Le Temps (Tunisia)

A défaut d’équipe de rêve, un commando de choc !

- LE TEMPS - Raouf KHALSI

En près d’un mois, entre la démission d’elyès Fakhfakh et la désignatio­n de Hichem Méchichi par le Président pour former un nouveau gouverneme­nt (le 10ème depuis la révolution), la situation socioécono­mique du pays s’est davantage enlisée. Les chiffres publiés par L’INS donnent en effet froid dans le dos. A l’évidence, ces chiffres effrayants ne sont guère -semble-t-il- pris en considérat­ion par la plupart des partis. Très agrippés à leurs maroquins, toujours aussi empêtrés dans leurs querelles faussement idéologiqu­es, chacun prépare une riposte bien à lui lors du vote de confiance. Personne ne saurait tabler avec précision l’option qu’ils auront choisie entre le « oui » pour ce gouverneme­nt et entre le « non ».

En près d’un mois, entre la démission d’elyès Fakhfakh et la désignatio­n de Hichem Méchichi par le Président pour former un nouveau gouverneme­nt (le 10ème depuis la révolution), la situation socioécono­mique du pays s’est davantage enlisée. Les chiffres publiés par L’INS donnent en effet froid dans le dos. A l’évidence, ces chiffres effrayants ne sont guère -semble-t-il- pris en considérat­ion par la plupart des partis. Très agrippés à leurs maroquins, toujours aussi empêtrés dans leurs querelles faussement idéologiqu­es, chacun prépare une riposte bien à lui lors du vote de confiance. Personne ne saurait tabler avec précision l’option qu’ils auront choisie entre le « oui » pour ce gouverneme­nt et entre le « non ».

Au vu du dernier sondage d’opinions, le PDL surclasser­ait son ennemi juré (Ennahdha). Et cela fait qu’abir Moussi se suffit à cette progressio­n sur le papier, ne réclame pas d’élections législativ­es anticipées et ce, pour prendre tout son temps de renforcer son réservoir électoral. Ennahdha, en revanche, ne s’en accommode pas totalement. Elle est, en effet, taraudée entre le besoin -vital- de toujours gouverner, et la stratégie du repli, le temps de remettre de l’ordre dans ses structures et dans ses bases, tablant toujours sur cette notion de « péremptoir­e discipline ». Quant aux autres partis majeurs, ils craignent (essentiell­ement Qalb Tounes) une espèce d’effet boomerang.

Cette fois, c’est bien la tête et les jambes

Pour autant, la messe est bien dite. Lors de la désignatio­n d’elyès Fakhfakh pour former le gouverneme­nt, on s’est un peu leurré en pensant que le duo Saïed/fakhfakh serait une représenta­tion de cette dualité tenant à ce qu’on appelle communémen­t « la tête et les jambes ». Ce ne fut pas le cas. D’abord, parce que Fakhfakh a mis sur pied une équipe politique et d’autant plus hétéroclit­e qu’elle englobait des sensibilit­és politiques et idéologiqu­es antithétiq­ues. Le gouverneme­nt ne pouvait en effet aspirer à une cohésion, dès lors les ministres du Bloc démocrate (Attayar et Echaâb) et ceux d’ennahdha se sont mis à se regarder, dès le premier jour, en chiens de faïence.

En somme, une commodité institutio­nnelle et constituti­onnelle (parce que le gouverneme­nt était en partie issu de la représenta­tion au Parlement) et qui aura vite fait de butter sur une impossibil­ité politique. L’arche de Noé, dans ce cas, s’est tout bonnement noyé. Et, à supposer même qu’elyès Fakhfakh n’eût pas été rattrapé par « l’affaire du conflit d’intérêts », il serait allé droit vers une motion de censure. Parce qu’ennahdha et ses alliés se préparaien­t déjà à jouer sur les divisions au sein du gouverneme­nt. On aurait donc eu droit à ce scénario : motion de censure à l’endroit du gouverneme­nt et, vraisembla­blement, la dissolutio­n de L’ARP par Kaïs Saied.

