Gouvernement Méchichi, vers une gestion collégiale de l’etat !
Et voilà qu'on s'inquiète déjà pour la suite. Les dernières déclarations émanant de certains partis politiques multiplient les mise-en-garde contre l'éventualité de se retrouver, dans quelques semaines ou quelques mois, face à un retour à la case départ : Ennahdha, que l'on continue de draper injustement de parti majoritaire des législatives de 2019, reprendra l'initiative au Président de la République, ce dernier ayant épuisé ses deux cartouches avec Fakhfakh et Méchichi. Que de mystifications en cours de route !
LE TEMPS - Jameleddine EL HAJJI
Et voilà qu’on s’inquiète déjà pour la suite. Les dernières déclarations émanant de certains partis politiques multiplient les mise-en-garde contre l’éventualité de se retrouver, dans quelques semaines ou quelques mois, face à un retour à la case départ : Ennahdha, que l’on continue de draper injustement de parti majoritaire des législatives de 2019, reprendra l’initiative au Président de la République, ce dernier ayant épuisé ses deux cartouches avec Fakhfakh et Méchichi. Que de mystifications en cours de route !
Faut-il rappeler que le parti Ennahdha n’a jamais été un parti « majoritaire » à l’issue des législatives de 2019. Tout au plus, il a eu 52 puis 54 sièges dans une ARP fragmentée comme jamais, en une multitude de groupes de personnes rassemblés autour de questions immédiates, sans le moindre programme concernant la situation du pays. Durant les quelques mois passés, ces groupes parlementaires n’ont jamais pensé, ni réussi, même de loin, à s’unir autour d’un mémorandum de travail, sur le court terme au moins.
La majorité, un grossier mensonge
Admettons que le parti de Ghannouchi est majoritaire, comme il tient à se faire passer, au mépris de l’arithmétique. Il a eu deux opportunités où il a pris seul les commandes. La première tentative, celle de Jemli, a été un échec retentissant, en ce sens qu’elle fut étouffée dans l’oeuf. La seconde a été plus riche en rebondissements, celle d’elyès Fakhfakh, bien que ce dernier ait été désigné par le Président de la République. En envahissant son cabinet par huit ministres d’ennahdha, son gouvernement n’a pu éviter les soubresauts d’une classe politique de moins en moins crédible. Durant cette période Ennahdha et ses satellites, comme El Karama et Qalb Tounes, ont défendu des choses et leurs contraires, à ne plus savoir où est-ce qu’ils veulent en venir. C’est dans cette ambiance de désespoir que le Président de la République a repris la baguette en désignant Hichem Méchichi.
Bien que le message derrière cette désignation soit criant en défaveur des partis politiques, ces derniers, et en particulier
Ennahdha et ses suivants sont allés à Dar Dhiafa, non pas pour discuter des perspectives de reprise économique ou de réformes sociales. Ils étaient là afin de « négocier » des postes contre ce qu’ils appelaient leur « soutien » au gouvernement à L’ARP. Dans ce même chapitre, nous avons eu droit à certaines déclarations qui puaient le chantage et la menace contre la personne du chef de l’etat, et la Présidence de la République en tant qu’institution suprême de souveraineté.
Il s’en est suivi une série d’actes de pure communication de la part de Kaïs Saïed, à chaque incartade de Ghannouchi ou de l’un de ses dauphins qui s’entredéchirent à Montplaisir. A quelques heures de l’annonce par Méchichi de son gouvernement, les partis politiques en présence à L’ARP, ou certains d’entre eux qui ont envahi les médias ces derniers jours croient nous avoir endoctrinés autour de la configuration irréelle à laquelle ils rêvent, et sur laquelle ils travaillent sans grande conviction. Ils tentent de faire croire que le cabinet Méchichi, s’il est rejeté par L’ARP, placerait le Président de la République dans une situation bizarre. Celle de se résoudre à garder le gouvernement de Fakhfakh, en tant que cabinet d’expédition des affaires courantes, dans la perspective d’élections anticipées dans six mois.
Un monopole absolu du Président se prépare
Une lecture d’autant biaisée de la Constitution de 2014, qu’elle omet, d’une manière démagogique, que pendant cette période de gestation, le chef de l’etat a, constitutionnellement les coudées franches, pour établir de nouvelles règles du jeu. Il n’est plus lointain de se réveiller un matin sur une « décision présidentielle » déclarant caduc le Code électoral, avant de lui substituer un autre moins comique, mais où les déchirements de partis de L’ARP actuelle n’auront qu’une place symbolique. Dans la foulée, le chef de l’etat peut « organiser » à son niveau, une révision visant l’amendement de la Constitution selon le même mode d’action, c’est-à-dire en minorant les actuels partis politiques. Avouons que l’enjeu est colossal. D’autant plus inquiétant que Rached Ghannouchi semblait à Sfax, creuser un sillon qui lui permettrait de rallier le programme d’action de Carthage. A l’issu de dix ans de prévarications multiples, Ghannouchi à Sfax, s’inquiéta du retard quant à l’instauration de la Cour Constitutionnelle. Plus encore, il a évoqué la nécessité de « réviser » le Code électoral, en préparation aux prochaines échéances qui s’annoncent. Une manière de récupérer vulgairement un programme présidentiel que les Nahdhaouis diabolisaient quelques jours auparavant. Tout ceci pour consacrer, comme d’habitude, une force que les islamistes et leurs satellites n’ont plus sur la scène tunisienne.
Reste que pivot autour duquel travaille Ghannouchi est toujours celui de L’ARP, celle-là même qui vient de rejeter sa présidence avec 97 voix contre 16.
En réalité, que le gouvernement de Méchichi passe ou que celui de Fakhfakh reste, la République continuera son bonhomme de chemin, mais en dehors de toute volonté de puissance fumeuse, voire fumiste ou mystifiante. Le pays se prépare apparemment à inaugurer une ère d’élections sur les personnes et non les listes, une ère où l’argent sale sera traqué sous toutes ses formes autour des élections, une ère où les conditions de la candidature à la députation seront plus serrées, afin d’éviter d’avoir une ARP faite de repris de justices et de sous-cultivés injectés par la corruption et la contrebande. Une ère où l’immunité parlementaire sera redéfinie afin de servir une mission propre dans une république propre. Une ère où les institutions de contrôle et de régulation auront le premier mot dans la nomination aux postes nationaux, régionaux et locaux. Une ère où les organisations nationales comme L’UGTT, L’UTICA, et les autres auront leur mot à dire et à écouter dans le processus de prise de décisions. Bref, une ère contre toute tendance à conquérir le pouvoir par une idéologie complètement dépassée par les événements. Une ère où Saint Augustin aura eu raison chez lui, pour la première fois depuis sa mort.