Plus blanc que blanc, le vote blanc !
Cette formule rapportée pour être raillée par le défunt Coluche trouve une curieuse actualité dans les débats en cours à l’assemblée des Représentants de ce peuple. A l’occasion de la soumission de ce fameux projet de loi portant amendements à la loi électorale. Nous n’allons pas nous étendre sur les dessous de son renvoi en commission. Nous allons retenir seulement dans le présent article comment les rédacteurs de ces amendements, plus alambiqués les uns que les autres, ont glissé subrepticement un crime parfait de législation qui, s’il était passé en plénière, pourrait coûter cher à la Tunisie dans le concert des nations. Il aurait été un « scandale accompli ».
Cette formule rapportée pour être raillée par le défunt Coluche trouve une curieuse actualité dans les débats en cours à l’assemblée des Représentants de ce peuple. A l’occasion de la soumission de ce fameux projet de loi portant amendements à la loi électorale. Nous n’allons pas nous étendre sur les dessous de son renvoi en commission. Nous allons retenir seulement dans le présent article comment les rédacteurs de ces amendements, plus alambiqués les uns que les autres, ont glissé subrepticement un crime parfait de législation qui, s’il était passé en plénière, pourrait coûter cher à la Tunisie dans le concert des nations. Il aurait été un « scandale accompli ».
Dans « Le temps » en date du mardi 3 mars 2020, on lit en effet ce coquet passage : « De plus, les bulletins blancs et les voix qui sont allées aux listes ayant obtenu moins de 5 pc des suffrages exprimés au niveau de la circonscription ne seront plus comptabilisés, en vertu de la modification proposée ». Quelle détente et quel smash juridique ces acrobates de L’ARP ont accompli pour sortir une telle horreur !
Comment improviser une poubelle « légale » ?
Quel que soit le mode scrutin, l’acte du vote consiste en deux cas de figures : Ou bien le vote (pour ou contre), ou bien l’abstention. Le vote blanc, lui, fait partie de la première catégorie. C’est un vote, c’est-à-dire un exercice volontaire, libre et secret, qui engage entièrement la personne du citoyen. Selon la proposition, les « rédacteurs» de l’amendement n’ont trouvé mieux que d’assimiler le vote blanc à d’autres votes rendus « inutiles » dans la comptabilisation des résultats. Une première en droit constitutionnel, et en droit tout court. Mais elle cache un malaise certain chez ces rédacteurs, qui n’ont pu s’attaquer de front aux électeurs, tout aussi libres, des autres camps en présence. A ce titre, ce paragraphe nous a été présenté comme étant « une poubelle légale » dans laquelle on jette tout simplement l’expression de la volonté pleine et entière des gens qui se sont soustraits à nos services et à nos pots de vins… et ainsi de suite.
Le cas le plus risible n’a pas apparemment été examiné par nos muftis experts. Et si les votes blancs dépassent le seuil proposé des 5% ? Et s’ils le dépassent tandis que le parti des rédacteurs de cette hérésie n’atteint pas les 5% fétiches ? On jette donc les bulletins blancs, on ne les comptabilise pas. On en fait quoi donc ? Où est ce que on les met ? Dans le compte de qui ? Et selon quelle procédure transparente ?
A bien lire les interlignes, on ne tarde pas à découvrir un déficit de sérénité politique chez les rédacteurs de ce projet vertical. Ils craignent le vote blanc en cours de massification par l’actualité qui avance, en limant chaque jour un peu plus les hégémonies extraconstitutionnelles nourries à la face de l’électorat tunisien, que trois échéances électorales ont bien « cultivé ». Sur cette base, il convient de rappeler fermement que le vote blanc est bel et bien un vote plein et plus expressif que l’abstention. C’est un acte engageant, conscient et responsable que personne ne peut présenter comme étant répréhensible.
Les « blessures » de l’histoire proche
Pire encore, c’est le seul vote authentiquement démocratique, dans la mesure où il est le moins corruptible par l’argent sale qui n’a cessé d’entacher les élections depuis 2011. Le vote blanc est le plus engageant et le plus libertaire. Sans préjudice à tout ce qui peut être reproché aux autres votes, le vote blanc est la forme démocratique la plus violente et la plus pacifique, quand les élections sont organisées afin de raffermir les goujats que nous supportons depuis 2011. Le bulletin blanc est l’expression d’un refus de la totalité des candidats, jugés corrompus ou inaptes à l’honneur du service public. Ne pas le comptabiliser se présente comme étant un crime électoral « parfait », en ce sens qu’il réduit la volonté du citoyen à un simple instrument inerte dans une démocratie lobbyiste difforme.
Ce même vote blanc a coûté cher aux « vainqueurs » des élections de la Constituante. Et c’est pourquoi il a été diabolisé dans les meetings électoraux de l’époque. Des sommes « supplémentaires » énormes avaient dû être injectées, en catastrophe, dans les ceintures rurales de grandes agglomérations, parmi la population démunie, qui ne comprenait pas, à l’époque, le vrai sens civique du vote.
Force, maintenant, est de reconnaitre que les données ont changé, et que plus rien n’est à l’abri de l’humeur d’un peuple qui ne tardera pas à exprimer son ras-le bol dans la rue, à la manière du 14 janvier 2011.
Le vote blanc ne tardera pas à être une partie intégrante du processus électoral démocratique, n’en déplaise aux rêveurs de tous bords. L’histoire est tout sauf amnésique. Son verdict est sans appel.
Les élections sont un devoir et un droit absolu. Toute tentative de les conditionner politiquement est un acte contraire à toutes les conventions et chartes internationales et régionales des droits de l’homme. Commençons donc par légiférer sur l’argent des campagnes électorales. La base logique de tous les bulletins blancs, que personne ne pourra assimiler à des infractions, puisqu’ils ne peuvent émaner que de personnes plus conscientes et plus cultivées que les ignares qui nous prétendent exprimer la voix de l’électeur tunisien. Halte donc à ces machinations sans lendemain.