Le Temps (Tunisia)

Mémoires de «Damous Essayda»

Librairie Mille Feuilles

- Hatem BOURIAL

Avec ses photograph­ies, Faiza Ben Hadj Yahia revient vers le quartier de son enfance et le fait renaître comme en suspension, entre réalité crue et devoir de mémoire. A la librairie Mille Feuilles du 25 janvier au 8 février, avec la complicité du Centre d’arts vivants de Radés.

Avec ses photograph­ies, Faiza Ben Hadj Yahia revient vers le quartier de son enfance et le fait renaître comme en suspension, entre réalité crue et devoir de mémoire. A la librairie Mille Feuilles du 25 janvier au 8 février, avec la complicité du Centre d'arts vivants de Radés. Les photograph­ies de Faiza Ben Hadj Yahia sont un regard posé sur la scène de son enfance, entre Montfleury, Essayda et les quartiers environnan­ts. L'artiste vient chercher des éclats de mémoire, des bribes de son propre passé et tente ainsi de s'immerger dans des sensations anciennes et un univers familier mais désormais lointain.

La mémoire des lieux et la distorsion du regard

Comme l'écrit fort à propos Imed Jemaiel, "une mémoire ne se restitue pas, elle s'invente". Et c'est dans cet esprit créatif que la photograph­e a envisagé cette collection du retour aux sources. Comme le souligne Jemaiel dans le catalogue de l'exposition, Faiza est revenue sur les lieux de son enfance, dans le quartier où elle est née et a coupé dans la chair de cette doublure artificiel­le de la réalité.

A l'instar d'un couturier, elle s'est taillé une vêture de pièces rapportées à la démesure de son monde perdu. Maisons, portes et fenêtres, clôtures, arbres et buissons, rues, trottoirs et pavés, passants et résidents. Dans sa tête, rien de tout cela ne correspond aux lois physiques des matériaux".

C'est bien cet état second, cette hallucinat­ion qui porte le projet de Faiza Ben Hadj Yahia. Face à la pesanteur du monde, les ailes de l'enfance semblent repousser.

La photograph­e nimbe de mystère ce quartier qui en devient quasiment irréel, comme projeté dans un entre-deux virtuels qui s'épanouit entre la mémoire de l'artiste et la distorsion de son regard. Jeu d'équilibris­te, cette collection de photos est un retour tonitruant sur la scène de l'enfance, sur cet espace-temps insécable de la conscience de soi. Dans cet exercice, l'artiste semble avoir trouvé les ressorts imaginaire­s pour porter sa démarche et de fait ce que l'oeil voit est un reflet comme fantasmé d'un réel qui a eu le temps de changer.

Ce désarroi teinté de bonheur que nous nommons "nostalgie"

Ces retours sont toujours accompagné­s d'une charge affective qui ne demande qu'à s'exprimer. Pour "Damous Essayda", l'artiste va dans cette direction, à la recherche de ce qu'elle fut et de ce qui fut et continue à s'écouler. On serait tenté de dire qu'on ne baigne jamais deux fois dans le même quartier, que le passage du temps est toujours subreptice mais implacable et que certaines couleurs peuvent être à la fois celles de l'aube et du crépuscule. Comme une madeleine de Proust, la collection de photograph­ies se prête à la rêverie et aux réminiscen­ces. Ce monde retrouvé le temps d'un déclic s'échappe à son tour, laissant le photograph­e dans cette sorte de désarroi teinté de bonheur fugace que nous nommons nostalgie.

Une collection à découvrir en même temps que la librairie Mille Feuilles qui accueille cette exposition du 25 janvier au 8 février.

Avec le même talent, Lotfi El Hafi et Amina Hamrouni font vivre cette enclave littéraire qui reste toujours ouverte sur les arts et fidèle à ses partenaire­s. En effet, d'une banlieue à l'autre, c'est toujours à Mille Feuilles que les pensionnai­res du Centre d'arts vivants de Radès viennent exposer leurs travaux. Dès lors, mettons nos pas dans ceux de Faiza Ben Hadj Yahia et répondons à cette invitation à pénétrer les méandres labyrinthi­ques de ce tunnel de la mémoire qui traverse Essayda et ses environs.

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