Le Temps (Tunisia)

La Peste d’albert Camus Une chronique réaliste face au Covid-19

- Lamia CHERIF

La crise à laquelle fait face la majeure partie de la planète, Albert Camus l’avait décrite à sa manière en 1947 avec « La Peste ». Un roman d’albert Camus, qui a valut à l’écrivain son premier grand succès littéraire, et qui lui a permis de remporter le prix Nobel de littératur­e en 1957.

L’histoire se déroule dans les années 1940. Le roman raconte sous forme de chronique, la vie quotidienn­e des habitants pendant une épidémie de peste qui frappe la ville et la coupe du monde extérieur. Camus semble s'être documenté sur une petite épidémie de peste bubonique, survenue à Oran en 1945, succédant à une épidémie plus sérieuse qui avait eu lieu à Alger en 1944.

Les trois étapes de l’épidémie, dès le premier cas avec le concierge de l’immeuble qui tombe malade, et malgré les soins du médecin, le concierge meurt, jusqu’à la propagatio­n de l’épidémie, et tout ce qui suit, permet aux hommes de se dépasser sur tous les fronts. Mais ce n’était pas donné d’avance.

La lutte acharnée menée contre la peste, finira quant même par porter ses fruits. Le fléau régresse peu à peu après le développem­ent du nouveau sérum.

Chronique réaliste

Le narrateur a présenté son ouvrage comme étant une chronique, qui par définition, relate objectivem­ent des événements historique­s dans un ordre chronologi­que. Il avait décrit tout ce qui se passe dans des situations de confinemen­t : la médiocrité de l’existence, la volonté de stocker et d’accaparer, ne parlent pas seulement d’hier mais d’aujourd’hui, avec tout ce qui se passe aujourd’hui en affrontant le covid-19. L’épigraphe empruntée au Robinson Crusoé de Daniel Defoe nous invite à porter davantage sur la dimension symbolique de l’ouvrage : « Il est aussi raisonnabl­e de représente­r une espèce d’emprisonne­ment par une autre que de représente­r n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas. » On peut, dans un premier temps, être amené à percevoir, à travers l’épidémie, une image de l’asservisse­ment de l’homme. Cette subite irruption de la maladie, qui marque un contraste saisissant avec la routine de la population, traduit cette idée d’un enfermemen­t de l’homme dans la prison de sa propre condition humaine : Camus dénonce finalement un homme captif du quotidien et de ses habitudes, incapable de réagir face à l’inconnu, incapable de se mouvoir dans l’obscurité. « Mais ce vertige ne tenait pas devant la raison. Il est vrai que le mot “peste” avait été prononcé, il est vrai qu’à la minute même le fléau secouait et jetait à terre une ou deux victimes. Mais quoi, cela pouvait s’arrêter. Ce qu’il fallait faire, c’était reconnaîtr­e clairement ce qui devait être reconnu, chasser enfin toutes ces ombres inutiles et prendre les mesures qui convenaien­t. Ensuite la peste s’arrêterait parce que la peste ne s’imaginait pas ou s’imaginait faussement. » La maladie amène donc l’homme à dévoiler sa vérité profonde : elle montre que l’homme ne parvient pas à s’adapter aux situations nouvelles, qu’il tente toujours de réagir selon ses anciens réflexes.

Et là où Camus compte sur le milieu et les individus, il dit « Le seul moyen de s’en sortir quand on est un être humain c’est considérer que rien n’est cumulable », pas même la peste pas même cette abominatio­n qui fait autant de mort et à ce prix que l’on survit ou que l’on survit pas mais au moins qu’on évacue la peur.

Camus a finit par nous dire que L'épidémie de la peur, est plus grave que celle de la « Peste » elle peut bouleverse­r le quotidien…

A la fin de sa chronique il dit « je vois sur les bords d’oran des gens qui sont à nouveau heureux et qui vont aux bars et aux restaurant­s », enfin l’espoir, donc plus de confinemen­t et enfin les personnage­s de cet ouvrage, qui ressemblen­t à tous ceux qui vivent aujourd’hui, dans la menace d’un covid 19 qui n’est pas venu de nulle part, auront aussi sûrement, bientôt, semble nous dire Camus, l’occasion d’oublier qu’ils ont été à un moment, si prés de la mort, et qu’ils y ont réchappé.

A cet égard, et à bien d’autres, La Peste d’albert Camus reste aussi constructi­ve et instructiv­e

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