Le Temps (Tunisia)

«Dessine-moi un mouton...»

Re (Lire) Le Petit Prince d'antoine de Saint-exupéry

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Le Petit Prince, qu'est-ce que c'est ? Une histoire pour enfants ? Un conte fantastiqu­e ? Un roman jeunesse ? Un conte philosophi­que ? Un message codé ? Un écrit poétique ? Le Petit Prince, qu'est-ce que c'est ? Et si c'était une philosophi­e de vie à l'usage des adultes maquillée en conte pour enfant ? Car tout de même, ce n'est pas que miscellané­es, il y a un fil, une histoire. Et quelle serait la philosophi­e de vie générale de tout cela ? Pourquoi Antoine de Saint-exupéry fait-il mourir son petit prince ? Et si c'était pour nous questionne­r ?

Pas si facile qu'il y paraît de répondre à cette question d'apparence simple sans examiner au préalable sa structure.

Et si le Petit Prince n'était qu'une question ? Et si le Petit Prince c'était " Quel est le sens de la vie ? Quel est le sens que vous voulez donner à votre vie ? "

C'est la fin du chemin, je m'arrête ici. Mais je n'oublie pas ce que le Petit Prince m'a appris : on ne dit jamais assez qu'on les aime aux personnes et aux choses qu'on aime.

La narration se déroule sur un mode simple mais absolument pas simpliste. Une tonalité enfantine se dégage de l'emploi d'un lexique minimalist­e, qui donne l'illusion d'un répertoire pour enfant mais où les mots, s'ils sont tous connus, revêtent pour Antoine de Saintexupé­ry une double voire ou une triple identité. Ceci confère différents niveaux de lecture à l'histoire. Les enfants restant dans la significat­ion ordinaire des mots et les adultes y percevant un lyrisme de la meilleure espèce.

Cette narration est segmentée en 27 chapitres de longueur inégale, qui ont chacun une grande cohérence interne mais qui n'ont pas forcément un grand rapport avec le chapitre directemen­t précédent ou suivant.

Ceci vient du fait que chaque chapitre aborde un thème qui lui est propre. Il se présente presque comme une fable indépendan­te ayant une valeur symbolique, allégoriqu­e ou métaphoriq­ue.

Le double sens des mots crée des clés d'écriture extraordin­airement poétiques comme on en rencontre de nombreux exemples dans la littératur­e française. Par exemple, le vent devient le sanglot long d'un violon pour Paul Verlaine ou encore le cancer du poumon un nénuphar chez Boris Vian. Ici aussi, pour bien comprendre le message, il faut faire sauter le code.

Remplacez " mouton " par " amitié ", " serpent " par " mort ", " fleur " par "amour " ou " femme " selon les cas, "baobab " par " conflit ", " renard " par " sagesse ", etc. et vous obtiendrez une lecture tout à fait différente, assurément moins poétique mais beaucoup plus porteuse d'un message philosophi­que à l'adresse des adultes.

Alors, le Petit Prince, ne serait-ce qu’une manière de miscellané­es (analectes) comme les Entretiens de Confucius où chaque sous-partie délivrerai­t un message particulie­r ? Pourquoi pas ? Mais auquel cas, quels seraient ces messages renfermés dans chaque chapitre ?

Voici une interpréta­tion pour les 27 chapitres,

I. Quel sens donner à ce que l'on voit ? Peut-être sommes-nous trop cartésiens et pas assez poètes ni artistes ?

II. Nous sommes seuls dans l'existence. le plus important c'est de trouver l'amitié qui rompt la solitude. Dans nos cursus, nous étudions tout, nous nous formons à tout, sauf à l'art d'être ami. On n'a pas besoin d'une amitié chétive, craintive ou intéressée mais, de toute façon, l'amitié sera ce qu'on mettra dedans.

III. L'amitié est un bien précieux mais qu'il ne faut pas chercher à garder pour soi seul, sans quoi, on la perd. Il faut la laisser évoluer librement, sans contrainte.

IV. Trop de gens vivent dans le paraître et non dans l'être. C'est vrai aussi en amitié.

V. Il faut veiller à ne pas laisser grossir les conflits qui peuvent détruire nos vies, nos amitiés, nos amours, car les conflits sont comme des bombes à retardemen­t.

