Nuisance écologique et soupçons de lobbying… à chaux et à ciment !
L’arrêté sur l’emballage en plastique provoque le tollé :
Secoué au fil des mois par une série de scandales ministériels, la Q5 de Makhlouf en amont et la louche transaction des bavettes en aval, puis assommé enfin par une affaire de conflit d’intérêt visant carrément son président, le gouvernement Fakhfakh, touchant pourtant à sa fin et réduit à expédier les affaires courantes, se retrouve, encore une fois, en proie aux clameurs. Au coeur de la polémique : un arrêté ministériel autorisant l’emballage en plastique dans l’industrie du ciment. Anti-écologique par excellence, l’arrêté n’a pas manqué d’éveiller les suspicions autour d’une présumée histoire de lobbying et de retour de faveur.
Daté du 5 août dernier, un arrêté conjoint entre le ministère de l’industrie et celui du Commerce permet désormais aux industriels du bâtiment d’emballer le ciment dans des sacs en plastique, abrogeant par la même occasion les dispositions d’un arrêté antérieur, à forte vocation écologiste, imposant plutôt l’emballage en carton, comme unique moyen d’empaquetage. Pourtant, traités écologiques et conventions internationales obligent, la Tunisie s’est toujours montrée engagée, du moins sur le papier, dans la lutte contre l’usage massif, et non moins nocif, du plastique, afin de préserver l’environnement.
Ainsi, et en dépit de toutes les lois relatives à la protection de l’environnement, promulguées à propos et bannissant l’usage du plastique dans plusieurs secteurs, le gouvernement tunisien se retrouve donc, une fois de plus, au coeur de la controverse, dans une énième démarche étrange et non moins contradictoire, laissant forcément libre cours à toute sorte de soupçons et d’accusations de la part d’une opinion publique nationale, plus que jamais défiante et suspicieuse.
Yassine Ayari accuse
Suite à la publication de l’arrêté en question, le député Yassine Ayari, réputé par ses postures « investigationnistes », a été le premier, en effet, à crier au scandale, en pointant du doigt le caractère étrange et suspect d’une telle mesure. Les suspicions de l’élu, qui ont très vite trouvé écho sur les réseaux sociaux, provoquant tout de go un vaste tollé de réprobation, se reposent principalement tant sur le timing louche que sur le caractère contradictoire et l’incidence anti-écologique de la mesure en question.
Pour Ayari, il n’y aurait aucun doute là-dessus : le « lobby du ciment » tire les ficelles derrière ces nouvelles dispositions. Le député ira même plus loin, recoupements obligent, en accusant ouvertement le parti Attayar d’être complice d’une opération de lobbying et de retour de faveur, en révélant l’implication d’un homme d’affaire, spécialisé dans l’emballage en plastique, qui aurait, toujours d’après Ayari, financé la campagne électorale d’attayar.
Dans le même contexte, Ayari n’a pas manqué d’en remettre encore une couche, en assurant avoir été contacté par Chokri Belhassan, ministre de l’environnement, qui selon le député, aurait émis un avis défavorable à ses collègues au sujet de l’arrêté en question.
Attayar joue le béton
Réfutant en bloc les allégations de Yassine Ayari, Attayar n’a pas tardé de fustiger ce dernier, dans un communiqué, en l’accusant de diffamation et de diffusion de fausses informations. Le parti de Mohamed Abbou a expliqué, par ailleurs, que l’homme d’affaire en question avait « seulement » mis à la disposition d’attayar un appartement en contrepartie d’un loyer de 2500 dinars par mois pour sa campagne électorale, précisant que la somme n’a pas été encore réglée.
Dans le même cadre, le ministre de l’industrie, également membre d’attayar, Salah Ben Youssef, s’est trouvé de son côté, au coeur des accusations, étant suspecté de détenir des actions dans l’entreprise de l’homme d’affaire en question. Dans une déclaration aux médias, le ministre a nié en bloc les accusations de conflit d’intérêt. Avant d’argumenter que l’emballage en plastique permettrait de réduire drastiquement les coûts de l’industrie du ciment, un secteur en crise d’après le ministre. Et d’expliquer : « les coûts ont augmenté considérablement depuis la suspension des subventions sur l’électricité à destination du secteur en question ». En réaction aux déclarations du ministre et revenant sur l’arrêté ministériel sur l’utilisation des sacs en plastique dans l’emballage du ciment, la Chambre syndicale des fabricants des sacs en carton, est montée au créneau, mercredi, pour dénoncer l’impact de cette décision sur leur secteur. Avant de démentir publiquement les propos du ministre de l’industrie sur la « présumée » crise du secteur du ciment. « Les cimenteries publiques sont les seules qui sont en train de perdre de l’argent », a grogné Lotfi Houimli, président de la chambre syndicale des fabricants de sacs en carton, dans une déclaration aux médias. Décidément, la polémique ne fait que commencer.