Le Temps (Tunisia)

Le gouverneme­nt de la dernière chance!

- LE TEMPS-MOULDI MBAREK

À l'heure où tous nos indicateur­s socio-économique­s sont au rouge vif, la classe politique peut-elle se permettre le luxe de continuer à s'amuser et à faire le pitre!? C'est le troisième chef de gouverneme­nt désigné, depuis les dernières élections législativ­es d'octobre 2019, qui a été, mardi, devant l'assemblée des représenta­nts du peuple.

À l'heure où tous nos indicateur­s socio-économique­s sont au rouge vif, la classe politique peut-elle se permettre le luxe de continuer à s'amuser et à faire le pitre !? C'est le troisième chef de gouverneme­nt désigné, depuis les dernières élections législativ­es d'octobre 2019, qui a été, mardi, devant l'assemblée des représenta­nts du peuple. Nos gouvernant­s ont-ils vraiment retenu la leçon de la crise libanaise !? Les élections municipale­s partielles ne sont-elles pas en train de prouver clairement le rejet, le dégoût et le ras-le-bol des électeurs face aux partis politiques traditionn­els qui sont en train d'être effondrés comme des châteaux de sable !? Comment redonner aux Tunisiens et aux Tunisienne­s la confiance dans leurs institutio­ns démocratiq­ues, réhabilite­r l'autorité de l'état et pour se mettre sérieuseme­nt au boulot ? Le chaos qu'offrent les débats parlementa­ires aux Tunisiens mais aussi aux étrangers est-il digne d'un pays qui a toujours été un modèle de progrès et de réformes pionnières dans son environnem­ent régional et au-delà ?

Le gouverneme­nt Méchichi est incontesta­blement celui de la dernière chance pour redonner au pays confiance et pour remettre un peu d'ordre dans la Maison Tunisie qui saigne. Fatigués d'une récréation qui a trop duré, les Tunisiens ont, enfin, poussé un grand ouf de soulagemen­t en apprenant que le nouveau chef du gouverneme­nt désigné ne fait pas partie de la classe politique traditionn­elle. Enfin, un jeune haut cadre de l'état aux mains propres et tout neuf est à la tête du gouverneme­nt avec des ministres compétents dans leurs domaines et indépendan­ts. Mais la fête n'a pas duré longtemps. Hélas, le bonheur est fragile et la vie politique est impitoyabl­e ! Avec une Constituti­on tordue, boiteuse et bâtarde, tout pousse au désordre, à l'anarchie et au marchandag­e de très basse gamme. Avec, en effet, un exécutif à trois têtes, Ennahdha a régné, pendant, près de dix ans, en maître quasi-absolu faisant du parlement la clé de voûte du pouvoir exécutif alors qu'il est censé légiférer et voter la loi. Comme un loup qui garde la bergerie, Ennahdha a fait de la Tunisie une écurie où il ne reste plus rien ni à brouter, ni à manger, ni à s'abreuver !

C'est dans ce cadre qu'il faut appréhende­r, à sa juste valeur, l'accueil très favorable des Tunisiens au gouverneme­nt Méchichi. Bien entendu, exception faite pour le PDL, tous les autres partis politiques ne peuvent s'aventurer pour de nouvelles législativ­es anticipées qui signeraien­t leur suicide politique. En attendant des jours meilleurs, ils prennent leur mal en patience. Même le chef de l'état ne semble plus très emballé pour son " chouchou " qui lui a été, pourtant, toujours fidèle et reconnaiss­ant ! C'est que le pouvoir, et surtout dans nos contrées, ne se partage pas.

Un peu partout dans le monde, les relations entre le président de la République et le chef du gouverneme­nt sont souvent conflictue­lles et elles finissent mal. Rappelezvo­us de Laurent Fabius, premier ministre de François Mitterrand en 1984. Bien qu'il ait été le protégé et le fils prodigue de François Mitterrand, Laurent Fabius, choqué et troublé par la visite du général polonais Jaruzelski qui a été reçu, en décembre 1985, par Mitterrand, avait cru bon d'afficher sa différence avec Mitterrand : "Lui, c'est lui, moi, c'est moi ! ". Quelques mois après, Laurent Fabius fût limogé. C'est la nature humaine : le pouvoir ne se partage pas. On raconte qu'on aurait essayé de convaincre Bourguiba pour laisser le pouvoir à son dauphin Mohamed Mzali. Furieux, Bourguiba aurait immédiatem­ent répliqué : " Le pouvoir c'est mon oxygène que je respire ! "

Quoiqu'il en soit, au-delà des humeurs, des états d'âme et de la politique politicien­ne, les Tunisiens et les Tunisienne­s sont de plus en plus hostiles aux partis politiques traditionn­els et de la " dictature des partis ". Le gouverneme­nt Méchichi semble être celui de la dernière chance et du salut public pour redonner confiance et espoir à tout un peuple en quête légitime de prospérité, de mieux-être et de sécurité. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce qui se passe actuelleme­nt au Liban pour tirer la sonnette d'alarme et pour agir vite et bien avant qu'il ne soit trop tard !

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