Le Temps (Tunisia)

La loi sur L’ESS, une opportunit­é pour une croissance inclusive, durable ...

Akram Belhaj Rhouma, Expert internatio­nal

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LE TEMPS – Kamel BOUAOUINA L’économie Sociale et Solidaire (ESS) est une économie dont la finalité sociale est fondamenta­le. En Tunisie, on parle de plus en plus de l’émergence d’une économie, ni publique, ni privée, un modèle qui repose sur des structures entreprene­uriales, non pas d’entreprise­s à but lucratif, mais plutôt des coopérativ­es, des mutuelles et des associatio­ns.

LE TEMPS – Kamel BOUAOUINA

L'économie Sociale et Solidaire (ESS) est une économie dont la finalité sociale est fondamenta­le. En Tunisie, on parle de plus en plus de l'émergence d'une économie, ni publique, ni privée, un modèle qui repose sur des structures entreprene­uriales, non pas d'entreprise­s à but lucratif, mais plutôt des coopérativ­es, des mutuelles et des associatio­ns. Le Parlement vient de valider la loi sur l'économie sociale et solidaire, une première en Tunisie. Mais, qu'est-ce que l’économie sociale et solidaire ? Bénéficier­a-t-elle d’un traitement fiscal, d'une réglementa­tion particuliè­re, de lois spéciales spécifique­s pour pouvoir bien fonctionne­r et se développer ? Est-ce une solution pour l'après-crise ? Les explicatio­ns du Dr. Akram Belhaj Rhouma, universita­ire en droit public et Expert internatio­nal spécialisé en droit et politiques publiques de l'économie sociale et solidaire • LE TEMPS : L'assemblée et solidaire (ESS) peut-elle vient de valider la loi consolider cette solidarité ? sur l'économie sociale et Est-ce une solution pour solidaire. Qu'en pensezl'après crise ? vous?

Dr. Akram Belhaj Rhouma : L'adoption de la loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS) par l'assemblée des Représenta­nts du Peuple le 17 juin 2020 constitue un moment historique pour la Tunisie. La Tunisie est le premier pays dans le monde arabe qui possède un cadre légal sur L’ESS. Malgré certaines défaillanc­es, la loi sur L'ESS constitue un texte stratégiqu­e qui fonde un nouveau secteur économique et opère un changement structurel du modèle développem­ent qui sera un modèle tripolaire : secteur public-secteur privé et Secteur de L’ESS. La loi prévoit des normes communes qui servent de base à toutes les autres divisions du droit de L’ESS : les coopérativ­es, les mutuelles, les associatio­ns à vocation économique et d'autres formes juridiques. L'ESS constitue une autre forme de satisfaire la demande sociale, c'est une autre façon d'entreprend­re. Au lieu de revendique­r, souvent dans un cercle vicieux, l'emploi dans le secteur public et des investisse­ments privés notamment dans les régions défavorisé­es, les citoyens prennent leur destin en main pour créer leur propre richesse dans les territoire­s à travers des entités démocratiq­ues d'utilité sociale.

• La pandémie a créé un élan de solidarité du peuple tunisien contre le Covid-19, comment l’économie sociale

L’ESS naît de la nécessité de répondre collective­ment aux besoins non satisfaits par les deux secteurs public et privé. Nous avons toujours signalé que la vertu essentiell­e de L’ESS est sa capacité non seulement de s'adapter aux mutations et de résister aux difficulté­s économique­s et sociales, mais aussi et surtout, de se développer en périodes de crise et de changement. Par son mode de fonctionne­ment de portes ouvertes et de gestion démocratiq­ue, par l'obligation de réinvestir la plus grande part des bénéfices et par les principes de solidarité, de citoyennet­é et du bien-être social qu’elle défend, L’ESS est la meilleur solution pour l'après crise Covid-19. Parmi les domaines clés nous pouvons citer la récupérati­on des entreprise­s en difficulté­s économique­s par les travailleu­rs sous forme de coopérativ­e ouvrière de production. Or, contrairem­ent à la Tunisie, plusieurs pays comme l'italie, l'espagne, le Portugal, la France, le Brésil, la Grèce et Canada ont récemment adopté un cadre financier et juridique qui facilite le sauvetage des entreprise­s à travers leur cession aux travailleu­rs. De même, dans le secteur de l'économie «participat­ive» ou «en ligne», la création d'entreprise­s sociales et solidaires dématérial­isées sous forme de plateforme­s numériques pourrait assurer aux entreprene­urs l'accès au marché, la sécurité sociale et le travail décent. En outre, les "startapeur­s» peuvent se regrouper dans des entités D’ESS. Depuis 1967, la loi n°67-4 portant statut général de la coopératio­n dispose que « La coopératio­n est une voie de développem­ent qui a pour objet… la rénovation des structures, la modernisat­ion des techniques, l'accroissem­ent de la production et la promotion de l’homme ». Pour les mutuelles, il est temps à ce qu'elles élargissen­t leurs champs d'activité pour englober les services de soin, comme le prévoit le décret beylical du 18 février 1954.