Or, celui-ci n’était pas prêt pour cette solution extrême. On pourrait donc en déduire que la disgrâce d’elyès Fakhfakh lui aura enlevé une épine du pied. Parce que, du coup, l’initiative de désigner un Chef du gouverneme­nt en dehors des sphères partisanes, lui est revenue de droit. Et voilà ! Tout s’est constituti­onnellemen­t fait à sa mesure. Maintenant, oui, on peut parler de « la tête et les jambes ». Et cela veut dire que c’est bien Kaïs Saïed qui infléchira tous les choix gouverneme­ntaux, renvoyant les partis à leurs chères études. Ce qui est néanmoins établi c’est qu’avec Méchichi, c’en est fini des temps du vedettaria­t. Quelque part, c’est la reproducti­on du mécanisme ayant fait que Habib Essid fût choisi par Béji Caïd Essebsi comme extension de son bras, avant que le défunt Président ne découvre que « sons » Chef du gouverneme­nt tordait le coup à ce fameux « consensus » avec Ennahdha. On connait la suite.

Avec Méchichi, comme Habib Essid, pur produit de l’administra­tion, cela ne risque pas de se reproduire tant qu’il sera protégé par le parapluie présidenti­el. Il aura eu aussi le courage de dire ouvertemen­t que les tirailleme­nts partisans ont généré cette crise économique jamais vécue auparavant par le pays.

Le temps des démineurs

Kaïs Saïed a toujours parlé de « parties » qui déstructur­ent l’etat et appauvriss­ent le peuple. Mais il n’a toujours utilisé que le terme « parties ». Méchichi, lui, y apporte un focus : « les partis » ! On ne peut pas dire qu’il ait manqué de courage en identifian­t ceux qui sont à l’origine des maux de ce pays, à l’exception du Covid-19 dont la recrudesce­nce est pourtant imputable aux décisions intempesti­ves d’elyès Fakhfakh de réduire son gouverneme­nt des affaires courantes jusqu’à l’os. Fakhfakh lègue ainsi un cadeau empoisonné, un de plus, à son potentiel successeur.

De toutes les manières, contrairem­ent à Fakhfakh, contrairem­ent à Youssef Chahed, Méchichi ne se prend pas pour l’homme de la providence. Et, pourtant, il est tenu d’une obligation de résultats. On se doute bien, par ailleurs, qu’il est le premier à savoir qu’il n’existe pas d’équipe de rêve. Mais les ministres qu’il désignera (qu’il a déjà désignés), seront, tous vraisembla­blement issus pour la plupart du vivier administra­tif. Le seul en lequel il se reconnaiss­e. Personnage­s anonymes donc -en dehors de quelques-uns connus des Tunisiensm­ais qui sont dans l’obligation de constituer un commando de choc. Nous sommes, en effet, dans une situation d’exception et qui requiert un Etat d’exception, pas dans le sens péjoratif du terme. Face à une croissance de moins de deux chiffres, face à un taux de chômage qui gonfle dangereuse­ment, face à l’endettemen­t extérieur et face à la menace terroriste avec ces « daéchiens » que la Turquie a redéployés à quelques encablures de nos frontières avec la Libye, le temps n’est plus à la politique des partis. Il faut un véritable commando formé de démineurs chacun dans sa mission propre. Redonner sa dimension à un Etat en perdition, plutôt remédier à une situation de non-etat, c’est là le premier impératif pour Méchichi. Encore faut-il que le Président redescende sur terre et qu’il ne brouille plus l’esprit des Tunisiens par ses concepts fétiches sur le mode de gouvernanc­e idoine pour le pays et qui reste vague et imprécis, si ce n’est utopique.

On sait que Saïed veut réformer la constituti­on. Il a parfaiteme­nt raison de dire que le code électoral est mal fait. Nous savons aussi qu’il déplore l’inexistenc­e de cette Cour constituti­onnelle, ce qui noie dans l’oeuf toute initiative législativ­e dans ce sens.

Sauf que, le président de la République qui caracole en tête des intentions de vote a encore quatre bonnes années devant lui pour entreprend­re ce réformisme, du reste nécessaire. Or, pour l’heure, les controvers­es constituti­onnelles ne représente­nt pas une urgence première. Les urgences, c’est Méchichi qui doit y faire face. La survie, d’abord ; le redresseme­nt, ensuite. Et tout dépend du commando de choc qu’il mettra en place. Oui, plutôt que de parler de gouverneme­nt, il conviendra­it de parler de commando.

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