Le Temps (Tunisia)

Aly Aissa, le documentai­re d’une vie

«L’homme devenu musée», de Marwen Trabelsi, projeté prochainem­ent à Dakar

- Hatem BOURIAL

Depuis 2009, Marwen Trabelsi caresse le projet de réaliser un film sur le parcours de l’artiste Ali Aissa. Réalisé en 2019, son film «L’homme devenu musée» est une oeuvre puissante et toutes en nuances de sens. Après Carthage et Khouribga, le film sera projeté à Dakar. Produit par Kantaoui Films et réalisé par Marwen Trabelsi, «L’homme devenu musée» est une introspect­ion, une plongée au coeur d’un personnage dont la vie aura ressemblé à un rêve.

Depuis 2009, Marwen Trabelsi caresse le projet de réaliser un film sur le parcours de l'artiste Ali Aissa. Réalisé en 2019, son film "L'homme devenu musée" est une oeuvre puissante et toutes en nuances de sens. Après Carthage et Khouribga, le film sera projeté à Dakar.

Produit par Kantaoui Films et réalisé par Marwen Trabelsi, "L'homme devenu musée" est une introspect­ion, une plongée au coeur d'un personnage dont la vie aura ressemblé à un rêve. A la fois très personnel en termes de démarche et complèteme­nt documentai­re en termes de regard sur un parcours, ce film est pleinement dans la méthode de Marwen Trabelsi qui en une heure parvient à camper un personnage, son univers et ses illusions.

Un artiste raconte son personnage

Dans ce film, un artiste qui a eu ses riches heures à la fin des années 1970, se dévoile et en quelque sorte écrit son testament devant la caméra. Les dernières volontés de Ali Aissa, décédé depuis, consistaie­nt entre autres à faire don de ses oeuvres au ministère des Affaires culturelle­s et de ses organes à la science. Cet homme de 81 ans a passé ses derniers jours dans une maison de banlieue qui, un temps, abrita le Dôme des Arts, une galerie ayant vécu durant les années 1980.

Dans cet espace habité par le rêve, Ali Aissa évoluait dans une réalité qui lui était propre, entouré d'oeuvres, d'objets, de tout ce qu'une vie peut amasser. La scène artistique se souvient de ce personnage haut en couleurs, devenu dans ce film un personnage de cinéma. C'est là que réside le tour de force de Marwen Trabelsi. Le réalisateu­r réussit d'abord à créer un décalage entre le rêve et lea réalité, entre la vie véritable de l'artiste et celle rêvée, fantasmée en quelque sorte. Trabelsi parvient à filmer cette dichotomie, cette complexité de l'homme qui est en face de la caméra.

C'est ainsi que le film accouche d'un personnage pétri de réel. Trabelsi parvient à sublimer la vie et les mots de son interlocut­eur qui lui se lance dans un exercice périlleux qui consiste à se souvenir tout en se projetant dans son propre double. C'est un peu l'univers théâtral d'artaud qui surgit à l'aune de cette réalité des mots-rêves de Ali Aissa. C'est aussi un effet de distanciat­ion des plus subtils qu'instaure Marwen Trabelsi en opérant plusieurs translatio­ns de sens, en allant du Ali Aissa qui lui parle au Ali Aissa qui se rêve à haute voix. Enfin, le réalisateu­r nous projette dans une dialectiqu­e entre un homme et un espace. Tourné dans l'atelier qui est à la fois une demeure et une galerie, où se superposen­t des décennies de projets et de souvenirs, le film n'en est que plus poignant car il montre l'espace dans ce qui est à la fois dérisoire et prométhéen.

La part de l'onirique et celle du documentai­re

Le film participer­a-t-il à la mythificat­ion de l'artiste Ali Aissa? Viendra-t-il pallier l'oubli où a été confiné cet artiste durant les dernières années de sa vie? Il est trop tôt pour se prononcer à ce sujet et par ailleurs, Trabelsi ne s'est pas encore véritablem­ent exprimé sur ce point précis. Ce qui par contre, relève de l'évidence, c'est que ce film se distingue dans la lignée des documentai­res consacrés à des artistes. Il brille en effet par son originalit­é, son traitement esthétique et le fait qu'à aucun moment, il ne s'égare dans l'hagiograph­ie du personnage.

Film-bilan, film-témoin aussi, "L'homme devenu musée" fait la part de l'onirique et de l'art. C'est certaineme­nt ce qui explique le bon accueil qui a été réservé à ce film aussi bien lors des Journées cinématogr­aphiques de Carthage qu'au cours du Festival de Khouribga au Maroc. Enfin, le fait que le tournage ait duré quatre ans et que le cinéaste est lui même plasticien ajoute une valeur supplément­aire à un film qui restitue la mémoire d'un artiste iconoclast­e. Notons que "L'homme devenu musée" sera prochainem­ent projeté à Dakar et entame ainsi une carrière internatio­nale qui devrait faire résonner aux quatre vents le message de Ali Aissa.

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