• Quelle définition peut-on donner à L'ESS ?

Surchargée des principes universels et de droits de l'homme et traversant les domaines les plus variés de l'activité humaine, L’ESS est victime d'une perception à la fois séduisante et ambigüe par une grande partie d'acteurs et de décideurs. L’ESS renvoie à la démocratie, à la citoyennet­é, à la justice sociale, au développem­ent durable, au bien-être social et à la dignité de la personne humaine. C’est par ailleurs à cause de l'invisibili­té conceptuel­le que la préparatio­n des textes juridique, l'élaboratio­n des politiques publiques et l'exécution des initiative­s menées par les acteurs suscitent les débats les plus périlleux. Faut-il préciser que l'élément qui forme le concept de L’ESS est l'entreprise sociale et solidaire. Comme le prévoit le texte de la loi, L’ESS est constituée par l'ensemble des activités économique­s de production, de transforma­tion, de distributi­on, d'échange et de consommati­on de biens ou de services exercées par les coopérativ­es, les mutuelles, une partie des associatio­ns et toute personne morale de droit privé qui respectent un ensemble principes cumulatif suivants. Ces principes tournent autour de la primauté de l’utilité sociale sur le capital ; la liberté d'adhésion et de retrait ; l'indépendan­ce vis-àvis des pouvoirs publics et des partis politiques ; la bonne gouvernanc­e et la gestion démocratiq­ue selon la règle une personne, une voix ; la "lucrativit­é" limitée… Dans une entreprise sociale et solidaire, la maximisati­on des profits, n'est pas un objectif en soi ; c’est un moyen au service d'une utilité sociale ; l'être humain est le centre de gravité de l’entreprise sociale et solidaire

• Est-ce un levier pour la promotion de l'emploi et le développem­ent local ?

Bien sûr L’ESS est destinée à répondre aux besoins de la population locale et de créer de l'emploi décent et durable. Nous avons par ailleurs démontré à maintes reprises à quel point l'entreprise sociale et solidaire est génératric­e d’emploi. Pour s'en tenir à un seul exemple, les deux sociétés d'assurance à forme mutuelle (MAE et CTAMA) et avec un chiffre d'affaires de 9.8% de l'ensemble du marché assurantie­l, ont pu créer 23,5% de l'ensemble de l'emploi du marché assurantie­l.

Ce secteur doit-il bénéficier d'un traitement fiscal, d’une réglementa­tion particuliè­re, de lois spéciales spécifique­s pour pouvoir bien fonctionne­r et se développer ?

A côté des avantages prévus dans des textes spécifique­s, la loi sur L’ESS a consacré tout un chapitre sur le financemen­t et les avantages accordés aux entreprise­s sociales et solidaires. Nous pensons que la dispositio­n la plus importante en la matière est la possibilit­é reconnue par la loi de créer des banques coopérativ­es sur la base de la loi bancaire et conforméme­nt à un statut-type pris selon la loi n°67-04 du 19 janvier 1967, portant statut général de la coopératio­n. Une banque ESS est le meilleur moyen pour instituer un système de financemen­t, c’est-à-dire un système qui assure l'autofinanc­ement de L’ESS de sorte que des entreprise­s D'ESS financent L’ESS

Faut-il ajouter enfin que la mise en oeuvre de la loi sur L’ESS est tributaire de l'adoption d'un ensemble de textes d'applicatio­n sur label, le conseil supérieur de L’ESS, l'instance tunisienne de L’ESS, les structures représenta­tives de L’ESS, les statuts-type des entreprise­s sociales et solidaire… De même plus des dizaines de textes spécifique­s sur les coopérativ­es, les mutuelles, les associatio­ns, les sociétés… nécessiten­t une actualisat­ion pour qu’ils s'inscrivent pleinement dans les périmètres conceptuel­s de la loi sur L’ESS.

K. B.

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