Banques et institutions financières: impact à retardement
Les banques tunisiennes n’ont pas été directement touchées par la crise du Covid 19. Le FMI a d’ailleurs affirmé la forte résilience des banques face à la crise. Toutefois les économistes pensent autrement pour affirmer qu’elles subiront tôt ou tard les effets collatéraux de cette crise sanitaire. Et c’est à partir de 2021 que son impact sur le secteur financier sera perceptible. Des tensions sur la liquidité et la trésorerie sont prévisibles sur fond de mesures exceptionnelles prises par la Banque Centrale de Tunisie pour voler au secours des entreprises sinistrées et sauver les postes d’emplois. Lesquelles mesures auront un impact inéluctable sur les dépôts, les ratios de rentabilité et de liquidité et par ricochet sur le PNB (produit net bancaire). A l’heure où le gouvernement devrait aider les institutions de crédits de se prémunir contre le risque systémique, au contraire ce dernier s’obstine pour recourir comme d’habitude au bâton fiscal et inflige un impôt complémentaire de 2% sur les banques, les établissements financiers (hors établissements de paiement), les compagnies d’assurance et de réassurance qu’elles soient conventionnelles ou islamiques outre une imposition libératoire des produits de placement à 35%.
Des mesures contre-productives
Ainsi, le gouvernement a décidé, à travers le décret-loi n°2020-30 du 10 juin 2020 publié au JORT du 10 juin 2020, de porter la retenue à la source sur les dépôts à terme et instruments financiers équivalents, dont le niveau de rémunération est supérieur à TMM-1%, de 20 à 35%.
C’est de la rémanence fiscale répliquent unanimement les experts et économistes pour rouspéter ces mesures démesurées et insensées. Des mesures fiscales qui viennent jeter un pavé dans la mare et pénaliser encore une fois l’investissement productif et l’épargne nationale tout en mettant à mal la solidité financière des banques et institutions financières.
Fayçal Derbel, Expert-comptable et député d’ennahdha a tiré à boulets rouges contre le Chef du Gouvernement tout en l‘appelant à revoir ce décret-loi et ces mesures fiscales décrétées en vertu de loi du 10 juin courant qui sont à contre-courant des objectifs annoncés par le gouvernement en relation avec l’appui à l’investissement et à la lutte contre l’évasion fiscale.
Il a décrié ces mesures qui mettront les banques de la place dans une situation très critique appelant le gouvernement à revoir cette décision et à repenser la loi sur l’investissement et les primes qui ont montré leur inefficience. Le député a également critiqué l’emprunt obligataire et solidaire lancé récemment. Une aberration selon lui au moment où le montant de l’emprunt n’a pas été défini.
Selon le dernier rapport de Tunisie Valeurs, l’année 2020 une année cruciale pour les banques qui auront à relever le défi de la gestion des tensions de trésorerie. Le moratoire d’échéances (pour une période allant de 3 à 7 mois) décrété par la BCT en faveur des entreprises et des particuliers mettra à rude épreuve la liquidité des banques.
Pis encore : « C’est à partir de 2021 que les « dégâts » de la crise sanitaire commencent à être de plus en plus perceptibles dans les comptes des banques. Le ralentissement de l’activité économique subi en 2020, ses effets sur la distribution des crédits et de la collecte, la baisse du volume des transactions et l’abaissement du taux directeur devraient se transmettre peu à peu le PNB de 2021.
Par ailleurs, en cas de non-reconduction des mesures exceptionnelles touchant le traitement des créances classées, les banques devraient faire face à une dégradation de leur qualité du portefeuille et à une flambée du coût du risque, plombant ainsi leur rentabilité », estime la même source dans sa note intitulée : Covid19 : un séisme financier inédit. A court de financement extérieur et pour renflouer les caisses, le gouvernement « fidèle » aux sentiers battus recourt pour la énième fois au sempiternel bâton fiscal.
Tant pis pour les contribuables qui casquent en fin de compte et « tat mieux » pour les fraudeurs et les évadés fiscaux pour en profiter à satiété.