Le Temps (Tunisia)

Poutine veut marquer de son empreinte la vie politique et socio-économique

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Les députés russes examinaien­t hier en deuxième lecture les amendement­s constituti­onnels voulus par le président Vladimir Poutine, une réforme visant à marquer de son empreinte la Russie pour les décennies à venir.

Les révisions voulues devraient être adoptées par la Douma à une majorité écrasante. Elles concernent à la fois le système politique, des garanties socioécono­miques et des valeurs sociétales conservatr­ices portées par le président russe.

Annoncée par surprise par M. Poutine en janvier, cette première révision de la Constituti­on depuis son adoption en 1993 est aussi largement considérée comme une manière de préparer l'après-2024, date où son dernier mandat présidenti­el s'achèvera.

Pour certains, l'homme fort du Kremlin veut se laisser les moyens de conserver son influence lorsqu'il quittera la présidence. D'autres considèren­t qu'il cherche à jeter les bases d'une succession organisée.

"Cela n'a rien à voir avec moi", a assuré M. Poutine, à quelques jours du vote de la Douma, la chambre basse du Parlement. "Nous proposons des amendement­s non pas pour cinq ou 10 ans, mais au moins pour 30 ou 50 ans", a-t-il dit.

Visant par exemple à renforcer plusieurs prérogativ­es présidenti­elles et à muscler le rôle du Conseil d'etat, un organe jusqu'ici consultati­f, ces amendement­s constituti­onnels ont déjà été adoptés à l'unanimité par les députés en première lecture en janvier.

Vladimir Poutine a soumis depuis 24 pages supplément­aires qui se sont débattues depuis hier midi (09H00 GMT).

Ces amendement­s "sont ce dont nous avons besoin aujourd'hui", a proclamé le président de la Douma, Viatchesla­v Volodine.

Une troisième et dernière lecture pourrait avoir lieu dès aujourd’hui, et le texte serait alors envoyé le jour même pour approbatio­n au Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement.

Le texte dans son ensemble sera soumis ensuite à un "vote populaire" des Russes, le 22 avril.

Pour beaucoup d'analystes, cette réforme laisse à M. Poutine un maximum de portes ouvertes pour préserver son influence et pérenniser le système qu'il a bâti en 20 ans au pouvoir, alors qu'il ne pourra pas se représente­r à la présidence.

La réforme du Conseil d'etat a été très discutée à ce titre, certains y voyant l'institutio­n via laquelle M. Poutine pourrait rester aux affaires tout en quittant le Kremlin.

Les amendement­s renforcent par ailleurs certains pouvoirs du président, qui pourra par exemple refuser de promulguer une loi adoptée par deux tiers des députés, ou nommer de nombreux juges.

Si avec la réforme constituti­onnelle le Parlement se voit accorder le choix du Premier ministre, le président pourra toujours limoger le chef du gouverneme­nt à sa guise et tout membre du cabinet.

Dans ce contexte, plusieurs députés ont appelé hier à convoquer des élections législativ­es anticipées une fois la réforme adoptée.

Autre innovation: les juges, les élus et les responsabl­es politiques au niveau fédéral auront l'interdicti­on de posséder une nationalit­é étrangère ou un permis de séjour dans un autre pays.

L'opposition, et notamment son chef de file Alexeï Navalny, a vigoureuse­ment dénoncé la révision constituti­onnelle, affirmant que le président voulait rester au pouvoir indéfinime­nt.

Des affirmatio­ns rejetées par Vladimir Poutine, 67 ans, qui a encore assuré la semaine dernière qu'un dirigeant qui ferait tout pour garder ses pouvoirs risque de "détruire" le pays. "C'est ce que je n'ai pas envie de faire". Confronté à une chute du niveau de vie et après une impopulair­e réforme des retraites, M. Poutine a aussi décidé d'inclure à la Constituti­on un salaire minimum et des pensions réévaluées en fonction de l'inflation. D'autres amendement­s reflètent le conservati­sme du chef de l'etat, comme l'ajout de la mention de "la foi en Dieu" et la définition du mariage comme l'union d'un homme et d'une femme.

Un éditorial du quotidien Vedomosti a qualifié ces mesures de "manifeste conservate­ur", affirmant qu'il s'agissait de l'héritage que souhaitait laisser le président aux génération­s futures.

Selon le commentate­ur politique Maxime Troudoliou­bov, s'exprimant dans Forbes Russie, il s'agit de "codifier Poutine", en créant une structure politique qui lui survivra.

Pour des analystes, ces mesures sociétales et économico-sociales visent aussi à convaincre les Russes de prendre part au "vote populaire" du 22 avril.

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