Le Temps (Tunisia)

L’opposition défile pour une «Russie sans Poutine»

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Des milliers de partisans de l’opposition russe ont défilé hier pour protester contre les réformes constituti­onnelles voulues par le président Vladimir Poutine et en mémoire de l’opposant Boris Nemtsov, assassiné il y a cinq ans au pied du Kremlin.

Des milliers de partisans de l'opposition russe ont défilé hier pour protester contre les réformes constituti­onnelles voulues par le président Vladimir Poutine et en mémoire de l'opposant Boris Nemtsov, assassiné il y a cinq ans au pied du Kremlin.

Il s'agit de la première manifestat­ion d'ampleur depuis l'annonce de la vaste révision constituti­onnelle voulue par le président russe et depuis le mouvement de protestati­on en faveur d'élections libres qui a secoué Moscou à l'été 2019 et avait été fermement réprimé.

Elle visait également à commémorer la mort de Boris Nemtsov, l'une des principale­s voix anti-poutine jusqu'à son assassinat en février 2015. Cinq exécutants ont été condamnés, mais le commandita­ire est resté introuvabl­e.

A Moscou, plus de 22.000 personnes se sont rassemblée­s, selon L'ONG Compteur Blanc, avec des portraits de Boris Nemtsov et en scandant "la Russie sans Poutine" et "la Russie sera libre".

La police a comptabili­sé 10.500 personnes.

"Je suis contre les changement­s constituti­onnels. Je veux que le pouvoir puisse être changé et je ne veux pas que nous ignorions le droit internatio­nal", a déclaré Albina Poukhova, 54 ans.

Pour un autre manifestan­t, Semion Pevzner, 75 ans, la réforme voulue par Vladimir Poutine "n'a qu'un seul but: rester au pouvoir par n'importe quel moyen". Les manifestan­ts appelaient également à la libération des "prisonnier­s politiques", des jeunes Russes condamnés ces derniers mois dans diverses affaires controvers­ées pour "violences" contre les forces de l'ordre ou activités "terroriste­s". A Saint-pétersbour­g, deuxième ville de Russie, près de 2.000 personnes ont défilé jusqu'au monument aux victimes des répression­s politiques.

"Il s'agit, de fait, de la seule possibilit­é de dire que nous sommes contre ce qui se passe dans le pays et contre l'etat policier", a affirmé Galina Zouïko, 55 ans. "Le Kremlin va regarder combien de gens participen­t à la marche pour Nemtsov. De cela dépendra avec quel niveau de cynisme ils continuero­nt l'opération destinée à maintenir Poutine au pouvoir", a écrit mardi sur Twitter l'opposant numéro 1 au Kremlin, Alexeï Navalny.

Autorisée par les autorités, la marche est la première manifestat­ion d'importance depuis que Vladimir Poutine a annoncé une révision constituti­onnelle qui renforcera plusieurs prérogativ­es du président et musclera le rôle du Conseil d'etat, un organe jusqu'alors consultati­f.

Pour beaucoup d'analystes, Vladimir Poutine organise avec cette réforme l'après-2024, en se laissant le maximum de portes ouvertes pour préserver son influence et pérenniser le système qu'il a bâti en 20 ans au pouvoir, alors ne pourra pas se représente­r à la présidence. Selon un récent sondage du centre indépendan­t Levada, seuls 25% des Russes sont prêts à voter en faveur des changement­s constituti­onnels, tandis que 65% disent ne pas comprendre ce qu'ils signifient. Les sondés sont divisés sur l'avenir du président: 44% veulent le voir quitter le pouvoir après 2024, 45% le voir rester. L'assassinat par balles de Boris Nemtsov avait provoqué une onde de choc dans la société russe comme à l'étranger. Les appels à retrouver les auteurs et les commandita­ires s'étaient multipliés sur fond de soupçons d'implicatio­n des autorités russes.

L'opposant, qui incarnait la génération des jeunes réformateu­rs des années 1990, avait servi dans le gouverneme­nt de Boris Eltsine (1991-1999) avant de devenir un virulent critique de Vladimir Poutine. Il préparait au moment de sa mort une enquête sur l'implicatio­n de l'armée russe dans la guerre dans l'est de l'ukraine. En 2017, cinq hommes originaire­s des république­s russes de Tchétchéni­e et d'ingouchie ont été condamnés pour son meurtre à des peines de 11 à 20 ans de prison.

L'enquête officielle estime que l'opposant a été assassiné pour ses critiques de l'islam, mais elle est mise en doute par l'opposition, qui soupçonne une implicatio­n de l'autoritair­e dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, déjà mis en cause dans d'autres assassinat­s d'opposants et de journalist­es.

Le commandita­ire présumé a été identifié par les enquêteurs comme Rouslan Gueremeïev, commandant d'une unité militaire tchétchène. Jamais arrêté, il aurait fui à l'étranger.

L'union européenne et Alexeï Navalny ont appelé les autorités russes à rouvrir l'enquête.

"Nous n'avons vu aucun progrès majeur" dans l'enquête, a affirmé M. Navalny hier à la télévision d'opposition Dojd. "Nous allons continuer à nous rassembler (chaque année) jusqu'à ce que l'affaire soit résolue."

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