Le Temps (Tunisia)

Extraits du roman

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« Après j’ai essayé de me faire remarquer autrement. J’ai commencé à chaparder dans les magasins, une tomate ou un melon à l’étalage.

J’attendais toujours que quelqu’un regarde pour que ça se voie.

Lorsque le patron sortait et me donnait une claque je me mettais à hurler, mais il y avait quand même quelqu’un qui s’intéressai­t à moi.

Une fois, j’étais devant une épicerie et j’ai volé un oeuf à l’étalage. La patronne était une femme et elle m’a vu.

Je préférais voler là où il y avait une femme car la seule chose que j’étais sûr, c’est que ma mère était une femme, on ne peut pas autrement. J’ai pris un oeuf et je l’ai mis dans ma poche.

La patronne est venue et j’attendais qu’elle me donne une gifle pour être bien remarqué. Mais elle s’est accroupie à côté de moi et elle m’a caressé la tête.

Elle m’a même dit : - Qu’est-ce que tu es mignon, toi ! J’ai d’abord pensé qu’elle voulait ravoir son oeuf par les sentiments et je l’ai bien gardé dans ma main, au fond de ma poche.

Elle n’avait qu’à me donner une claque pour me punir, c’est ce qu’une mère doit faire quand elle vous remarque.

Mais elle s’est levée, elle est allée au comptoir et elle m’a donné encore un oeuf. Et puis elle m’a embrassé.

J’ai eu un moment d’espoir que je ne peux pas vous décrire parce que ce n’est pas possible.

Je suis resté toute la matinée devant le magasin à attendre. Je ne sais pas

ce que j’attendais. Parfois la bonne femme me souriait et je restais là avec mon oeuf à la main.

J’avais six ans ou dans les environs et je croyais que c’était pour la vie, alors que c’était seulement un oeuf.

Je suis rentré chez moi et j’ai eu mal au ventre toute la journée. »

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