Mal de mères… infanticides !
Mythologie, littérature, théâtre, peinture : l’infanticide est un thème récurrent. Ici-bas, c’est un acte choquant. Révoltant. Horrible ! Tabou… Tunisie post-révolution, l’infanticide se fait de moins en moins rare ; « exalté » sur fond d’une crise sociale, sans précédent, qui traumatise le pays, voilà déjà plusieurs années. Tantôt
refoulé, tantôt en sourdine, tantôt dénoncé, quoique timidement et seulement à chaud, le phénomène –car ç’en est devenu un- commence à déborder. Faute d’advertance, ce n’est jamais trop tard d’en parler.
Mythologie, littérature, théâtre, peinture : l’infanticide est un thème récurrent. Ici-bas, c’est un acte choquant. Révoltant. Horrible ! Tabou… Tunisie post-révolution, l’infanticide se fait de moins en moins rare ; « exalté » sur fond d’une crise sociale, sans précédent, qui traumatise le pays, voilà déjà plusieurs années. Tantôt refoulé, tantôt en sourdine, tantôt dénoncé, quoique timidement et seulement à chaud, le phénomène –car ç’en est devenu un- commence à déborder. Faute d’advertance, ce n’est jamais trop tard d’en parler.
Dans les égouts, dans les poubelles, sur le trottoir, ou dans un coin de la rue, il est devenu aujourd’hui quasi-probable, pour ne pas dire plausible, de croiser, de temps à autre, en passant, en furetant ou au pied levé, la dépouille humaine d’un bébé, jetée délibérément par une maman lambda, poussée, selon toute apparence, dans ses derniers retranchements, dont elle a le secret.
Pas plus tard que la semaine dernière, le cadavre d’un nouveau-né a été découvert, en plein centre-ville de Bizerte, dans un conteneur à déchets ; entendez la poubelle, dite municipale, dégoûtante, toujours débordante, et qui pue, matin et soir, les ignominies sordides et les tares nauséabondes des bas-fonds de la société. Deux jours après, un autre cadavre de nouveau-né a été trouvé dans un autre conteneur à déchets, cette fois-ci à Jébeniana, dans le gouvernorat de Sfax. Corona-panique et bébégouvernement obligent, les deux « faits-divers » passent totalement inaperçus…
Cherche bébé... dans une poubelle !
Mais est-ce une raison pour crier carrément au phénomène ? En tout cas, lorsque l’on « fouine » un peu dans les archives récentes –et davantage dans les poubelles ?-, il y a lieu à se demander, effectivement, si la nouvelle : « bébé trouvé dans une poubelle », devient aujourd’hui, on ne peut plus triviale comme information. Morceaux choisies.
Janvier 2020, un passant lambda fait tranquillement son chemin, un dimanche matin, et découvre la dépouille d’un nouveau-né, jetée dans une poubelle, à Sidi Bouzid. Mars 2019, un agent municipal fait habituellement sa randonnée, très tôt dans la matinée, et trouve un bébé encore vivant, jeté dans une poubelle, à Borj Louzir. Septembre 2018, un citoyen untel, dieu sait ce qu’il faisait dès lors dans les parages, découvre le cadavre d’un bébé, jeté dans une poubelle, à Tataouine. Place aux égouts. Décembre 2019, une mère infanticide étrangle son nourrisson et l’enfouit dans une goulotte, en pleine cour de sa maison, située à Oued Ellil. Mai 2018, une mère infanticide, dieu sait comment elle a procédé, se débarrasse de son propre bébé qui échoue finalement dans le tout-à-l’égout principal de Tourki, tout près de Hammamet. Avril 2017, une mère infanticide coupe la tête de sa fille nouvelle-née et jette son corps dans une fosse septique, à Zaghouan. Aussitôt né, aussitôt mort, on n’est pas sorti de la fange…
Chair de leur chair…
Et ce n’est pas fini. Car il y a mille et un procédés. Florilège : Janvier 2020, une maman furieuse pousse de toutes ses forces son bébé de 2 ans du haut de l’escalier d’un immeuble à Jammel, gouvernorat de Monastir. Décembre 2019, une maman impitoyable laisse son nourrisson moisir, puis mourir de froid en pleine chaussée, quelque part au Bardo. Février 2019, une maman suicidaire tue ses deux enfants âgés de 7 et de 9 ans, avant de s’immoler par le feu, à Kalaâ Sghira, gouvernorat de Sousse. Juillet 2017, une horrible « Médée », originaire de Kasserine, assassine, tour à tour, ses six enfants, tantôt étranglés, tantôt empoisonnés, tantôt enterrés vivants. Et vous parlez d’un phénomène ! Point commun entre toutes ces affaires : Une fois alertées, les autorités entreprennent toujours les constats d’usage ; n’oubliant jamais de transférer la dépouille du bébé au médecin légiste ; avant de déclencher, bien sûr, une enquête pour homicide volontaire à l’encontre de la mère infanticide ; et d’accourir, après quoi, pour filer, tout de go, l’information à une agence de presse ; laquelle s’assurera, à son tour, de répandre aux quatre vents ladite information, qui sera relayée le même jour, brève, froide, concise, par différents médias ; puis empêchée de tomber aux oubliettes, remâchée encore pendant des jours, parfois des semaines, ou à longueur d’année, par d’autres médias, plutôt têtus, plutôt tenaces, plutôt combatifs, qui mâchonnent, ruminent et recrachent « la chose », à plusieurs reprises, à plusieurs vitesses, à plusieurs mains, en pleine figure, aux visages de ceux qui, en gouvernant ce pays, bradent et brocantent, font la sourde oreille et perdent de vue toujours l’essentiel ; feignent d’oublier qu’une mère ne tue jamais son enfant, chair de sa chair, si ce n’est, forcément « en extrême urgence », pour « une bonne raison », voire par « nécessité absolue » ; après avoir tenté, certainement en vain, de lui « donner une chance » de vivre dans ce pays ; lequel, rongé depuis plusieurs années par une crise sociale des plus aigues, qui fait déchainer les plus morbides des passions, débrider les plus horribles des instincts et amplifier les plus pires (excusez le pléonasme !) des tares d’une société tunisienne qui part décidément en éclats…
Ouf ! C’est dire, en plus bref, qu’il ne faut jamais jeter le bébé avec l’eau du bain…