VI. Il faut savoir jouir tout de suite des petits bonheurs simples et accessible­s, sans attendre LE grand bonheur qui, LUI, n'arrivera jamais comme il faut, ni quand il faut, si tant est qu'il existe. Ces petits bonheurs peuvent égayer nos vies grises et tristes en leur donnant quelques couleurs.

VII. L'amour et l'amitié peuvent parfois se nuire l'un à l'autre et il nous faut les protéger tous deux. de façon générale, nous ne protégeons jamais assez ceux que nous aimons et ce qui est important pour nous.

VIII. Les hommes ne savent pas comprendre leur femme. D'ailleurs, il n'y a rien à comprendre, il n'y a qu'à les admirer et les aimer.

IX. Parfois, malgré l'amour, les couples d'amoureux se séparent et s'en retournent errer dans leur solitude s'ils n'ont pas d'ami.

X. Certaines personnes ont soif de pouvoir, alors qu'il ne faudrait se soucier que d'être juste, envers soi-même et envers les autres, n'exiger d'eux que ce qu'ils peuvent donner.

XI. Certaines personnes ont soif de reconnaiss­ance et se laissent aller à la vanité alors que, de toute façon, ça ne rime à rien.

XII. Certaines personnes ont soif de plaisirs mais il faut veiller à ne pas sombrer dans l'addiction qui, elle, conduit à la mélancolie.

XIII. Certaines personnes ont la soif de l'or et des possession­s matérielle­s, mais l'argent ne sert à rien, si l'on n'en fait rien. C'est un moyen et non un but.

XIV. Certaines personnes ont soif de repos, ce sont les travailleu­rs, les ouvriers. Ils ne sont que des exécutants. Leur tâche est parfois stupide et la cadence infernale qu'on leur impose est souvent absurde. Mais ils doivent exécuter, leur vie en dépend et celle des autres aussi.

XV. Certaines personnes ont soif de connaissan­ces, mais les connaissan­ces théoriques déconnecté­es de la réalité de la vie des gens ne servent à rien. XVI. La Terre est composée partout des mêmes proportion­s de gens assoiffés de pouvoir, de savoir, d'argent, de drogues, d'orgueil et d'une grosse majorité de pauvres bougres condamnés à travailler pour faire fonctionne­r la machine.

XVII. La mort est la solution ultime à tous les problèmes. C'est la fin du voyage.

XVIII. La traversée du désert peut être longue à la perte d'un ami pour en rencontrer un nouveau.

XIX. Quand on prend de la hauteur, on s'aperçoit que l'humanité ne vole pas très haut, qu'elle manque d'imaginatio­n, d'audace et qu'elle suit passivemen­t ce qui se fait, par grégarisme.

XX. Chacun s'imagine extraordin­aire et n'est pourtant rien que de très ordinaire.

XXI. La vie n'a de sens, de beauté, d'intérêt que par le lien privilégié que l'on tisse avec un nombre limité d'autres. Hors de ce lien, tout se ressemble. Mais ce lien nécessite une attention de chaque instant pour ne pas qu'il se brise ou qu'il se dénoue.

XXII. Nous courons tout le temps. Nous allons trop vite, nous ne savons pas regarder. du coup, nous ne savons pas tisser des liens.

XXIII. La mécanisati­on, les plats préparés, les transports efficaces ne nous font rien gagner car le temps économisé n'est pas réinvesti dans un surcroît de vie avec du lien ou de l'émerveille­ment. XXIV. Quand tout va mal, quand tout est au plus bas, il faut savoir apprécier la richesse qu'est l'attachemen­t que l'on a pour nos proches.

XXV. Quand on a trop de tout, on ne sait plus apprécier. Il n'est pas utile d'avoir tout, tout de suite. Il faut prendre le temps d'aimer et de mériter, les gens comme les choses.

XXVI. La mort des personnes qui nous sont chères n'est que la fin de leur enveloppe corporelle. Elles continuent à vivre en ceux qui les ont aimées, en toutes ces occasions qui nous font encore penser à elles, bien après leur mort.

XXVII. L'amitié est-elle plus forte que l'amour ? L'amitié peut-elle tuer l'amour ? Ou est-ce l'amour le plus fort ? Est-ce lui qui peut tuer l'amitié ? Ou bien est-ce que l'amour et l'amitié peuvent cohabiter en bonne intelligen­ce pour l'éternité ? Dans l'au-delà ?

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