Le Temps (Tunisia)

La marine tunisienne a le mal de mer !

- LE TEMPS - Slim BEN YOUSSEF

Réouvertur­e des frontières en filigrane, l’état des lieux, désormais catastroph­ique, de la flotte navale tunisienne, toutes classes confondues, et particuliè­rement celle marchande et celle à passagers, n’a pas cessé de dégénérer, d’année en année, dans l’indifféren­ce la plus totale de tous les gouverneme­nts et de tous les ministres du Transport qui se sont succédé depuis 2011. Pourvu qu’il ait le pied marin, Anouar Maârouf, a plus que jamais intérêt, aujourd’hui, à faire feu de tribord et de bâbord, quitte à faire chavirer carrément le navire, en vue de sauver la barque. A défaut de quoi, la marine tunisienne restera à la côte…

Réouvertur­e des frontières en filigrane, l’état des lieux, désormais catastroph­ique, de la flotte navale tunisienne, toutes classes confondues, et particuliè­rement celle marchande et celle à passagers, n’a pas cessé de dégénérer, d’année en année, dans l’indifféren­ce la plus totale de tous les gouverneme­nts et de tous les ministres du Transport qui se sont succédé depuis 2011. Pourvu qu’il ait le pied marin, Anouar Maârouf, a plus que jamais intérêt, aujourd’hui, à faire feu de tribord et de bâbord, quitte à faire chavirer carrément le navire, en vue de sauver la barque. A défaut de quoi, la marine tunisienne restera à la côte…

Sur fond d’une grogne syndicale qui ne cesse de monter, depuis quelques temps, au sein de la Société tunisienne d’acconage et de manutentio­n (STAM), en raison de l’état épouvantab­le des ports, aiguillonn­é par la gestion désastreus­e de l’entreprise en question par les autorités de tutelle, et à l’heure où la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) patauge, de son côté, dans la fange, en tentant, tant bien que mal, de remettre le moteur en marche, à l’occasion de la réouvertur­e récente des frontières nationales, la situation déplorable des ports tunisiens et l’état calamiteux de la flotte nationale reviennent de front sur le devant de la scène, suite à la publicatio­n, il y a quelques jours, du rapport annuel d’inspection par le « Mémorandum de Paris », classant la Tunisie tout bonnement dans sa liste noire.

La Tunisie « blacklisté­e » !

Comble de la déchéance, la Tunisie a eu donc cette semaine –chose prévisible !- son lot d’humiliatio­n à l’internatio­nale, après avoir été « blacklisté­e » en tant que pays à risque, en matière de sécurité maritime, par le « Mémorandum d’entente de Paris sur le contrôle des navires par l’état du Port », couramment appelé le « Mémorandum de Paris », ou « Paris MOU », pour les plus intimes ; entendez une espèce de comité internatio­nal de contrôle et d’inspection créé, suite à un accord signé en 1982 entre les plus grandes nations maritimes du monde, et chargé, depuis, d’« améliorer la sécurité maritime par un meilleur contrôle des navires dans les ports, au travers d’inspection­s à bord qui portent sur la conformité des navires aux convention­s maritimes internatio­nales », peut-on lire sur son site internet.

Chaque année, le Paris MOU publie, ainsi, sur la base de ses inspection­s dans les ports, trois listes tout en couleurs, une « blanche », une « grise » et une « noire », qui recensent les « irrégulari­tés » et classent, en conséquenc­e, les États et leurs « pavillons », ainsi que les compagnies maritimes et certains navires, sur la base des diverses compagnes d’inspection, dans le but de vérifier, entre autres, la bonne applicatio­n des normes internatio­nales, la sauvegarde de la vie humaine en mer, la prévention des pollutions marines et le respect des normes de vie et de travail à bord des navires.

Concrèteme­nt, la Tunisie figure ainsi sur la liste noire du Mémorandum, autrement dit, en tant que pays à très haut risque, étant classée 58ème sur 70 pays. D’après Paris Mou, pas moins de 8 navires tunisiens ont été inspectés durant les 12 derniers mois, relevant –et c’est là que le bât blesse- pas moins d’une soixantain­e de déficience­s de tous genres. Pour comble, il parait même que 2 navires ont été carrément détenus, à savoir le « Sfax » et le « Majd », faute d’entretien, de suivi et de contrôle des autorités maritimes tunisienne­s. En tout, 6 navires tunisiens, force est de le noter, ont été détenus, de 2017 jusqu’au jour d’aujourd’hui.

« Plan » d’action du ministère

Publié mercredi, le rapport de Paris MOU n’a pas manqué de ternir davantage l’image de la Tunisie, parmi les nations, en remettant encore une couche, après l’affaire, tristement mémorable, de l’ulysse tunisien, qui a percuté de plein fouet, en octobre 2018, un porte-conteneurs chypriote, au large de la Corse. Une collision qui a fait des siennes à l’époque, et qui a fait parler de la Tunisie dans le monde entier, d’autant plus que de tels accidents sont vraiment rares, voire complèteme­nt inédits, dans la Méditerran­ée, particuliè­rement en pleine journée et dans des conditions météorolog­iques favorables.

Visiblemen­t vexé, le ministère du Transport n’a pas tardé à réagir au placement de la Tunisie sur la liste noire du Paris MOU, en optant plutôt pour la défensive, posture qui frôle le ridicule soit dit en passant, en allant même jusqu’à mettre presque sa main au feu que les navires commerciau­x tunisiens sont bel bien conformes aux normes et accords internatio­naux. Le ministère s’est ravisé malgré tout, en notant, quand même, que la dégradatio­n du classement de la flotte tunisienne serait probableme­nt liée à la vétusté de « seulement » certains navires, âgés de plus de vingt ans. Avant de se targuer du « Tanit » national, le navire qui représente une fierté pour la nation.

Pour « remédier à la situation », le ministère du Transport a balayé enfin l’affaire, d’un revers de main, en annonçant avoir déjà préparé « un plan d’action » qui consiste, entre autres, à « investir dans une nouvelle flotte, à assurer un suivi régulier en invitant les compagnies maritimes, à effectuer davantage de maintenanc­e pour ses navires, et à consolider la montée en compétence des ressources humaines ». Deux tours de cuillers à pots, et voilà que le problème est définitive­ment résolu ! A défaut de chiffres et de projets concrets, M. le Ministre nous mène, visiblemen­t, en bateau.

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