L’emprunt intérieur pour surmonter la crise et stopper l’hémorragie de l’endettement extérieur
Le gouvernement tablera sur une croissance négative de 6% dans la LF complémentaire 2020
Le discours du Chef du Gouvernement, donné dimanche à la chaine Attessia continue de faire couler beaucoup d’encre. Les Tunisiens retiennent essentiellement une seule chose : « Au vu de la situation actuelle et de la disette des finances publiques nous pourrions être contraints de réduire les salaires et les pensions de retraite ». Une déclaration qui a semé la zizanie, notamment auprès de monsieur Lambda, surtout le fonctionnaire qui n’est pas prêt à payer les pots cassés. L’UGTT a très vite réagi et s’est fermement opposée à toute réduction des salaires dans la fonction publique. Dans cette guerre encore ouverte contre le coronavirus et après avoir gagné la première manche, le gouvernement Fakhfakh fait le choix de l’austérité budgétaire. Le gouvernement décide de ne pas recourir au financement extérieur pour se contenter des ressources propres de l’etat. Mais est-ce un choix délibéré surtout que le gouvernement s’apprête à négocier un accord de financement avec le FMI?
Pour faire face à la crise sanitaire dont les répercussions sont a priori illimitées dans le temps et dans l’espace, notamment après les risques annoncés d’une deuxième vague de contamination, le gouvernement n’a d’autres choix que de compter sur ses ressources propres. Et qui dit ressources propres dira essentiellement, les ressources fiscales, qu’elles soient directes ou indirectes. Seulement, il reste à savoir si le gouvernement a les moyens de ses ambitions ? La chute attendue du chiffre d’affaires des entreprises, la faillite annoncée de bon nombre d’unités productives, la mort prématurée de la saison touristique, le probable repli des revenus du travail cumulés, la hausse du taux de chômage pouvant atteindre les 274,5 milles chômeurs d’ici la fin de l’année et une croissance négative qui pourra chuter de 6 à 7% sont autant de facteurs qui contribueront à un effondrement des ressources propres de l’etat.
Un taux de croissance négatif de 6% à 7%
Slim Azzabi, ministre du Développement et de la Coopération Internationale a affirmé, lors d’une conférence de presse, tenue hier pour présenter les résultats d’une étude réalisée avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) sur les répercussions économiques du Covid 19, que le gouvernement va prévoir un taux de croissance de -6% voire -7% dans la loi de finances complémentaire 2020. Les chiffres présentés par le ministre du Développement, de l’investissement et de la Coopération internationale sont à couper le souffle. La crise du Covid 19 a fait basculer les revenus de 475 mille individus. Selon les résultats de l’étude, la crise sanitaire engendrera une croissance négative du Produit intérieur brut (PIB) de -4,4%, une baisse de -4,9% de l’investissement global, de -8% pour la consommation. Bref, un marasme économique au vrai sens du mot.
Le gouvernement a déjà annoncé le lancement d’un emprunt obligataire solidaire pour faire face à la crise et réduire le recours à l’endettement extérieur. Le ratio de l’endettement extérieur avoisine les 75% actuellement et risque de s’envoler pour atteindre 89% en 2020.
Il va sans dire que 6,5 milliards de dinars de prêts extérieurs ont été contracté pour soutenir le plan de lutte contre le coronavirus dont la facilité de crédit rapide du FMI d’une enveloppe de 746 millions de dollars, soit 2,2 milliards de dinars, deux accords de prêts de l’union Européenne de 2,7 milliards de dinars et une ligne de crédit de 809 millions de dinars de la Banque Islamique de Développement sans omettre les crédits accordés par la Banque Africaine de Développement et de la Banque Mondiale et les crédits bilatéraux. Au total 6,5 milliards dinars mobilisés au titre de financement extérieur. Un besoin de financement extérieur de 5,1 milliards dinars est dès lors observé pour clôturer l’exercice en cours.
Il faut dire qu’après la dégradation de la note souveraine du pays, la voie du recours au financement extérieur se rétrécit davantage, d’où la ruée vers le marché interne en prévoyant des émissions de BTA/BTCT de 1,5 milliards dinars dont l’emprunt obligataire solidaire annoncé récemment. A juste titre, Slim Azzabi a affirmé hier que cet emprunt constitue l’une des pistes à emprunter en vue de mobiliser des sources de financement additionnelles. L’émission de cet emprunt dont le montant n’a pas encore été défini, s’inscrit dans l’optique du décret-loi 2020-30 du 20 juin 2020. Un nouvel accord de financement est prévu dans les prochains mois avec le FMI sachant que le gouvernement a déjà obtenu des prêts officiels d’environ 6,4% du PIB couvrant 56% des besoins de financement budgétaire brut en 2020. Le gouvernement tiendra-t-il à sa promesse et parviendrat-il à stopper l’hémorragie de l’endettement extérieur ?