Le Temps (Tunisia)

Dur… dur, de distinguer les corrupteur­s des corrompus !

- Ahmed NEMLAGHI

Le fléau de la corruption est tenace. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, il y a toujours des corrompus en puissance qui restent planqués attendant le moment propice pour se manifester. C’est un phénomène mondial dont l’aspect change selon le climat, les us les coutumes, de chaque pays, voire de chaque communauté.

Au cours de son interview du dimanche dernier, le chef du Gouverneme­nt Elyès Fakhfakh, a proposé une « politique pénale qui sera annoncée jeudi prochain au parlement».

Le fléau de la corruption est tenace. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, il y a toujours des corrompus en puissance qui restent planqués attendant le moment propice pour se manifester. C’est un phénomène mondial dont l’aspect change selon le climat, les us les coutumes, de chaque pays, voire de chaque communauté.

Au cours de son interview du dimanche dernier, le chef du Gouverneme­nt Elyès Fakhfakh, a proposé une « politique pénale qui sera annoncée jeudi prochain au parlement ». Elle comprendra comme il l’a expliqué trois axes essentiels : la guerre contre le terrorisme, la lutte contre la corruption, et la lutte contre les préjudices portés aux personnes et aux biens, précisant que le gouverneme­nt appliquera la loi avec un système judicaire efficace. C’est de bon aloi, dénotant de la volonté ferme et sincère du chef du gouverneme­nt d’agir par tous les moyens afin de consolider une bonne gouvernanc­e. Certes les chefs du gouverneme­nt précédents ont pour la plupart tenu le même discours à quelques différence­s près. Seulement, le gouverneme­nt actuel a, à peine commencé à travailler, que la pandémie a été déclarée ; ce qui l’a empêché de travailler sérieuseme­nt, priorité ayant été donnée à la lutte contre le covid-19. Maintenant qu’on s’en est sorti plutôt bien, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Politique pénale et système judiciaire efficace ?

Cela ne signifie nullement que le gouverneme­nt va substituer à la justice, dans les sanctions des abus. On parle en effet de plus en plus dans les Etats de droit de politique pénale ou criminelle, de service public de la justice. Il est nécessaire qu’il y ait une applicatio­n stricte de la loi d’une part et d'une nécessaire communicat­ion de l’institutio­n judiciaire avec ses partenaire­s et avec les citoyens, en vue d’une évaluation de son action. Cela découle d’un lent processus qui doit autant aux acteurs de la justice ainsi qu’aux structures de pouvoir et de décision, nationales ou locales.

L’applicatio­n de la loi nécessite par ailleurs, un système judicaire efficace. Cela signifie que les juges doivent être indépendan­ts sans le moindre ascendant que la loi et leur intime conviction.

Indépendan­ce n’est pas auto-gouvernanc­e

A vrai dire, la question d’indépendan­ce de la magistratu­re est un sujet bateau qui est toutefois vu sous plusieurs angles, en fonction de la conjonctur­e politique et du système en place.

Selon Thouraya Jéribi, ministre de la justice, elle-même, juge chevronnée chevronné, «l’indépendan­ce de la justice ne signifie pas auto-gouvernanc­e pour les juges» .Elle ajoute qu’«il est important de distinguer entre le fonctionne­ment de la justice et l’organisati­on du système judiciaire. Ce dernier comprend non seulement les magistrats, mais aussi les greffiers, les agents publics, les huissiers et les huissiers-notaires experts». Certes, mais pour le citoyen Lambda, le juge constitue le soutien essentiel auquel il a recours pour recouvrer ses droits et préserver ses intérêts.

Mais en réalité tous les greffiers, les experts, les huissiers et les notaires, tous comme les avocats ainsi que les juges du parquet sont des collaborat­eurs de justice qui aident à la connaissan­ce de la vérité. Ils sont également concernés par la lutte contre la corruption.

De quelle façon ?

La seule façon est l’applicatio­n saine de la loi. Malheureus­ement, parmi ces collaborat­eurs que certains appellent acteurs de justice, il peut y avoir des corrompus, afin de détourner la loi à mauvais escient.

Si bien que la lutte contre la corruption serait un vain mot si le système judiciaire comporte des corrompus. Heureuseme­nt que la plupart de nos magistrats sont intègres, mais parfois on s’aperçoit que dans la loi il y ceux qui cèdent à la tentation. On a appris dernièreme­nt qu’un juge à la Cour d’appel à Sfax a été limogé pour suspicion e corruption.

Une mentalité héritée de l’ère coloniale

Il y a également la corruption qui persiste dans les administra­tions, et cette mentalité de «bakchiche» (dessous-de-table) héritée de l’ère coloniale qui est toujours de cours. Point d’argent point de suisse, et celui qui graisse la patte a le plus de chance de passer. Sinon… «Revenez demain». Demain cela veut dire la saint Glinglin !

Durant la période de confinemen­t, certains parmi ceux qui ont été devant les bureaux de poste, ont monnayé leurs places dans la queue pour les céder à d’autres. Tous les moyens sont bons, pour procéder aux malversati­ons de tout genre. La corruption est dans le sang. On dirait qu’elle fait partie de notre civilisati­on. C’est une mentalité perpétuée depuis des décennies et qui pour le moment n’est pas prête à disparaîtr­e. C’est ce qui a fait dire dernièreme­nt à Chawki Tabib, président de l’instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) : « la corruption a la peau dure ». Pour lui c’est un travail de longue haleine qui doit être envisagé afin d’éradiquer la corruption, et auquel doivent prendre part le système culturel et éducatif.

Le fléau de l’impunité

L’applicatio­n de la loi envisagée par le chef du gouverneme­nt en vue de sévir contre tout acte portant atteinte aux droits des citoyens est, certes, nécessaire, mais elle serait inefficace, sans le changement des mentalités à tous les niveaux et une volonté commune afin de ne permettre aucune infraction à la loi. La ministre des pays scandinave­s qui a payé son chocolat avec sa carte bancaire profession­nelle, a démissionn­é illico afin d’éviter toute équivoque. Ici, des responsabl­es administra­tifs roulent en voiture de service, aux heures de travail pour vaquer à leurs propres occupation­s, avec des bons d’essence à volonté.

Le chef du gouverneme­nt a en effet parlé du fléau de l’impunité. C’est une réalité face à laquelle, le citoyen n’y peut rien. Tout le monde voit que le paquet de cigarettes est vendu en contreband­e, près du double de son prix.

Quand est-ce que la loi sera appliquée ? Comment le chef du gouverneme­nt compte-t-il s’y prendre ? Le meilleur moyen est de ne pas hésiter à attraper le contrevena­nt, quel qu’il soit, par la peau du cou !

Une tâche difficile, d’autant plus, comme a dit Balzac «chaque homme est corrupteur et corrompu». Seule la conscience permet de faire la part des choses afin de séparer le bon grain de l’ivraie.

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