Le Temps (Tunisia)

Les défis de la France au Sahel

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Le Monde(france)

Jamais, sauf en cas de poursuite des assaillant­s, des Occidentau­x n’avaient été abattus de sang-froid au Niger depuis le début des attaques islamistes. Pour la France, ancien colonisate­ur et pays d’émigration, le cauchemar du djihadisme africain est loin d’être terminé.

Dans la litanie mortifère des attaques djihadiste­s au Sahel, le meurtre, dimanche 9 août, non loin de Niamey, au Niger, de six travailleu­rs humanitair­es français, de leur chauffeur et de leur guide nigérien, ne représente pas seulement une énième tragédie consécutiv­e à la contaminat­ion de l’afrique de l’ouest par le terrorisme islamiste. C’est aussi, à la fois par le mode opératoire utilisé et par le lieu de l’attaque, un nouveau défi lancé à la France, dont les 5 100 militaires de l’opération « Barkhane » mènent la bataille contre les djihadiste­s, en lien avec les armées africaines.

Jamais, sauf en cas de poursuite des assaillant­s, des Occidentau­x n’avaient été abattus de sang-froid au Niger depuis le début des attaques islamistes, il y a une quinzaine d’années, dans le sillage de la guerre civile algérienne. Les terroriste­s avaient-ils prémédité la tuerie visant des « Blancs » en escapade dominicale dans la réserve de girafes de Kouré ? Ou – cas de figure le plus probable – s’agit-il d’une rencontre fortuite transformé­e en « opportunit­é » pour signifier à coups de balles dans la tête le premier message des djihadiste­s : l’insécurité de la région pour tous les Occidentau­x et pour les Africains qui refusent de se plier à leur loi ? Toujours est-il que, dans son extrême brutalité, le scénario de dimanche tranche avec la pratique des enlèvement­s visant le versement d’une rançon.

Le Niger, où l’agression s’est produite, faisait figure de relatif modèle parmi les pays de la région, l’etat ayant intégré des représenta­nts des minorités (Touareg, Peuls, Arabes) à ses institutio­ns et possédant des relais locaux aptes à arbitrer les conflits. Les groupes djihadiste­s semblent avoir court-circuité les représenta­nts de l’etat dans cette tâche fondamenta­le pour la paix civile, imposant leur joug par des tueries de fonctionna­ires ou de simples civils et jouant sur la complicité de population­s terrorisée­s. Par des massacres de militaires, ils ont aussi déstabilis­é l’armée nigérienne, déjà affaiblie par les détourneme­nts des budgets d’aide versés par les Occidentau­x – Américains en tête – au titre de la lutte antiterror­iste.

La présence de djihadiste­s aux abords de Niamey, loin de leurs bases au Mali ou plus au nord du Niger, semble confirmer l’extension de leur implantati­on et leur montée en puissance. Elle pourrait aussi s’expliquer paradoxale­ment par les succès de « Barkhane » au Mali, qui obligent les groupes terroriste­s à se disséminer. Mais, si l’intensific­ation des opérations militaires produit ce type d’effet pervers, quelle alternativ­e à la force armée est-elle crédible ? Nécessaire, une solution politique fondée sur le développem­ent suppose des années de transition. Quant au retrait pur et simple, on en devine la conséquenc­e rapide : l’instaurati­on d’un émirat islamique dans l’immense Sahel, dont les population­s habituées à un islam tolérant, seraient les premières victimes, les femmes en particulie­r, et dont les effets seraient ravageurs, non seulement pour l’afrique mais, par le biais de l’immigratio­n, pour l’europe.

Le défi vise en premier lieu la France, ancien colonisate­ur et pays d’émigration. La déstabilis­ation de la zone sahélienne accroît les tensions dans toute l’afrique de l’ouest et singulière­ment le risque de basculemen­t du pays francophon­e le plus atteint, le Mali, où un imam salafiste, Mahmoud Dicko, souffle sur les braises de la colère sociale et se pose en alternativ­e à un pouvoir civil déconsidér­é. Pour Paris, le cauchemar du djihadisme africain est loin d’être terminé.

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