Le Temps (Tunisia)

Jour de fête…

- Samia HARRAR

Ça lui fait 64 ans. Elle n’a pas envie de regarder dans le rétroviseu­r, la République. Ça lui fout les “boules”. Elle a bien le droit. Il faut dire qu’il lui arrive souvent ces derniers-temps, de s’avouer qu’elle a démérité. Et qu’elle n’a pas su prendre soin du précieux legs, qui lui a été laissé par tous ceux qui se sont battus un jour pour elle, afin qu’elle soit libre et souveraine.

Tout ça pour ça?

Elle veut bien. Regarder la moitié pleine du verre. Puisque c’est sa fête aujourd’hui. Mais elle y consent à une seule condition: c’est que ses enfants l’aident à sortir de ce mauvais-pas, de cette “tuile”, qui est certes mondiale, sans qu’il soit touché à un seul de leurs cheveux. Voyez: ce n’est pas pour elle-même qu’elle a peur. Elle saura apposer de la résistance, toujours. Mais, si elle a peur aujourd’hui, c’est parce que lui reviennent à la mémoire, de temps en temps, les paroles prophétiqu­es de l’un de ses enfants illustriss­imes, qui l’aima sans doute plus que beaucoup d’autres, qui avait auguré, un jour, que la Tunisie, en réalité, aura à craindre plus de ce que ses propres enfants pourront faire d’elle, que d’une quelconque autre menace, qui pourrait venir de l’extérieur. De n’importe quelle façon, à un moment ou un autre, ces paroles se sont vérifiées. Et voilà pourquoi elle a peur. Mais il y a autre chose. Et ça, ça lui fout plus que des boules, puisqu’elle n’ose se répéter à elle-même, ce qu’elle a pu penser, fut-ce l’espace de fugaces secondes, lorsqu’elle a entendue Macron: ce jeunot, qu’elle pourrait presque considérer avec condescend­ance, car à son âge à elle, l’on peut, parfois, se permettre quelques outrances, s’adresser à son peuple. Et de quelle façon! Admirative? Ça lui est restée, au- travers de la gorge, sa fierté ravalée, du coup. Jalouse? Allons donc! Et voilà qu’elle se secoue, de fond en comble, pour chasser toutes ses mauvaises pensées. Et voilà qu’elle sourit, soudain; heureuse et à nouveau fière, de compter sur ses autres enfants: médecins, chercheurs, paramédica­ux, jeunes étudiants en médecine, mais aussi, sécuritair­es, militaires, et tous les patriotes qui n’ont jamais failli, et qui ne failliront pas, pour qu’elle n’ait jamais à rougir, ni à baisser le front. Afin qu’elle demeure aussi, par-delà le passage du temps, par-delà la fuite des jours et des ans, toujours, en toutes circonstan­ces, belle et souveraine. La Tunisie.

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