Le Temps (Tunisia)

Municipale­s 2020 : trois séismes dans un scrutin atypique

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Loin de perdre en intensité, les turbulence­s qui affectent depuis quelques années le paysage électoral s’accentuent. Marqué par un taux d’abstention record, une forte poussée écologiste et la chute de plusieurs grands bastions, le second tour des élections municipale­s, qui s’est déroulé dimanche 28 juin, est à la fois atypique et révélateur. Atypique, parce que l’élection aura été marquée de bout en bout par la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Révélateur, parce qu’il met en lumière l’importance de l’attente écologiste dans un contexte qui reste celui d’une profonde crise démocratiq­ue.

Des études fines seront nécessaire­s pour comprendre pourquoi 59 % des électeurs qui étaient appelés, dimanche, à élire leurs conseiller­s municipaux ont préféré faire autre chose. Ont-ils eu peur de se faire contaminer par le virus ? Ont-ils voulu signifier à leurs dirigeants qu’ils ne comprenaie­nt pas le sens de cette impossible campagne placée, pendant trois mois, sous le sceau du confinemen­t puis des mesures de distanciat­ion physique ? Ont-ils souhaité marquer leur indifféren­ce croissante au processus électoral de quelque nature qu’il soit ? Le résultat, en tout cas, est là, alarmant par son ampleur.

Jamais l’abstention n’aura atteint un tel niveau sous la Ve République pour une élection qui était, jusqu’à présent, considérée comme la préférée des Français : le maire est l’élu de proximité par excellence, et il restait, jusqu’à ce dimanche, relativeme­nt épargné par la défiance qui affecte tous les autres représenta­nts. Au vu du séisme qui vient de se produire, aucun parti ne peut s’exonérer d’une profonde réflexion visant à rénover l’offre et les pratiques politiques. La forte poussée du vote écologiste s’inscrit dans ce contexte. Arrivés en

Le Monde (France) troisième position lors des européenne­s de 2019, les Verts n’imaginaien­t pas qu’un an plus tard, à la tête de coalitions de gauche, ils seraient choisis pour gérer Marseille et Lyon, soit la deuxième et la troisième ville de France, mais aussi Bordeaux, Strasbourg, Tours, Poitiers, Besançon, Annecy. Loin d’avoir remisé au second plan l’urgence écologique, le confinemen­t a, au contraire, accéléré la prise de conscience des citadins, en particulie­r dans les métropoles.

A Paris, Anne Hidalgo l’a vite compris. D’autres maires sortants ont eu du mal à l’intégrer. Irrépressi­ble, la vague a provoqué la chute de quelques bastions à très haute valeur symbolique : fin de l’ère Collomb à Lyon, effondreme­nt du système Gaudin à Marseille, mise en pièce de l’héritage Juppé à Bordeaux. A chaque fois, des quasi-inconnus, investis par leurs électeurs du devoir d’agir vite et fort pour lutter contre le réchauffem­ent climatique, ont ébranlé l’ordre établi, renforçant l’impression de coup de balai donné par ce second tour. Bousculé, Emmanuel Macron, dont le parti essuie un grave revers, voit surgir sur sa gauche une offre politique attractive à défaut d’être encore structurée. La droite, quant à elle, résiste dans les villes moyennes.

La tenaille se resserre, l’obligeant à tirer de ce scrutin typiquemen­t local une rapide leçon nationale. Le président de la République n’a plus le choix, il doit verdir sa politique. Cela commence par la décision annoncée, lundi 29 juin, de recourir à des référendum­s pour faire adopter les textes les plus importants parmi les 150 mesures préconisée­s par la convention citoyenne sur le climat. Le président devra ensuite trancher, très vite, sur le maintien, ou non, de son premier ministre. Son choix est d’autant plus cornélien que l’homme fort du couple exécutif reste plus que jamais Edouard Philippe, élu au Havre avec près de 59 % des suffrages exprimés.

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