a lancé un appel à l'aide à la communauté internatio­nale et en particulie­r à l'arabie saoudite, qui mène une coalition militaire au Yémen tout en apportant une importante assistance humanitair­e au Yémen.

"Nous sommes attachés à l'accord de Ryad et nous déployons de grand efforts, sous la direction de l'arabie saoudite, pour garantir son succès et établir la paix dans la région", assure M. Zoubeïdi.

Le chef séparatist­e a fédéré ceux qui, dans le Sud, ont refusé de surseoir à la revendicat­ion de l'indépendan­ce en raison de la guerre contre les rebelles Houthis.

Ces derniers, qui ont l'appui de l'iran, se sont emparés en 2014 de la capitale Sanaa et d'une bonne partie du nord du pays. Gouverneme­nt et séparatist­es sont dans le camp antirebell­e, ce qui n'a pas empêché leurs divergence­s de dégénérer en conflit armé en 2018, puis une nouvelle fois en août dernier.

"Nous n'aspirons pas pour le moment à l'indépendan­ce mais nous voulons avoir le droit d'être associé, en tant que sudistes, à la délégation qui doit négocier (la paix au Yémen) sous l'égide des Nations unies", souligne M. Zoubeïdi.

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