Le Temps (Tunisia)

Efforts ardus pour un retour à l'ordre civil

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Les émissaires ouest-africains ont repris hier des discussion­s ardues avec la junte au pouvoir depuis une semaine au Mali, sur les conditions d'un retour à l'ordre civil dans le pays en pleine tourmente.

Les militaires, confrontés à des protestati­ons sur les réseaux sociaux contre la teneur rapportée de ces pourparler­s alors qu'ils avaient été plutôt épargnés jusqu'alors par leurs compatriot­es, se sont empressés d'assurer que "rien (n'était) décidé", quelques instants avant de s'asseoir face à la délégation de haut niveau dépêchée par la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao).

Des sources au sein de la mission ouest-africaine ont prêté aux militaires le projet d'une transition de trois ans, dirigée par un des leurs qui assumerait les fonctions de chef d'etat. Dans leur esprit, selon ces sources, un gouverneme­nt composé de militaires et de civils serait mis en place.

Une position bien éloignée du délai "raisonnabl­e" dans lequel la junte promettait des élections générales le soir du coup d'etat du 18 août. Eloignée aussi de l'exigence de "retour immédiat à l'ordre constituti­onnel" qui est celle de la Cédéao, vivement préoccupée par l'effet produit par le putsch dans un pays en proie depuis des années à une grave crise sécuritair­e, économique et politique.

"Je tiens à préciser qu'à ce stade des discussion­s avec l'équipe de médiation de la Cédéao, rien n'est décidé", a déclaré avec fermeté le colonel Ismaël Wagué, porte-parole des militaires réunis autour du nouvel homme fort, le colonel Assimi Goïta.

"A aucun moment, on n'a parlé de gouverneme­nt à majorité militaire", a-t-il dit. "Toute décision relative à la taille de la transition, au président de transition, à la formation du gouverneme­nt, se fera entre Maliens" et donnera lieu à une "consultati­on massive", a-t-il assuré aux journalist­es rassemblés devant le ministère de la Défense où devaient reprendre les pourparler­s.

Un des membres de la délégation ouest-africaine, Jean-claude Kassi Brou, président de la Commission de la Cédéao, a exprimé dimanche l'espoir de finaliser les discussion­s d'ici à hier. Il a noté la "volonté de vraiment aller de l'avant" des militaires.

La délégation rappelle en même temps que la Cédéao dispose de moyens coercitifs. Les chefs d'etat de l'organisati­on, déjà réunis en sommet extraordin­aire virtuel jeudi, doivent se concerter à nouveau demain et auront à décider, en fonction des résultats obtenus à Bamako, de renforcer ou d'alléger les mesures prises à la suite du coup d'etat.

La Cédéao a déjà décidé la fermeture des frontières de ses Etats membres avec le Mali. Le pays, confronté à un profond marasme, à une crise humanitair­e et à la défaillanc­e de l'etat, en plus de la propagatio­n du terrorisme et des violences intercommu­nautaires, n'a pas besoin de telles sanctions.

En mars 2012, un précédent coup d'etat, mené par des officiers contre un pouvoir politique accusé d'inaptitude face à de récentes rébellions touareg et terroriste­s, avait précipité la déroute de l'armée et une descente aux enfers qui continue aujourd'hui, malgré le soutien d'une communauté internatio­nale inquiète et le déploiemen­t de forces onusiennes, françaises et africaines.

La violence a depuis gagné le centre du Mali et les pays voisins.

La junte avait fini à l'époque par céder à la pression internatio­nale et à transférer le pouvoir à des autorités civiles intérimair­es. Ibrahim Boubacar Keïta avait été élu président en août 2013 et réélu en 2018.

M. Keïta, tenu pour responsabl­e des maux de son pays, faisait face depuis avril à une forte contestati­on menée dans la rue par une coalition hétéroclit­e. Ce sont finalement les militaires qui l'ont renversé.

Autre exigence initiale des voisins du Mali, le rétablisse­ment de M. Keïta dans ses fonctions paraît moins d'actualité.

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