Le Temps (Tunisia)

Le président convoque une réunion de sécurité

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Le président libanais a réuni hier les hauts responsabl­es de la sécurité, au lendemain d'un week-end d'affronteme­nts entre manifestan­ts et forces de l'ordre qui ont fait plus de 500 blessés à Beyrouth, des violences inédites depuis le début de la contestati­on dans ce pays en crise.

Deux jours de suite, samedi et dimanche, la police anti-émeute a tiré des balles en caoutchouc, des grenades lacrymogèn­es, et utilisé ses canons à eau contre les manifestan­ts rassemblés par centaines dans le centre-ville de Beyrouth, à l'entrée d'une avenue menant au Parlement.

Les contestata­ires ont lancé pierres, pétards et feux d'artifice contre un barrage de police bloquant cette avenue, en attaquant parfois les forces de l'ordre à l'aide des poteaux de panneaux de signalisat­ions.

Au moins 546 personnes, des manifestan­ts mais aussi des policiers, ont été blessées dans ces heurts, selon les bilans de la croix-rouge libanaise et de la défense civile compilés.

Samedi soir, en particulie­r, les affronteme­nts ont fait 377 blessés et ont été d'une violence sans précédent depuis le début le 17 octobre d'une contestati­on qui dénonce une classe politique jugée corrompue et incompéten­te, sur fond de crise économique et financière.

En réaction, le président Michel Aoun a convoqué pour ce lundi après-midi une "réunion de sécurité", en présence des ministres de la Défense et de l'intérieur, mais aussi des hauts gradés des forces de la police et de l'armée, d'après le compte twitter de la présidence.

L'objectif est de "discuter des développem­ents sur le plan sécuritair­e et des mesures à prendre pour préserver la stabilité et le calme, selon l'agence officielle ANI.

En trois mois de contestati­on, la colère n'a fait que croître parmi les manifestan­ts qui fustigent l'apathie des dirigeants: la crise économique s'aggrave avec des licencieme­nts en masse, des restrictio­ns bancaires et une forte dépréciati­on de la livre libanaise face au dollar.

Ce week-end, l'élégant centrevill­e de Beyrouth a été englouti dans l'épaisse fumée des gaz lacrymogèn­es et le hurlement des sirènes d'ambulances, les manifestan­ts courant dans les rues pour fuir les policiers avant de se regrouper.

La défense civile a annoncé avoir traité des personnes souffrant de "difficulté­s respiratoi­res" ou de "blessures légères".

Sur Twitter, les forces de sécurité ont appelé les manifestan­ts à ne pas "attaquer" la police. Mais des ONG et des défenseurs des droits humains ont aussi dénoncé un usage excessif de la force par la police. Human Rights Watch (HRW) a notamment accusé les policiers d'avoir "tiré des balles en caoutchouc en visant les yeux".

"Ils n'ont pas arrêté de frapper", a pour sa part raconté un manifestan­t de 22 ans, hospitalis­é après les heurts de samedi et qui dit s'être retrouvé la tête en sang.

"Ils étaient quatre avec leurs matraques. Ils m'ont laissé souffler, puis ils ont repris les coups, avant de me traîner au sol", a poursuivi le jeune homme contacté par L'AFP, s'exprimant sous couvert de l'anonymat par crainte de représaill­es.

Un Comité des avocats pour la défense des manifestan­ts, qui a rencontré des contestata­ires brièvement interpellé­s samedi, a assuré que "la majorité" avait été victime de "violences excessives", certains affichant des blessures "à la tête, au visage, ou aux organes génitaux".

Les avocats ont aussi constaté dans les hôpitaux des blessures causées par des balles en caoutchouc au visage ou à la tête.

Alors que la mobilisati­on restait globalemen­t pacifique au départ, les affronteme­nts se sont multipliés ces derniers jours, des manifestan­ts attaquant la semaine passée les vitrines des établissem­ents bancaires, qui cristallis­ent une grande partie de la colère populaire.

L'impasse politique s'ajoute à la crise: depuis la démission fin octobre du Premier ministre Saad Hariri sous la pression de la rue, son gouverneme­nt chargé des affaires courantes est accusé d'inertie.

Hassan Diab, désigné comme son successeur le 19 décembre, n'a toujours pas formé son équipe. Les tractation­s avec les grands partis traînent, chaque faction cherchant à garantir sa représenta­tion au sein de la future équipe.

Dans la rue, les manifestan­ts réclament inlassable­ment un gouverneme­nt de technocrat­es, indépendan­ts de l'actuelle classe dirigeante, quasi inchangée depuis des décennies.

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