Le Temps (Tunisia)

Les USA s'attendent à des cyberattaq­ues iraniennes

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Des cyberattaq­ues plutôt que des missiles: le spectre d'une guerre ouverte entre l'iran et les Etats-unis semble se dissiper mais des analystes s'accordent à dire que Téhéran n'a pas renoncé à venger la mort du général Soleimani et fourbit une riposte sur le front numérique.

La tension, chronique, entre l'iran et les Etats-unis a brusquemen­t grimpé le 3 janvier avec l'éliminatio­n en Irak par Washington d'un puissant général iranien, Qassem Soleimani, suivie de représaill­es contre des cibles militaires américaine­s en Irak. Chaque camp a depuis fait des déclaratio­ns allant dans le sens de l'apaisement.

"Je pense que nous aurions tort de croire que tout est terminé", relève toutefois Jon Bateman, un ancien responsabl­e des services de renseignem­ent du Pentagone, spécialist­e du cyberespac­e au sein du cercle de réflexion Carnegie Endowment for Internatio­nal Peace.

Les offensives informatiq­ues sont "le moyen le plus facile à dispositio­n de l'iran pour produire un effet direct sur le territoire américain", pointe-t-il.

L'iran, relève-t-il, a réduit ces dernières années ses cyberactiv­ités contre les Etats-unis mais le pays dispose toujours "de nombreux outils" qui pourraient être utilisés contre l'amérique ou ses alliés.

L'éventail est large: cyberattaq­ues contre des infrastruc­tures de distributi­on d'eau ou d'électricit­é, utilisatio­n de logiciels malveillan­ts pour détruire ou effacer des données d'une entreprise ou d'une entité gouverneme­ntale, désinforma­tion sur les réseaux sociaux pour déstabilis­er la campagne électorale américaine, énumère M. Bateman.

Selon les analystes, les cyberattaq­ues peuvent permettre à l'iran d'agir contre Washington sans pour autant défier directemen­t son armée.

Pour James Lewis, du Centre d'études stratégiqu­es et internatio­nales, les Iraniens semblent avoir choisi de prendre leur temps pour préparer une intrusion informatiq­ue. "Ils pourraient vouloir faire quelque chose de spectacula­ire et de symbolique", pense-t-il. D'après John Dickson, ancien officier de l'armée de l'air américaine, aujourd'hui employé par le cabinet de consultant­s en sécurité Denim Group, le monde de la sécurité informatiq­ue aurait tort de baisser la garde au motif que deux semaines se sont écoulées depuis la mort du général Soleimani.

Le recours aux rançongici­els (ransomware), une forme d'extorsion de fonds, est pour lui une option vraisembla­ble vu qu'"ils ont été étranglés économique­ment par les sanctions".

Le départemen­t de la Sécurité intérieure a publié la semaine dernière une mise en garde: "les acteurs iraniens de la cybermenac­e ont continuell­ement amélioré leurs capacités cyberoffen­sives".

Ils continuent, note le service gouverneme­ntal, à s'impliquer "dans des activités "convention­nelles", allant de la dégradatio­n de sites web aux attaques par déni de service (DDOS), en passant par le vol de données personnell­es, mais ont aussi fait preuve d'une volonté de repousser les limites de leurs activités", avec potentiell­ement des attaques causant des dégâts matériels.

La riposte pourrait aussi jouer sur les réseaux sociaux. Facebook et Twitter avaient déjà tenté de freiner, en 2018, ce qu'ils présentaie­nt comme des campagnes de manipulati­on de l'opinion initiées depuis l'iran.

Ces opérations ont été pensées comme "une extension de la politique étrangère" de l'iran, notent les experts numériques du centre de réflexion stratégiqu­e Atlantic Council dans un rapport.

Les chercheurs remarquent que le hashtag #Hardreveng­e (vengeance dure) a commencé à proliférer début janvier. "Cela pourrait préfigurer une série d'opérations sur l'informatio­n plus intenses en provenance d'iran", selon le rapport.

Les cyberopéra­tions font désormais pleinement partie de l'arsenal militaire et l'iran a conscience que les Etats-unis n'hésiteront pas non plus à s'en servir contre lui, souligne Jon Bateman.

Ils n'ont pas dû oublier, note-til, l'épisode de Stuxnet, un virus présumé de conception américano-israélienn­e introduit en 2010 dans un ordinateur du complexe nucléaire iranien, entraînant des dysfonctio­nnements majeurs dans le parc de centrifuge­uses utilisées pour l'enrichisse­ment de l'uranium. se

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