Le Temps (Tunisia)

Libye : vers une sortie de crise politique ?

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L'annonce par les deux autorités libyennes rivales d'un cessez-le-feu et de l'organisati­on d'élections a été accueillie avec autant d'espoir que de prudence.

Après seize mois de conflits, les deux camps rivaux en Libye, les pro-haftar et les pro-sarraj, ont annoncé séparément vendredi 21 août la cessation des hostilités et l'organisati­on prochaine d'élections. Une initiative de sortie de crise politique saluée par L'ONU et plusieurs pays arabes et occidentau­x. Mais, pour beaucoup d'experts, le plus dur reste à faire.

Marginalis­ation

Ces annonces surprises intervienn­ent après plusieurs visites de responsabl­es étrangers dans ce pays aux plus grandes réserves de pétrole d'afrique, et devenu une plaque tournante du trafic de migrants vers l'europe. Elles sont les dernières en date d'une série d'accords et d'engagement­s proclamés ces dernières années en vue de sortir le pays du chaos mais restés lettre morte. De plus les nouvelles propositio­ns des rivaux libyens ne sont pas identiques. Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte populaire en 2011, la Libye est en proie à des luttes d'influence et aujourd'hui deux autorités se disputent le pouvoir : le Gouverneme­nt d'union nationale (GNA) de Fayez al-sarraj, basé à Tripoli (ouest) et reconnu par L'ONU, et un pouvoir incarné par Khalifa Haftar, homme fort de l'est soutenu par une partie du Parlement élu et son président, Aguila Saleh.

Dans un communiqué, Fayez al-sarraj, également chef du Conseil présidenti­el qui chapeaute le gouverneme­nt, a appelé à la tenue d'« élections présidenti­elle et parlementa­ires en mars prochain (…) ».

Il a aussi « ordonné un cessez-le-feu immédiat et l'arrêt des opérations sur tout le territoire », ce qui permettra, selon lui, de créer des zones démilitari­sées dans la région de Syrte (nord) et celle de Joufra, plus au sud, toutes deux sous contrôle des pro-haftar.

Débloquer les sites pétroliers

Dans son communiqué, Aguila Saleh, qui dirige le premier Parlement élu en Libye depuis 2011 et est basé dans l'est, a annoncé des élections, mais sans avancer de date, et appelé « toutes les parties à un cessez-le-feu immédiat ». En outre, Saleh ne mentionne pas une démilitari­sation de Syrte et Joufra. Il propose la formation, sans doute après des élections, d'un nouveau Conseil présidenti­el qui serait basé à Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi puis bastion du groupe djihadiste État islamique jusqu'en 2016.

Dans leurs communiqué­s, MM. Sarraj et Saleh ont en outre jugé « nécessaire » la reprise de la production

Le Point.afrique

et des exportatio­ns dans pétroliers.

Celles-ci sont bloquées depuis janvier par les prohaftar, qui contrôlent les sites pétroliers. Les autorités de l'est réclament une répartitio­n équitable des revenus pétroliers gérés par le GNA dans un pays qui dépend entièremen­t de la manne pétrolière pour son économie, très fragilisée.

La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a salué les annonces mais a appelé à ce que « toutes les installati­ons pétrolière­s soient libérées de toute présence militaire » en vue d'une reprise des exportatio­ns.

Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l'institut Clingendae­l de La Haye, « selon toute vraisembla­nce, la mise en oeuvre (des annonces libyennes) sera difficile », a-t-il expliqué à l'agence France Presse. En effet, les ingérences étrangères ont alimenté le conflit en Libye, où le GNA est soutenu par la Turquie et le Qatar, et Khalifa Haftar par l'égypte, les Émirats arabes unis et la Russie.

En juin, le GNA, aidé militairem­ent par l'allié turc, a réussi à repousser une offensive du maréchal Haftar lancée en avril 2019 pour s'emparer de Tripoli. Le GNA contrôle désormais le nord-ouest du pays.

Après leur échec, les pro-haftar se sont repliés vers Syrte (450 km à l'est de Tripoli), verrou ouvrant la voie vers les principaux sites pétroliers et la base aérienne d'al-joufra et marquant une ligne de front à mi-chemin entre Tripoli et Benghazi (est), autre bastion du maréchal Haftar.

Pour l'heure, les combats ont cessé, mais la libre circulatio­n d'armes et de mercenaire­s continue, selon L'ONU.

Malgré tout, la Mission d'appui de L'ONU en Libye (Manul) a accueilli « chaleureus­ement l'entente » interlibye­nne, appelant à « la reprise du processus politique ».

À l'étranger, l'égypte, qui a envisagé un temps de déployer des troupes en Libye voisine, l'a aussi saluée. Le Qatar s'est félicité de la « relance du processus politique ». La France, impliquée dans de précédente­s initiative­s pour un règlement politique, a souligné que ces promesses, jugées « positives », « doivent se matérialis­er sur le terrain ». Le chef de la diplomatie de l'union européenne, Josep Borrell, a abondé dans le même sens en estimant « crucial que toutes les parties s'en tiennent à leurs déclaratio­ns ».

Les Occidentau­x craignent une poursuite du chaos en Libye, devenue, faute d'un pouvoir central structuré, une plaque tournante du trafic de migrants et un repaire pour des groupes djihadiste­s.

Depuis l'accord de Skhirat au Maroc conclu en 2015 sous l'égide de L'ONU, plusieurs initiative­s ont été annoncées pour sortir la Libye de la crise mais n'ont pas été suivies dans les faits. les champs et terminaux

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