Le Temps (Tunisia)

Les fous du roi

- Ahmed NEMLAGHI

Il y a une règle fondamenta­le en matière de jeux d’échecs : il faut toujours se garder de mettre le roi en position de découvert. Pour cela il n’y a pas de mystère : la seule façon de le préserver c’est de sacrifier les pièces secondaire­s qu’on peut placer partout selon l’opportunit­é et l’impact du coup.

C’est le mieux qu’il y a à faire afin de tromper l’adversaire. Car dérouter et déstabilis­er est la meilleure tactique qui permet de gagner. Demandez-le à tous les champions du monde qui se sont relayés depuis une éternité ils vous diront que c’est la vraie vérité.

Mais au fait, dans l’échiquier politique, n’est-ce pas la même tactique qui est pratiquée ? D’autant plus que les parties prenantes sont plutôt en quête de placer les pions afin de sauver une situation de bouillonne­ment telle, que toutes les tactiques ne prennent plus évidemment, avec les gouvernés qui connaissen­t la chanson. Avec un même refrain joué par des musiciens sans partition.

Chez les échéphiles, ce sont les fous du roi qu’on utilise, la plupart du temps, pour sauver la situation. En politique ce n’est pas la même conception. Les fous sont partout, lorsque leurs intérêts sont en jeu, surtout. Du coup on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi.

Des fous? En veux-tu, en voilà! Surtout lorsque l’enjeu est de taille, chacun d’eux fait tout pour chercher la faille chez son émule. On change de camp, de position, on fait semblant, on simule. On adoube les pions pour les sacrifier au besoin, question de gagner du temps.

Dans le jeu politique, il faut être habile pour occuper la plus avantageus­e position. Avantageus­e pour qui ? Là est toute la question! Les gouvernés ne se sentent nullement concernés lorsque la personne du roi est mise en équation et que chacun des intervenan­ts cherche à gagner la couronne au détriment des pions qui sont menés çà et là, dans un échiquier où les fous sont plus près du roi.

D’aucuns occupent la scène politique, pour semer le trouble en y mettant les bouchées doubles, dénonçant, accusant, et au besoin, diffamant. D’autres changeant d’attitude comme on change de veste, en allant traiter avec ceux-là même qu’ils ont taxés naguère de peste. On nous montre des scènes, où on est étonné de voir deux contradict­eurs, en aparté, l’un dans sa voiture blindée, tirant tranquille­ment sur son calumet, l’autre dehors, l’air guindé.

Que voulait-il ? Demander un appui à sa motion, qui n’avait pas sa raison d’être et qui n’a pas du reste, abouti. Une position qui en dit long sur les combines qui se font, à l’insu du citoyen qui touille, face aux magouilles des fripouille­s.

Il ne faut pas pour autant désarmer, mais voir les choses du bon côté, car comme l’a dit Proust: «il n’y a pas de réussite facile, ni d’échecs définitif». Ainsi un mat ne saurait être une fin implacable, quand les joueurs sont tant instables.

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