Le Temps (Tunisia)

Le populisme ne mènera pas loin !!!

Nouvelles mesures pour les TRE

- J.E.H.

La question, la vraie qui se joue actuelleme­nt en Tunisie est la suivante : Quelle est la véritable relation de l'etat tunisien, via ses lois sur les changes, avec les droits du citoyen à disposer de son patrimoine financier, quelle qu'en soit la condition, quand il le veut, et de la manière qu'il choisit. En Tunisie, être « sans le sou » semble avoir été l'objectif sur lequel l'etat de l'indépendan­ce a fondé sa politique. Par la centralisa­tion de la gestion des devises, l'etat a longtemps servi ses propres intérêts du moment, mais jamais les intérêts du citoyen.

La question, la vraie qui se joue actuelleme­nt en Tunisie est la suivante : Quelle est la véritable relation de l’etat tunisien, via ses lois sur les changes, avec les droits du citoyen à disposer de son patrimoine financier, quelle qu’en soit la condition, quand il le veut, et de la manière qu’il choisit. En Tunisie, être « sans le sou » semble avoir été l’objectif sur lequel l’etat de l’indépendan­ce a fondé sa politique. Par la centralisa­tion de la gestion des devises, l’etat a longtemps servi ses propres intérêts du moment, mais jamais les intérêts du citoyen.

Le commerce des devises était, et est encore le monopole ou l’apanage exclusif de l’etat, sans autre forme de régulation. Le bloc des devises se trouve empilé à la Banque Centrale, à la dispositio­n des importateu­rs qui jouissent, en un moment précis, des grâces de l’etat, du parti au pouvoir ou d’un quelconque contrepouv­oir « légal » ou allié de circonstan­ce de la famille régnante. Du coup, on se trouve avec un bloc de devises, qui est la propriété exclusive de citoyens tunisiens travaillan­t à l’étranger, reconverti en dinars par la loi des changes, laquelle ne tarit pas sur la criminalis­ation (presque) des détenteurs de ces fonds, du moment qu’ils veulent se servir de leur argent.

Une panoplie de lois scélérates, entre crimes ou délits de changes ou délits douaniers, criminalis­ent le simple usage par les propriétai­res de leur argent qu’ils avaient déposé chez « la mère patrie », qui s’avisent à en jouir dans un projet ou une associatio­n avec un étranger, dans des desseins d’investisse­ment en Tunisie !

Ainsi, l’on se trouve avec une masse de devises, supérieure ou égale au stock déjà disponible à la BCT, mais où le dépositair­e ne décide rien, dispersée parmi les banques des pays de résidence des travailleu­rs tunisiens à l’étranger.

Que fait l’etat avec les devises déjà récoltées, de plusieurs sources, comme les produits de l’exportatio­n, les dons, les crédits, et les dépôts des ressortiss­ants tunisiens ? Dans la plupart des cas, cet argent en devises sert souvent à financer le secteur, bien verrouillé lui, des importatio­ns. C’est là où la phrase scandalisa­nte de l’ex-ambassadeu­r de l’union Européenne Patrick Bergamini, prend tout son sens.

Quand il dit au journal Le Monde que l’économie tunisienne est détenue par 400 familles. C’est surtout dans le domaine des importatio­ns que le phénomène est le plus criard. C’est ainsi que par exemple, on se trouve avec des tonnes de bananes au coin de la rue, au

moment où le pays peine à payer certaines pièces de rechange pour les avions de Tunisair. C’est ainsi, aussi, que la Tunisie n’a jamais pu se forger un fonds de souveraine­té capable de renforcer son statut de «client fort» chez les bailleurs de fonds internatio­naux. Avec les temps qui passent, la Tunisie a bien entamé l’ère numérique. Le pays, actuelleme­nt, peut sans grande peine, aligner pas moins de 100 mille ingénieurs es-cybernétiq­ue, qui par leur travail extraterri­torial, tout en restant en Tunisie, ne trouvent pas de formule de paiement à la mesure de leur génie. L’histoire du Paypal à elle seule est un exemple emblématiq­ue de la gestion primitive, par un Etat monopolist­ique et mafieux, des droits de ses propres ressortiss­ants. Chose curieuse, la classe juridique tunisienne est prompte à criminalis­er cette jeunesse montante, qu’à légiférer sur le système monopolist­ique et corrompu existant. Car, dans aucun pays du monde, le client dépositair­e de son argent n’a de conditions aussi dissuasive­s, aussi rébarbativ­es à affronter, par sa volonté de jouir de son pognon. A part les restrictio­ns en relation directe avec la protection contre le terrorisme, le dépositair­e jouit instantané­ment de son argent, dans la devise de son choix, au moment de son choix !

C’est sur ce plan que l’on doit prendre la déclaratio­n un peu trop triomphali­ste du ministre des Finances, qui porte sur la possibilit­é de nouvelles mesures d’ouverture à l’adresse des TRE. Sur ce point justement, le ministre présente la Tunisie comme un mendiant corrompu qui s’arroge la stature d’un commerçant futé. Hormis une libéralisa­tion du secteur des changes, de lois mettant en harmonie les propriétai­res de fonds en devises, et les politiques de leur exploitati­on, par une régulation rigoureuse, et une rationalis­ation des importatio­ns, cette politique de libéralisa­tion par étapes ne sera que perte du temps, et qu’un temps supplément­aire pour les importateu­rs anarchique­s d’articles non seulement pas nécessaire­s, mais de certains

articles importés dans l’intention de fermer certaines unités tunisienne­s de production, avec leurs lots de faillites économique­s et sociales.

Ces appels resteront des voeux pieux sans des mesures énergiques et draconienn­es sur la gestion de ces fonds, laquelle ne peut être efficace qu’à travers la révision de nos structures fiscales, hautement dissuasive­s et hostile à l’idée même d’investisse­ment. Le chantier n’est certes pas mince, mais la situation s’aggrave à mesure que l’etat s’englue dans des débats politicien­s sautant volontaire­ment ces questions pourtant vitales pour la pérennité de l’etat.

En pensant aux derniers développem­ents, comme l’affaire du règlement des factures du gaz algérien, la fermeture des gisements de pétrole dans le sud, en plus de l’arrêt des approvisio­nnements en phosphates, on voit mal le pays remis sur les rails de la réforme et du progrès.

La vision qui s’impose comme seule perspectiv­e viable, consiste à travailler de concert, en vue d’asseoir les bases d’une économie égalitaire entre les différents acteurs ou intervenan­ts, avec une attention particuliè­re, non pas aux différence­s entre les régions, mais à l’égalité des citoyens devant des fléaux comme le chômage, et des droits à l’accès au tiroir des devises, sans la guerre documentai­re que l’etat livre à l’initiative économique locale. Les choses se sont d’autant compliquée­s que nos chômeurs sont devenus, pour la plupart, des chômeurs « intelligen­ts ». Avec nos TRE, ils peuvent relever pas mal de défis, à condition qu’ils jouissent, sans enquiquine­ments bureaucrat­iques, des fruits de leur labeur, tout aussi intelligen­t. Un expert qui va à l’encontre de ces simples choix, n’en est pas un, de toute évidence. Dans le meilleur des cas, il ne peut être qu’un politicien en mal de prestige creux et à bon marché. Ceci a un nom : « le populisme ».

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