ET les Tunisiens ont encore soif…
Drôle de constat. 64 ans après l’indépendance, des Tunisiens protestent encore contre la soif. Ils manifestent, partout, pour l’accès aux services de base ainsi que pour la demande d’emplois. Les retombées du confinement national tel qu’il est décrété par le gouvernement, ont fait également l’objet des protestations. Des contestations sociales ont eu lieu tout au long du mois dernier pour revendiquer des mesures proportionnelles au volume des pertes subies par nombre de travailleurs dans quelques secteurs ayant connu un arrêt total de leurs activités, les restaurants, cafés, le transport en l’occurrence. Ce constat et tant d’autres sont révélés par le dernier rapport mensuel du Forum des Droits économiques et sociaux (FTDES). Un rapport qui traite les mouvements sociaux, les cas de suicides et de violences. Décryptage, ci-dessous.
Sidi-bouzid, fief des protestations
A elle seule, la ville dénombre 180 mouvements de protestations sociales. C’est presque un tiers de l’ensemble des mouvements sociaux observés sur l’ensemble du territoire national. Elle devance largement, la ville de Tataouine qui a observé 58 mouvements de protestations. Le Kairouan, gouvernorat connu également par ses protestations n’a enregistré que 49 mouvements sociaux. Même nombre enregistré également au gouvernorat de Sousse. Sauf qu’à Kairouan, les tentatives de suicides se chiffrent à 8 cas alors qu’à Sidibouzid, le FTDES a recensé un seul cas. A Jendouba, dont les protestations sociales observées ne dépassent pas 9 mouvements, les tentatives de suicides se chiffrent à dix cas. Les mêmes données communiquées par le FTDES font apparaître que la majorité des manifestations font l’objet des revendications à caractères socio-économiques. D’autres exigent l’application des accords relatifs au développement régional et surtout la création des emplois. Ces accords, déjà signés auparavant avec les gouvernements, mais qui demeurent renvoyés aux calendes grecques. Il suffit au juste d’observer les manifestations, mêmes nocturnes, à Tataouine sur la base du non-respect de l’accord du « Kamour ». Les revendications sociales observées tout au long de mois de mai 2020, ont également concerné l’accès aux services de bases, la santé, l’éclairage, l’absence de l’eau d’irrigation, la mauvaise gestion des surplus de productions pour les agriculteurs en l’occurrence. Que veut-on de plus ?
De toutes les manières, les tensions sociales n’ont pas manqué la Tunisie tout au long de la période post-révolution. 9 ans durant, les solutions avancées consistaient à signer des accords avec les manifestants. Des accords qui ne sont guère respectées en totalité. Les manifestants ripostaient de coutume. Les autorités préféraient recourir aux solutions sécuritaires. Les derniers incidents survenus à la ville de Meknassi, gouvernorat de Sidi-bouzid, l’attestent. Affaires à suivre….
Le centre-ouest en tête
La région du Centre-ouest est en tête des régions qui ont connu le plus de protestations citoyennes avec environ 49% du total des mouvements enregistrés en Mai 2020, suivi par la région du Centre-est avec 77 mouvements de protestation, par le Sud-est avec 71 mouvements de protestation, le Nord-est avec 46 mouvements de protestation, le Sud-ouest avec 44 mouvements de protestation et le Nord-ouest avec 24 mouvements de protestation.
D’après, le rapport du FTDES, le nombre de mouvements de protestation à caractère violent a atteint 267 dont 140 enregistrés à Sidi Bouzid seulement, 52 mouvements de protestation violente ont été́ enregistrés à Tataouine, à Sousse, 34 mouvements de protestation violente ont eu lieu et à Gafsa, 9 mouvements de protestation violente ont été́ relevés. Ce sont des manifestations qui glissent dans la violence ou contiennent une sorte de violence.
Suicide : les enfants touchés également
Le genre masculin a constitué́ la majorité́ des victimes de ces cas avec 72%, du total relevé́ avec 26 cas contre 10 du genre féminin. Le groupe d’âge 36-45 ans et les enfants de moins de 15 ans ont représenté́ la tranche d’âge qui a connu le plus de suicide et tentative de suicide avec 28%, suivi du groupe d’âge 26-35 ans avec 22%. Un acte de suicide d’une personne âgée de 77 ans a également été́ détecté́ à Sfax. Le suicide et tentative de suicide par pendaison a représenté́ le moyen le plus récurrent avec 33% ainsi que le suicide par immolation (à hauteur de 50%). Cette forme associée au mouvement de protestation, où les citoyens expriment leur colère en menaçant de s’immoler afin de revendiquer la réalisation de leurs demandes de soutien à dépasser cette crise sociale subie et causée par cette pandémie ainsi que la perturbation de leurs activités.
Par ailleurs, le suicide par ingestion de substances toxiques a été́ relevé́ dans 5,6% des actes de suicide et tentative de suicide et le saut et précipitation dans 11,1% des cas.
Tensions persistantes à Meknassi
Les affrontements entre les forces de sécurité et des manifestants dans des quartiers et des rues de la ville de Meknassi du gouvernorat de Sidi Bouzid (centre-ouest de la Tunisie), se sont renouvelés samedi soir et dimanche. Ces affrontements surviennent en réaction à l’intervention des forces de sécurité pour mettre fin au sit-in des travailleurs des mines de phosphate.
Les manifestants réclament un retrait des forces de sécurité de la ville et appellent à ne pas engager de poursuites judiciaires contre des travailleurs de la mine, à la remettre en service et à régulariser la situation des ouvriers dans ce site minier.
Samedi 13 juin, les ouvriers avaient annoncé qu’ils vont suspendre leur sit-in pour une durée de 10 jours après les tensions apparues dans la ville de Meknassi, et dans l’attente de trouver une solution définitive aux doléances des ouvriers de la mine.
Les ouvriers, en sit-in depuis le 4 mai dernier, réclament l’intégration de 164 employés au sein de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG).
Ils avaient organisé une série de manifestations, auparavant, depuis l’annonce de la fin de leurs contrats de travail, le 30 avril 2020.