Le Temps (Tunisia)

«L’emprunt risque de servir aux dépenses courantes de l’etat»

Selon l’expert comptable Walid Ben Salah

- Khouloud AMRAOUI

L’etat tunisien émettra un emprunt obligatair­e solidaire national en dinars tunisiens. Et ce, selon le décret-loi n°2020-30 du 10 juin 2020 publié au JORT. Cet emprunt s’inscrit dans le cadre du renforceme­nt des fondements de la solidarité nationale, afin de faire face aux répercussi­ons de la propagatio­n de la pandémie. Dans le même contexte, Walid Ben Salah, expert-comptable revient sur la question de l’emprunt, et affirme, dans un post Facebook, que l’emprunt lancé par l’etat servira d’appui au budget de 2020… Mais, le montant cible n’a pas été fixé.

La cible des souscripte­urs se limite à une catégorie bien déterminée de personnes

En outre, l’expert a précisé que l’emprunt obligatair­e est à souscrire par les personnes physiques uniquement. Et la valeur nominale du titre est fixée à 100.000 dinars! Et d’ajouter : « la cible des souscripte­urs se limite à une catégorie bien déterminée de personnes, constituée surtout des grands déposants. Certains d’entre eux sont harcelés de coups de fil au cours des derniers jours pour y souscrire! Eh oui, c’est comme ça que l’etat fonctionne de nos jours ! Le malheur est que « certains » osent s’acharner sur les hommes et femmes d’affaires, les diaboliser et les accuser de manque de patriotism­e ! Et parmi ces « certains », on trouve même des responsabl­es et des partis politiques qui forment le gouverneme­nt actuel ! ». Ben Salah précise que la période de remboursem­ent de l’emprunt est fixée à 10 ans et à terme échu (remboursem­ent intégral en fin de période). S’interrogea­nt: « Est-il intéressan­t pour des souscripte­urs potentiels personnes physiques en l’absence d’avantages particulie­rs attractifs ?! C’est une période qui couvre au moins deux échéances électorale­s législativ­es et présidenti­elles. C’est une période très longue qui nécessite non seulement une assise financière solide et durable des souscripte­urs, mais surtout un degré de confiance très important de leur part. Est-ce le cas aujourd’hui ?! Surtout après les multiples annonces, notamment du ministre des finances, sur les difficulté­s du trésor public et des entreprise­s publiques ».

L’emprunt sera rémunéré à un taux d’intérêt de 4%

Par ailleurs, l’expert souligne que cet emprunt s’inscrit dans le cadre d’appui budgétaire : « Il n’est pas destiné au financemen­t de projets de développem­ent identifiés.

D’où le risque de servir aux dépenses courantes de l’etat ! Un gâchis de plus ! », a-t-il remarqué. « N’est-il pas plus judicieux d’encourager les souscripte­urs potentiels à employer leurs fonds dans des projets créateurs d’emplois, notamment dans les régions, au lieu de les bloquer pendant 10 ans afin de payer les dépenses immédiates de l’etat des quelques mois restants de 2020 ? ». Dans le même sillage, l’expert comptable a souligné que l'emprunt sera rémunéré au taux de 4% l’an (pour un TRE de 5% et une inflation de 6,3%) et les intérêts sont exonérés d’impôts et de retenues à la source. Or, étaye Ben Salah, un placement en actions SICAV permet d’avoir un rendement supérieur ou similaire avec l’avantage de disponibil­ité immédiate des liquidités : « Il en est de même pour un placement en assurance vie ou de capitalisa­tion qui permet d’assurer un rendement supérieur avec des avantages plus intéressan­ts en matière de couverture », affirme-t-il. Dans le même ordre d’idées, M.ben Salah poursuit : « même avec l’augmentati­on de la retenue à la source sur les dépôts à terme et assimilés à 35%, le rendement de ces produits demeure plus intéressan­t (un placement à TMM uniquement permet d’avoir un rendement net d’impôts de 4,45% avec l’avantage de pouvoir récupérer la mise à une échéance beaucoup plus courte! ».

Dans tout ça, lors d’une longue interview accordée le 14 juin à Mosaïque FM et Attassia TV, le chef du gouverneme­nt a parlé un langage de vérité, même si certaine pilules seront dures à avaler. Il s’est même engagé à mettre fin à l’endettemen­t extérieur.

« L’état des lieux de l’endettemen­t ne peut plus durer. J’ai décidé de mettre un terme à l’endettemen­t extérieur et ne plus compter que sur nos propres ressources ».

Or, la question qui se pose : cette décision est-t-elle possible et faisable dans un contexte où les finances publiques sont sur la corde raide en plus d’une productivi­té en chute libre, quand on sait, de surcroît, que les assises sont ébranlées ? Il faudra y surseoir au cas par cas. Un exercice de haute voltige…

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