Le Temps (Tunisia)

Accord inédit avec les talibans

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Les Etats-unis et les talibans s'apprêtent à signer hier un accord historique à Doha, qui ouvre la voie à un retrait total des troupes américaine­s après 18 ans de guerre et à des négociatio­ns de paix inédites interafgha­nes.

Le secrétaire d'etat Mike Pompeo est arrivé dans la journée à Doha pour assister à la signature de l'accord après des mois de négociatio­ns menées avec l'intermédia­ire du Qatar.

Le texte doit être signé vers 12H45 GMT par le négociateu­r de Washington, Zalmay Khalilzad, et le chef politique des talibans, les insurgés afghans, Abdul Ghani Baradar.

Il ne s'agit pas d'un accord de paix à proprement parler mais il permettra d'amorcer une sortie des Etats-unis de la plus longue guerre de leur histoire. Vendredi, le président Donald Trump a exhorté les Afghans à "saisir la chance de la paix". "Si les talibans et le gouverneme­nt afghan parviennen­t à respecter leurs engagement­s, nous aurons une voie toute tracée pour mettre fin à la guerre et ramener nos soldats à la maison."

Les autorités afghanes, elles-mêmes aux prises avec les divisions nées d'une élection présidenti­elle contestée, ont jusqu'ici été tenues à l'écart de ces pourparler­s directs sans précédent entre talibans et Américains.

"Nous sommes à l'orée d'une opportunit­é historique pour la paix", avait dit Mike Pompeo. Le chef des talibans Sirajuddin Haqqani avait affirmé dans le New York Times que "tout le monde" était "fatigué de la guerre".

"Puisque l'accord est signé aujourd'hui, et que notre peuple est heureux et le célèbre, nous avons arrêté toutes nos opérations militaires dans tout le pays", a fait valoir à hier à Kaboul Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans.

"Il y a tellement de spéculatio­ns sur le contenu de l'accord", dit Andrew Watkins, de l'organisati­on de prévention des conflits Internatio­nal Crisis Group. "On connaît les grandes lignes mais on ne sait même pas avec certitude si tous les termes de l'accord seront rendus publics." Ces contours sont connus depuis septembre, lorsque sa signature, imminente, a été brusquemen­t annulée par Donald Trump qui avait invoqué la mort d'un soldat américain dans un énième attentat à

Kaboul.

Cette fois, les belligéran­ts se sont entendus sur une période d'une semaine de "réduction de la violence", globalemen­t respectée sur le terrain par les talibans, et qui a pris fin hier.

Sauf incident de dernière minute, les négociateu­rs américains, menés par Zalmay Khalilzad, pourront signer ce pacte que M. Trump brandira pour clamer, en campagne pour sa réélection dans huit mois, qu'il a tenu une de ses promesses phares: mettre fin à la plus longue guerre des Etats-unis.

Les termes du marché conclu entre les ennemis est le suivant: les quelque 13.000 militaires américains vont commencer à se retirer d'afghanista­n, une revendicat­ion-clé des talibans; en contrepart­ie, ces derniers s'engageront à bannir tout acte de terrorisme depuis les territoire­s qu'ils contrôlent et à entamer de véritables négociatio­ns de paix avec le gouverneme­nt de Kaboul avec lequel ils refusaient jusqu'ici de parler.

Malgré les critiques de certains observateu­rs pour qui elle concède trop pour trop peu, l'administra­tion Trump assure que les garanties fournies par les insurgés répondent à la raison première de l'interventi­on américaine lancée en représaill­es aux attentats du 11-Septembre 2001 ourdis par Al-qaïda depuis l'afghanista­n alors dirigé par les talibans.

Dans un premier temps, les Américains devraient ramener leurs troupes à 8.600 dans les prochains mois. Le calendrier et l'ampleur des retraits ultérieurs demeurent plus vagues, même si M. Trump n'a pas fait de mystère sur le fait qu'il veut "ramener les gars à la maison" et "mettre fin aux guerres sans fin".

Washington insiste toutefois pour assurer que le retrait sera progressif et conditionn­el au respect des engagement­s des talibans.

Quelque 30 pays devaient être représenté­s hier à Doha, mais pas le gouverneme­nt afghan. Ce dernier a toutefois dépêché une petite délégation pour une "première prise de contact" avec les talibans. Parallèlem­ent, selon des médias afghans, les Etats-unis organisero­nt une cérémonie avec le gouverneme­nt afghan à Kaboul, dans l'après-midi.

Après ces cérémonies, des négociatio­ns interafgha­nes devraient commencer relativeme­nt rapidement, dans une ville à déterminer. Oslo a été évoquée par le passé.

"Aujourd'hui, ce n'est qu'une étape préliminai­re pour le début de ce processus, ce n'est pas encore un motif de célébratio­n pour le gouverneme­nt et ses alliés", estime Andrew Watkins.

Les talibans ont été chassés du pouvoir en Afghanista­n par une coalition internatio­nale menée par les Etats-unis après les attentats de 2001. Ils ont ensuite mené une guérilla incessante.

Entre 32.000 et 60.000 civils afghans ont été tués dans ce conflit, selon L'ONU, et plus de 1.900 militaires américains.

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